A Romans-sur-Isère, de nouvelles manifestations de l'ultra-droite redoutées

A Romans-sur-Isère, de nouvelles manifestations de l'ultra-droite redoutées Plusieurs milices de l'ultra-droite se sont rassemblées à Romans-sur-Isère (Drôme), le week-end dernier, pour rendre leur justice après la mort de Thomas dans un bal de Crépol. Les militants disposaient d'informations précises sur les suspects.

C'était une expédition punitive visiblement préparée. Au moins 80 militants d'ultra-droite venus de plusieurs villes de France se sont rassemblés, encagoulés, les 25 et 26 novembre à Romans-sur-Isère, dans la Drôme, "pour en découvre" avec les jeunes du quartier de la Monnaie, comme l'indiquait le préfet de la Drôme, Thierry Devimeux. Ce quartier est celui dont sont originaires plusieurs des neufs suspects dans l'affaire du drame de Crépol qui a entrainé la mort du jeune Thomas, le 19 novembre.

Parmi les dizaines de militants, certains disposaient d'informations précises sur les neufs suspects et les membres de leur famille selon un journaliste de franceinfo qui est entré en possession du portable d'un des militants. Le propriétaire du portable, un Rouennais membre du groupuscule néonazi, Division Martel, était inscrit dans un groupe sur lequel avaient été partagés les noms complets des suspects, leur adresse et leur numéro de téléphone, ainsi que des informations sur leurs proches habitants le quartier de la Monnaie.

Plusieurs téléphones de militants sont exploités par la police. Lundi, déjà six personnes âgées de 18 à 25 ans présentent dans les manifestations mais ne se réclamant d'aucun groupe ont été jugées et condamnées à des peines allant de 6 à 10 mois de prison ferme par le tribunal de Valence.

Risque de nouveaux rassemblements ?

Les manifestations, parfois violentes, organisées par les militants d'ultra-droite en réponse à l'assassinat de Thomas à Crépol ont été condamnées par la justice et le gouvernement. Ce mardi 28 novembre, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a affirmé au micro de France Inter : "Je ne laisserai aucune milice, qu'elle soit d'extrême droite ou n'importe quel courant radical, faire la loi à la place des procureurs de la République et des policiers et des gendarmes". Et pour ajouter l'action à la parole, le ministre a annoncé proposer la dissolution de plusieurs groupuscules "directement liés aux mobilisations d'extrême droite", dont Division Martel.

L'annonce suffira-t-elle à dissuader les milices d'extrême droite et autres à mener de nouvelles expéditions punitives ? Pas sûr. "Plusieurs rassemblements sont programmés à l'initiative d'entités d'extrême droite et d'ultradroite", selon une note de la Direction nationale du renseignement territorial consultée par BFMTV. Un "appel à se mobiliser devant toutes les mairies de France [...] pour rendre justice à Thomas et toutes les autres victimes de ces barbares" a été diffusé sur les réseaux dont Tik Tok, précise la note. Ces rassemblements s'ils se confirment risquent de montrer un "niveau de violence égal, voire supérieur, à l'encontre des populations issues de l'immigration et des forces de l'ordre" et de se "traduire par des violences contre les structures dédiées à l'accueil des demandeurs d'asile et/ou des réfugiés".

Ces militants de l'ultradroite, armés de battes de baseball, de barres de fer et équipés de fumigènes, se sont livrés à des affrontements avec les forces de l'ordre qui ont fini par les repousser. Cinq policiers ont été blessés dans les affrontements durant lesquels les militants ont riposté par des tirs de mortier et de pierres. Selon des images diffusées sur les réseaux sociaux, les militants se sont regroupés derrière une banderole "Justice pour Thomas, ni pardon, ni oubli" faisant référence à la mort de l'adolescent de 16 ans lors d'un bal dans le village de Crépol où plusieurs autres participants ont été blessés le 19 novembre.

