Conseil national de la refondation (CNR) : c'est quoi ? Un tirage au sort pour les citoyens ?
[Mis à jour le 8 septembre 2022 à 09h21] "Nous sommes dans une ère historique qui impose de changer profondément de modèle et puis, la guerre est là." C'est en ces termes qu'Emmanuel Macron avait justifié, depuis juin 2022, la création d'un Conseil national de la refondation, officiellement lancé ce jeudi 8 septembre 2022 à Marcoussis (Essonne), censé réunir les différentes forces politiques du pays, mais aussi les acteurs économiques, sociaux et associatifs, ainsi que des citoyens tirés au sort. Mais nombre d'entre eux ont boudé l'invitation du président de la République. Les oppositions ne se rendront pas au Centre national du rugby -retenu comme lieu de rencontre (un CNR au... CNR !)-, tout comme de nombreuses organisations syndicales.
Principale raison de ces refus : les contours flous de cette nouvelle institution, d'autant que le Parlement (et en particulier l'Assemblée nationale) est déjà particulièrement dynamique compte tenu de la multiplicité et du poids des divers groupes politiques. Par ailleurs, s'inscrivant dans la continuité du Grand Débat national ou encore de la Convention citoyenne sur le climat, ce CNR ne suscite guère l'enthousiasme, des invités évoquant le peu d'effet des deux autres initiatives, même si les macronistes s'attèlent à les défendre et vanter leurs effets. Boudé et critiqué, ce Conseil national de la refondation est pourtant vendu comme l'arme principale de la "nouvelle méthode" prônée par Emmanuel Macron qui sera dirigée... par un vieux briscard de la politique : François Bayrou. Mais que sait-on au juste de cette nouvelle organisation ? Qui y participe ? Que faut-il en attendre ? Explications.
Le CNR, c'est quoi ?
Revenons sur le principe et la manière dont ce Conseil national de la refondation doit s'articuler : si cette instance veut réunir les représentants des principaux partis, les syndicats de travailleurs et des dirigeants d'entreprise, ainsi que des citoyens tirés au sort, c'est pour une raison : discuter en amont des grandes réformes à engager. Emmanuel Macron souhaite impulser une nouvelle méthode dans le processus aboutissant aux grandes décisions à prendre sur des enjeux historiques : la transition écologique, la santé et le vieillissement de la population, l'industrialisation. Le chef de l'Etat compte sur le CNR pour donner davantage de poids et de consistance à la démocratie participative, qui ne s'exprime que très difficilement en France compte tenu de nos institutions très verticales, rigides, donnant un pouvoir très concentré dans les mains de l'exécutif.
Qui participe au Conseil national de la refondation ? Quelle composition ?
Le Conseil national de la refondation regroupe sans surprise les forces de la majorité : La République en Marche dont les membres sont des fervents défenseurs du projet et seront présents lors des discussions et le MoDem qui s'est allié à la majorité présidentielle dès 2017. La présence du parti politique n'est pas étonnante puisque son leader, François Bayrou, est en charge du secrétariat général de l'instance. Le parti philippiste Horizons sera aussi de la partie mais sans Edouard Philippe. Le maire du Havre en déplacement à Québec le 8 septembre dit vouloir laisser la place à une autre élue locale le représenter mais en coulisses les proches de l'ancien Premier ministre confient à Franceinfo qu'"Edouard Philippe ne croit absolument pas au CNR".
Toujours du côté politique, des élus locaux seront aussi parties prenantes au CNR notamment l'Association des maires de France (AMF), l'Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France. Les trois organisations avaient d'abord décliné l'invitation d'Emmanuel Macron avant de se raviser après un entretien avec le chef de l'Etat, le 5 septembre.
Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) sera aussi de la partie pour "prendre sa part dans une refondation qu'il appelle depuis longtemps de ses vœux" selon les mots de son président Thierry Beaudet dans le Figaro. Seulement deux syndicats, la CFDT et la CFTC, ont répondu à l'invitation du CNR pour laisser une chance à la concertation mais sans se faire d'illusions. Enfin deux organisations économiques prendront places sur les bancs du nouveau conseil : le Medef et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).
