Ouïghours : des "crimes contre l'humanité" commis par la Chine ?
[Mis à jour le 2 septembre 2022 à 13h30] L'Organisation des Nations unies (ONU) a publié un rapport dans lequel elle acte que le régime chinois commet de "graves violations" des droits humains à l'encontre des musulmans ouïghours sur son sol, dans la région du Xinjang. Le document officiel a été publié mercredi 31 août 2022, à la fin du mandat de Michelle Bachelet au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH). "L'ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire de membres des Ouïghours et d'autres groupes à prédominance musulmane (...) peut constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l'humanité", écrit l'Organisation dans son rapport, consultable en ligne. Ce document affirme avoir des "preuves crédibles" de tortures et de violences sexuelles envers la minorité musulmane des Ouïghours, il appelle la communauté internationale à agir.
À la suite de cette publication, le Quai d'Orsay a publié un communiqué, jeudi 1er septembre. La France est "profondément préoccupée par les conclusions du rapport", assure-t-il. Le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères souligne des "cas de détentions arbitraires, de torture ou de peines et traitements cruels, inhumains et dégradants, de disparitions forcées, de stérilisations forcées, de violences sexistes et sexuelles et de séparations de famille", rapporte France info. La France appelle la Chine à "mettre fin aux violations des droits de l'Homme à l'encontre des populations ouïghoures et des autres personnes appartenant aux minorités". À l'international, le chef de la diplomatie des États-Unis, Anthony Blinken, a exigé des comptes de la Chine concernant ce qu'il qualifie de "génocide". Le mot n'a pas été employé dans le rapport de l'ONU.
Le rapport de l'ONU sur les Ouïghours, un tournant ?
Dolkun Isa, président du Congrès mondial Ouïghour, a rapidement réagi à la publication de ce rapport. "Ce document ouvre la voie à des actions sérieuses et tangibles des États membres, des agences de l'ONU et des entreprises. L'heure de rendre des comptes sonne maintenant", a-t-il estimé dans un communiqué officiel. L'ONG Human Rights Watch pour la Chine a considéré, dans un communiqué publié le 1er septembre, que l'ONU avait désormais l'obligation morale d'"utiliser ce rapport pour lancer une enquête exhaustive sur les crimes contre l'humanité du gouvernement chinois".
S'il ne semble pas comporter de révélations par rapport à ce qui était déjà connu de la situation dans le Xinjiang, ce document apporte le sceau de l'ONU aux accusations portées de longue date contre les autorités chinoises #AFP 3/6 pic.twitter.com/qLr5yzVyLA
— Agence France-Presse (@afpfr) September 1, 2022
Parmi les réactions les plus fermes, celle de l'Allemagne apparaît comme l'une des plus signifiantes. Le ministère des Affaires étrangères allemand a jugé "qu'il y a lieu de s'inquiéter au plus haut point", dans un communiqué. "Toutes les personnes détenues arbitrairement doivent être libérées immédiatement ", a ajouté Berlin, appelant Pékin "à accorder immédiatement à tous les habitants du Xinjiang le plein exercice de leurs droits humains" et "à autoriser une nouvelle enquête indépendante sur ces allégations de graves violations des droits humains en Chine".
La Chine a fustigé la publication du rapport de l'ONU sur les Ouïghours, accusant sans ambages l'Organisation des nations unies de mensonges orchestrés sous la pression des pays occidentaux : "Le HCDH a créé de toutes pièces ce rapport, s'appuyant sur la conspiration politique de certaines forces anti-chinoises à l'étranger. Il s'agit d'une grave violation des responsabilités du HCDH, des principes d'universalité, de non-sélectivité, d'objectivité et de non-politisation. Cela prouve une fois de plus que le HCDH est devenu le sbire et le complice des États-Unis et de l'Occident pour punir (…) des pays en développement", a déclaré en conférence de presse Wang Wenbin, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois.
Qui sont les Ouïghours ?
Les Ouïghours sont une minorité musulmane installée dans le nord-ouest de la Chine, le Xinjiang, explique La Croix. Les onze millions d'Ouïghours sont une ethnie turcophone sunnite. La région autonome ouïghoure du Xinjiang est la plus grande unité administrative chinoise, la région a été envahie par la Chine au XVIIIe siècle. Cependant, à la fin du XIXe siècle, des révoltes indépendantistes mènent à la proclamation d'une "République islamique du Turkestan oriental". En 1949, avec l'arrivée au pouvoir des communistes, les Ouïghours sont victimes de discriminations économiques, culturelles et démographiques. Celles-ci n'ont cessé de s'accroître. Ainsi, fin 2020, les associations de défense des droits humains dénonçaient une politique d'assimilation forcée et la répression sévère de la culture et de la religion ouïghoure. De plus, Amnesty International affirmait que plus d'un million d'Ouïghours étaient détenus dans des centres de rééducation politique, dans lesquels ils travaillaient parfois pour les sous-traitants de grandes marques occidentales.
Le rapport publié par l'ONU était donc très attendu des ONG, mais aussi des États-Unis. De son côté, la Chine a tout fait pour empêcher la parution de ce document. Elle dénonce une "farce" orchestrée par les Occidentaux, indique Le Monde. Pékin assure que les camps d'internement dans lesquels sont enfermés les Ouïghours sont des "centres de formation professionnelle", visant à déradicaliser la population.