La Corse bientôt "autonome" ? Un petit pas de Macron, mais c'est non sur deux points majeurs

La Corse bientôt "autonome" ? Un petit pas de Macron, mais c'est non sur deux points majeurs Emmanuel Macron s'est dit ouvert à "l'entrée de la Corse dans la Constitution" et à une autonomie. Cependant, il a rejeté la co-officialité de la langue corse et la création d'un statut de résident.

[Mis à jour le 28 septembre 2023 à 22h35] En déplacement en Corse jusqu'au vendredi 29 septembre pour une visite qui coïncide avec les 80 ans de la libération de l'île, Emmanuel Macron s'est exprimé sur le statut de la Corse, sujet qui cristallise les tensions entre l'État et les nationalistes insulaires. Le chef de l'État a annoncé devant l'Assemblée de Corse des avancées concrètes sur le projet d'autonomie conçu par les nationalistes. "La Corse a aujourd'hui besoin de davantage de liberté", a-t-il avancé, laissant ouverte la possibilité d'une autonomie.

Les Républicains ont déjà fait savoir qu'ils étaient contre l'autonomie de la Corse par l'intermédiaire de Bruno Retailleau. Le rassemblement national s'est aussi dit plutôt opposé, rapporte BFM TV. De leur côté, les socialistes sont plutôt favorables, même si Boris Vallaud, patron des députés socialistes à l'Assemblée a dit qu'il ne comptait pas prendre parti "pour le moment". Enfin, Renaissance, Horizons, le Modem, la France Insoumise et les écologistes seraient plutôt favorables à l'autonomie corse.

Emmanuel Macron favorable à "une autonomie pour la Corse"

"Ayons l'audace de bâtir une autonomie pour la Corse dans la République. Cette autonomie doit être le moyen de construire ensemble l'avenir", a-t-il ensuite déclaré. Le chef de l'État a dévoilé les contours de ce projet : "un projet de loi organique" doit être préparé dans les six prochains mois avant l'inscription de la révision constitutionnelle sur le statut de la Corse. Plus concrètement, le chef de l'État souhaite que la Constitution intègre un article nouveau, consacré à ce sujet, actant donc la "singularité" de la Corse. Mais cette mesure pourrait très bien n'être que symbolique.

Par ailleurs, la révision de la Constitution française est un processus complexe qui nécessite l'accord de plusieurs acteurs selon le Conseil constitutionnel. En premier lieu, le président de la République et le gouvernement doivent être d'accord sur le projet de révision nécessaire à l'introduction d'un nouvel article. Ensuite, les deux chambres du Parlement, l'Assemblée nationale et le Sénat, doivent également approuver le projet de révision. À l'heure actuelle, il paraît improbable de voir le Sénat donner son accord pour un nouveau statut de la Corse.

Emmanuel Macron a voulu insisté sur le caractère "historique" de son geste : "Il faut l'entrée de la Corse dans la Constitution : c'est votre souhait, je le partage et je le fais mien." Il s'est donc dit "favorable à ce que les spécificités de la communauté insulaire corse soient reconnues dans la Constitution au sein d'un article propre". Le président a souhaité que "la langue corse puisse être mieux enseignée" et "placée au cœur de la vie corse", qu'elle ait "plus de place dans la vie publique".

Un long cycle avant l'autonomie de la Corse

Depuis la mort en prison d'Yvan Colonna, le 21 juillet 2022, un cycle de discussions a été enclenché par l'État pour réfléchir au cadre institutionnel de la Corse. Ces discussions ont été menées par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, le préfet de Corse, Amaury de Saint-Quentin, et le président du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni. Ce dernier, lors du conseil exécutif de Corse le 27 septembre 2023 confiait : "Nous attendons d'Emmanuel Macron des avancées concrètes sur le projet d'autonomie. Nous sommes prêts à négocier de bonne foi, mais nous ne sommes pas disposés à faire des concessions sur nos fondamentaux." 

Le gouvernement ne souhaite pas une indépendance de la Corse

Des désaccords subsistent, notamment sur la question de la fiscalité et sur la possibilité d'une autonomie législative pour la Corse. Jean-Martin Mondoloni, le coprésident du groupe Un Soffiu Novu, avançait auprès du Monde que le débat sur l'autonomie "n'est qu'une bulle politiquement médiatique" qui n'intéresse pas les Corses. Les chances de succès des négociations entre l'État et les nationalistes corses sont donc difficiles à évaluer. 

Les autonomistes et indépendantistes se sont positionnés lors du vote à l'Assemblée de Corse d'une délibération soumise au vote par le groupe du président Simeoni, Fà Populu Inseme, qui énonce "sa volonté que la Corse soit dotée d'un statut d'autonomie dans le cadre de la République française", et qui stipule "la reconnaissance de l'existence du peuple corse et de ses droits ; un statut de coofficialité de la langue corse ; un statut de résident". Sur ces deux points, le gouvernement a en réalité fermé la porte.

Les promesses d'Emmanuel Macron aux Corses

Au début de l'année 2023, Emmanuel Macron s'était rendu en Corse pour relancer les négociations sur l'avenir institutionnel de l'île. Il avait assuré aux élus corses qu'il était prêt à des évolutions importantes, mais qu'il s'inscrivait dans deux limites : le maintien de la Corse dans la République et le refus de créer deux catégories de citoyens.

Le chef de l'État avait déclaré qu'il n'avait "pas de tabou" ni de "solution prédéterminée". Il s'était dit prêt à inscrire d'éventuelles évolutions dans son projet de réforme de la Constitution, qui devait être présenté "après l'été". Cependant, les deux "lignes rouges" du chef de l'État pourraient limiter les avancées. Le maintien de la Corse "dans la République" pourrait être interprété comme un refus d'accorder une autonomie trop importante à l'île. Comprendre : pas de transfert de pouvoir législatif réel. Le refus de créer deux catégories de citoyens pourrait être aussi interprété comme un refus d'accorder un statut particulier aux citoyens corses.