Ben Salmane : une plainte pour complicité de torture, mais une rencontre avec Macron

Ben Salmane : une plainte pour complicité de torture, mais une rencontre avec Macron BEN SALMANE. Mohammed Ben Salmane, prince héritier d'Arabie Saoudite, est reçu à dîner, jeudi 28 juillet, par Emmanuel Macron. Cette visite passe mal, alors que le dirigeant est visé par une plainte pour complicité de torture.

[Mis à jour le 28 juillet à 22h59] Mohammed Ben Salmane (MBS), le prince héritier d'Arabie saoudite, est reçu à dîner à l'Élysée par Emmanuel Macron, jeudi 28 juillet au soir. Dans la matinée, deux ONG ont déposé plainte contre Mohammed Ben Salmane pour complicité de torture et de disparition forcée en lien avec l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi à Istanbul, en Turquie, en 2018. Ce voyage en France est le premier du prince héritier en Europe depuis 2018. Sa rencontre avec Emmanuel Macron est très contestée. En effet, MBS serait lié à la mort du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, selon le renseignement américain. L'assassinat du journaliste avait provoqué la réaction de l'ensemble de la communauté internationale. Cependant, avec la guerre en Ukraine et la crise énergétique, Emmanuel Macron a décidé de renouer les liens avec l'Arabie saoudite.

Le Président de la République reçoit ainsi Mohammed Ben Salmane dans le cadre d'un dîner de travail. Avec la flambée des prix de l'énergie due à la guerre en Ukraine, MBS redevient un acteur incontournable sur la scène internationale. Il a d'ailleurs rencontré le président des États-Unis, Joe Biden, deux semaines plus tôt. Sur Franceinfo, la Première ministre, Élisabeth Borne, a assuré que "les questions de droits de l'Homme, de liberté" seront abordées lors de ce repas par Emmanuel Macron. "C'est important d'avoir ces échanges, sans renoncer en rien à nos objectifs, à nos valeurs et au respect des droits de l'Homme", a-t-elle affirmé. Sur RMC, l'entourage du chef de l'État défend cette rencontre, "vu la crise, il faut parler avec les pays producteurs de pétrole", estime un conseiller.

Une plainte contre Ben Salmane après la mort d'un journaliste

Les ONG Democracy for the Arab World Now et Trial International ont annoncé, jeudi 28 juillet, avoir déposé une plainte contre Mohammed Ben Salmane pour complicité de torture et de disparition forcée en lien avec l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi auprès du tribunal judiciaire de Paris, annonce Europe 1. Pour les plaignants, le prince héritier d'Arabie saoudite est "un complice de la torture et de la disparition forcée de Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul le 2 octobre 2018."

Le journaliste était critique du pouvoir saoudien et avait été assassiné et démembré en Turquie, à Instanbul, il y a quatre ans, au sein même du consulat saoudien. Selon la CIA, le pouvoir saoudien, dont Mohammed Ben Salmane, était à l'origine de cet acte barbare.

Un dîner Macron-Ben Salmane pour faire baisser le prix du pétrole ?

À l'Élysée, Emmanuel Macron et Mohammed Ben Salmane devraient parler pétrole. Car le prix de l'énergie, et notamment du carburant, est le principal sujet dans l'actualité, les tarifs à la pompe ayant explosé depuis le début de la guerre en Ukraine, conséquence des sanctions prises à l'encontre de la Russie qui a lancé l'offensive. Lors de ce rendez-vous, le président de la République devrait tenter de convaincre le prince saoudien d'augmenter la production de pétrole en vue de compenser le manque de pétrole russe. "Il y a un volet évidemment particulier lié aux questions énergétiques, parce que l'Arabie saoudite a les moyens de faire baisser les prix du pétrole" indique sur Franceinfo Agnès Levallois, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique. Selon Le Parisien, l'Union européenne et les États-Unis poussent pour une hausse de la production saoudienne de 2 à 3 millions de barils de pétrole par jour, passant ainsi de 10 à 12 ou 13 millions de barils quotidiens.

"Les autorités françaises sont bien conscientes que recevoir Mohammed Ben Salmane est évidemment délicat en termes de politique et de réputation. Mais à leurs yeux, les intérêts en jeu pour l'Europe le valent. Ce pays a les plus importantes réserves de pétrole prouvées après le Venezuela. Dans le contexte actuel, celui de la guerre en Ukraine, il est difficile de ne pas envisager de parler avec l'Arabie saoudite", commente sur RMC Francis Perrin, directeur de recherches à l'IRIS, spécialiste des questions d'énergie.

Cependant, l'Arabie saoudite ne serait pas disposée à ouvrir davantage ses robinets d'or noir. Et pour cause : elle dirige avec la Russie l'Organisation des pays producteurs de pétrole et ne soutient pas les sanctions prises à l'encontre de Vladimir Poutine. Emmanuel Macron parviendra-t-il à le convaincre ? Que mettra dans la balance le président de la République ? Surtout, ne risque-t-il pas d'être handicapé par ses prises de positions contre Mohammed Ben Salmane ?

Critiques sur la venue de Ben Salmane en France

Cette réception de Mohammed Ben Salmane par Emmanuel Macron n'est pas épargnée par les critiques. De nombreuses ONG se sont insurgées de la venue du prince héritier d'Arabie Saoudite au palais de l'Élysée. "On peut négocier des choses par rapport au pétrole, mais on n'a pas besoin de réhabiliter un prince meurtrier" a dénoncé sur France Inter Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty international, également rapporteuse spéciale de l'ONU sur les exécutions extrajudiciaires.

"La réintégration de Mohammed Ben Salmane dans les relations internationales ne saurait se produire au mépris de la vérité et de la justice", a, de son côté, cinglé Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters Sans Frontière (RSF), dans un communiqué. Bénédicte Jeannerod, directrice de Human Rights Watch France, abonde : "MBS peut apparemment compter sur Emmanuel Macron pour le réhabiliter sur la scène internationale, malgré le meurtre atroce du journaliste Jamal Khashoggi."

L'Arabie saoudite sanctionnée par Macron en 2018

Car en 2018, Emmanuel Macron avait largement commenté la mort du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, assassiné au consulat d'Arabie saoudite en Turquie et imputé au régime de Ben Salmane, qui l'aurait validé, selon la CIA. Benjamin Griveaux, alors porte-parole du gouvernement à cette période, avait estimé que "dans l'hypothèse où la responsabilité de l'Arabie saoudite est avérée, alors nous en tirerons les conséquences et nous prendrons des sanctions." La France avait sanctionné 18 personnes liées à l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. En décembre 2021, lors d'une première rencontre entre Mohammed Ben Salmane et Emmanuel Macron, le Président français avait assumé dialoguer avec le régime saoudien : "cela ne veut pas dire que je cautionne, que j'oublie, que nous ne sommes pas des partenaires exigeants."