Suicide d'un lycéen à Poissy : le rectorat en partie responsable ? Quelles sanctions possibles ?

Suicide d'un lycéen à Poissy : le rectorat en partie responsable ? Quelles sanctions possibles ? Les parents de Nicolas, le lycéen qui s'est suicidé au lendemain de la rentrée à Poissy, dénoncent la responsabilité de l'établissement scolaire et son absence de réponse face au harcèlement que subissait leur fils. Une lettre signée du rectorat pose aussi question.

Le suicide de Nicolas aurait-il pu être évité ? Toutes les mesures nécessaires ont-elles été prises par son lycée et le rectorat de Versailles pour mettre fin au harcèlement que l'adolescent subissait ? Les parents du lycéen de 15 ans qui s'est donné la mort le 5 septembre au domicile familial, à Poissy, dénoncent l'inaction de l'établissement scolaire et le tiennent en partie responsable de la mort de leur fils.

Une responsabilité que refuse de prendre le lycée professionnel Adrienne Bolland où était inscrit le jeune homme avant la rentrée 2023. Alors que les parents de Nicolas s'étaient plaints de l'absence de mesures prises par la direction dans un courrier envoyé fin avril, dans sa réponse le proviseur a assuré que la situation de harcèlement touchait à sa fin. Surtout, dans une lettre rendue publique par BFMTV, le rectorat a menacé et accusé la famille de Nicolas de "dénonciation calomnieuse". Dans son courrier le rectorat de Versailles somme les parents du lycéen "d'adopter une attitude constructive et respectueuse" en plus de qualifier les brimades et violences verbales avérées dont Nicolas était victime de "harcèlement supposé".

La lettre a suscité l'indignation, notamment des associations de lutte contre le harcèlement scolaire. Ces dernières pointent du doigt des mots "d'une extrême violence pour la famille" et "une déclamation de la non volonté d'entendre que le harcèlement scolaire". Nicolas n'a "pas été écouté par les adultes" selon Hugo Martinez, président de l'association Hugo et victime du harcèlement scolaire.

Le ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal, a promis de faire la lumière sur la situation et de prendre les mesures nécessaires, y compris les sanctions, sur le plan administratif. Il a assuré dans la soirée du 18 septembre, après une réunion avec les recteurs vouloir "un électrochoc à tous les niveaux" et se donne l'objectif de "100% prévention, 100% détection et 100% réaction". En plus de possibles sanctions administratives, le lycée et le rectorat risquent-ils des sanctions pénales ? Les parents de Nicolas n'excluent pas de porter plainte, mais attendent "les résultats des enquêtes et les actions qui seront menées par le gouvernement" avant de se décider.

Une "phase de résolution" et un "harcèlement supposé"

Accusé de ne pas répondre au harcèlement scolaire qui visait Nicolas, l'établissement scolaire a répondu aux parents du lycéen dans un courrier envoyé fin avril indiquant qu'"aucun fait de classe significatif en lien avec Nicolas, n'a été remonté par l'équipe pédagogique depuis le 10 mars" et que le corps enseignant pouvait de fait "considérer que la situation était en phase de résolution". Cette situation expliquait, selon la direction, la non mise en place des mesures annoncées lors de précédents rendez-vous avec les parents de Nicolas.

Mais le rectorat de Versailles est allé plus loin en menaçant les parents du lycéen de "dénonciations calomnieuses" sur un "harcèlement supposé". Un courrier "honteux" qui montre la grande "défaillance sur le type de réponse adressée à des parents", a jugé la Première ministre, Élisabeth Borne.

Une responsabilité du lycée dans le suicide de Nicolas ?

Les enquêtes en cours sur le suicide de Nicolas doivent déterminer si le harcèlement scolaire est le seul facteur qui a poussé le lycéen à se donner la mort et, en conséquence, identifier les responsables. Les élèves harceleurs encourraient alors une peine de 10 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende, sanction prévu par l'article 222-33-2-3 du Code pénal lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider.

Mais se pose la question de la responsabilité de l'établissement scolaire, voire du rectorat, qui a reconnu ne pas avoir pris des mesures pour mettre fin au harcèlement. Lequel n'était plus caractérisé selon la direction. Cette absence de réponse peut-être comprise comme un "comportement imprudent ou négligent" et donc un manquement à l'obligation de sécurité que doit l'établissement scolaire à l'égard de ses élèves. Les établissements scolaires sont notamment tenus par le Code de l'éducation à respecter l'article L. 111-6 qui dispose qu'"aucun élève ou étudiant ne doit subir de faits de harcèlement résultant de propos ou comportements, commis au sein de l'établissement d'enseignement ou en marge de la vie scolaire ou universitaire".

Les enseignants qui auraient assisté au harcèlement de Nicolas sans intervenir comme la direction de l'établissement qui n'aurait pas pris les mesures nécessaires, ou encore le rectorat qui aurait minimisé les faits de harcèlement pourraient donc être en partie responsables selon l'article 121-3 du Code pénal : "Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait."

Des sanctions possibles ?

Si la responsabilité pénale de l'établissement scolaire dans lequel Nicolas était inscrit semble pouvoir être engagée, quelles sanctions seraient appliquées ? L'article 223-7 du Code pénal dispose que "quiconque s'abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende". Si l'établissement a volontairement renoncé à mettre en place les mesures anti harcèlement, comme indiqué dans le courrier du proviseur du lycée, cet article pourrait être invoqué. 

Par ailleurs, le ministre de l'Education nationale qui a promis de tirer la situation au clair a également annoncé le 16 septembre tirer "toutes les conclusions, y compris en matière de sanctions" d'ici à "15 jours". L'échéance est donc fixé au 1er octobre 2023.