Qui est absent du Conseil national de la refondation ?
C'est un boycott quasi-général, de la Nupes au Rassemblement national en passant par les Républicains, des partis de l'opposition à cette nouvelle instance de dialogue voulue par Emmanuel Macron. Chez les Républicains, "il est hors de question de participer à tout ça ; que le président de la République fasse le travail institutionnel qui doit être le sien", a indiqué le président des députés LR, Olivier Marleix. Même son de cloche au Rassemblement national qui évoque une "escroquerie" et "un machin de plus", selon la porte-parole du RN, Laure Lavalette. Une décision de l'extrême droite dictée par Marine Le Pen qui avait déjà refusé de participer "à quelque structure que ce soit qui vise à retirer du pouvoir à l'Assemblée nationale" en juin dernier.
Au sein de l'alliance à gauche, la situation est similaire. Selon Franceinfo, le Parti socialiste a décliné l'invitation lancée par le président de la République. EELV ne s'y rendra pas non plus parlant d'un "consensus" parmi les cadres du parti écologiste, a expliqué à l'AFP la numéro 2 du parti, Sandra Regol. "Si c'était une véritable rencontre de travail, on y serait allés. Mais là, ça résonne plutôt comme un outil de communication. On ne voyait pas l'intérêt de s'y rendre", a-t-elle lâché. Le parti de Jean-Luc Mélenchon a également renoncé à participer au CNR. Quant au Parti communiste, Fabien Roussel a dénoncé l'objectif du projet selon lui qui serait "l'intention de contourner un Parlement dans lequel [Renaissance] ne dispose pas de majorité".
Côté syndicats, la CFDT a accepté de se rendre au lancement du Conseil national de la refondation, selon Libération. "Notre objectif est bien de faire entendre la voix de la société civile. Aujourd'hui, la période est trop grave pour déserter le terrain de l'implication", a indiqué Marylise Léon, secrétaire générale adjointe de la centrale. La CGT n'est pas du même avis. Dénonçant un coup de "communication", Philippe Martinez a pesté contre des "des délais extrêmement courts" et contre le manque d'informations sur le projet. La CFE-CGC, le syndicat des cadres, a également refusé.
Qui sera tiré au sort ?
Y aura-t-il des citoyens français désignés par le hasard dans le Conseil national de la refondation ? Si l'idée d'un tirage au sort de citoyens a été mise sur la table rapidement, il n'est pas certain qu'elle se concrétise. François Bayrou, qui dirige donc ce CNR, est contre l'instauration d'un tirage au sort, mais il a assuré (sur LCI le 7 septembre 2022) que les "citoyens s'exprimeront sur ce qu'ils voudraient que leur monde devienne", sans définir les contours de cette voie d'expression.
À quoi sert le Conseil national de la refondation ?
Alors que l'opposition est très critique à l'encontre de la nouvelle instance de dialogue entre politiques et représentants syndicaux et associatifs, son fonctionnement reste flou. Dans la lettre d'invitation à l'événement de jeudi, Emmanuel Macron indique que le CNR vise à "bâtir", "dans un esprit de dialogue et de responsabilités partagées", "des consensus sur la situation du pays" et "concevoir des solutions concrètes aux préoccupations de nos concitoyens".
Élisabeth Borne a apporté plus de précisions, le 1er septembre dernier, lors d'un point presse. "Le but de ce CNR est de poser un diagnostic commun, de partager les contraintes, de s'accorder sur la méthode et un calendrier. Il interviendra en amont du travail législatif et en aval, sur la mise en œuvre", a-t-elle indiqué. Ainsi, cinq thèmes seront donc abordés dès ce jeudi : le plein-emploi, l'école, la santé, le bien vieillir et la transition écologique. Ce nouveau projet lancé par Emmanuel Macron se déclinera dans chaque ministère qui "devra ensuite poursuivre la réflexion en CNR thématique. Pour chaque thème, les acteurs concernés seront conviés. Les prochains CNR en format global se réuniront sous ma présidence", a ajouté la locataire de Matignon.