Vingt-quatre personnes interpellées

Les manifestations à Romans-sur-Isère se sont conclues par une vingtaine d'interpellations avec dix-sept gardes à vue permettant un retour au calme, selon la préfecture de la Drôme. Durant les évènements de samedi soir, une jeune militant de l'extrême droite originaire de la Mayenne a été frappé, blessé et transporté à l'hôpital. La vie du jeune homme n'est pas en danger comme l'a déclaré le préfet. Sept nouvelles interpellations ont eu lieu dans la journée de dimanche. Parmi eux se trouvent trois militants d'extrême droite et quatre jeunes issus du quartier de la Monnaie. Tous ont été placés en garde à vue pour cause de port d'armes. Le préfet de la Drôme indiquait dimanche sur BFMTV que les autorités avaient été informées en amont d'un tel rassemblement, ce qui a permis aux forces de l'ordre de s'organiser. Mais les manifestations se sont tout de même avérées violentes, les militants étant armés battes de baseball, de barres de fer et équipés de fumigènes.

Après ces manifestations le procureur de Valence, Laurent de Caigny, a appelé "au calme et au respect de chacun". "Nul ne peut se faire justice en dehors de la loi", a-t-il surtout rappelé invitant à laisser les enquêteurs poursuivre les investigations. Et le magistrat d'ajouter : "Ceux qui s'y opposent par la violence, illégitime, en répondront." Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a dénoncé "des actes inacceptables" sur X (ancien Twitter).

Une récupération politique dénoncée

Ce lundi 27 novembre au matin, Emmanuelle Anthoine, députée Les Républicains (LR) de la Drôme a pris la parole au micro de franceinfo et déclaré : "Il faut éviter cette spirale de violence." En contact avec la maman de Thomas, elle a confié que cette dernière refuse que la mort de son fils soir utilisée politiquement. L'usage des photos de Thomas dans plusieurs villes de France a d'ailleurs "beaucoup affectée" la mère endeuillée, selon l'élue.

Depuis le drame qui a frappé Crépol, l'extrême droite s'est montrée particulièrement active sur les réseaux sociaux, pointant du doigt notamment les origines supposées des principaux suspects dans ce drame. Des idées reprises par les militants de ce week-end dans certains de leurs slogans comme "Islam hors d'Europe". Une récupération politique assumée et parfois reprise par des élus politiques comme le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, qui a déclaré sur France 2 ce lundi matin ne pas tolérer "les procès en récupération [...] utilisés par ceux qui ont une responsabilité morale dans la situation". Le politique a d'ailleurs affirmé que lors du bal de Crépol, "ces jeunes de cité, qui se sont comportés comme des prédateurs, sont venus pour planter des blancs et sont venus pour planter des jeunes", disant s'appuyer sur des déclarations de témoins. À noter que le mobile de l'attaque n'a pas encore été établi et que le mobile raciste n'a pas été retenu dans l'enquête pour l'heure, selon le procureur de la République de Valence.

Outre Jordan Bardella, le président des Républicains, Éric Ciotti, s'est également fait remarquer dimanche soir sur le plateau de BFM TV en ne condamnant pas la manifestation de l'ultradroite, se disant davantage "inquiet" pour "ce qu'il s'est passé à Crépol", à savoir la mort du jeune Thomas. Un comportement rapidement dénoncé par Jean-Luc Mélenchon sur X (ex-Twitter), celui-ci n'hésitant pas à fustiger "cette ambiguïté avec le racisme [qui] encourage les pires débordements de violences". Et de renchérir : "Ce refus [de condamner ndlr.] est une apologie pour les bandes armées racistes. On voit de mieux en mieux où est le problème dans notre République."

Dans le reste de la classe politique, la condamnation a été unanime, avec toutefois plus ou moins de fermeté. Ainsi, François Hollande s'est dit inquiet vis-à-vis de ces faits "extrêmement graves", tandis que la Secrétaire d'État chargée de la Citoyenneté et de la Ville, Sabrina Agresti-Roubache, a estimé qu'"on peut demander et on a le droit de demander la justice pour Thomas. Mais on la demande dans des règles".

En déplacement ce lundi matin à Crépol, le porte parole du gouvernement, Olivier Véran a, lui, alerté sur le "risque d'un basculement de la société". Il a également déclaré devant la presse : "Je veux dire le soutien absolu et sans réserve de l'État à l'ensemble des victimes de ce drame." Olivier Véran a aussi communiqué qu'un "comité local d'aide aux victimes se réunira dès les prochains jours présidé par le préfet et par le procureur de Valence" dans le but d'accompagner les victimes