Crise des agriculteurs : le gouvernement a-t-il fermé les yeux ?

Crise des agriculteurs : le gouvernement a-t-il fermé les yeux ? Alors que les premières alertes remontent à l'automne dernier, le gouvernement aurait-il vraiment pu anticiper davantage les manifestations des agriculteurs ?

La gronde des agriculteurs ne date pas d'aujourd'hui. Dès l'automne 2023, l'opération "On marche sur la tête" était menée à travers le pays, à l'initiative, notamment, des Jeunes Agriculteurs. Le principe ? Renverser les panneaux de villes françaises pour exprimer leur mécontentement, notamment concernant les nombreuses normes qui leur sont imposées. Tout cela, de manière totalement pacifique. Alors, si des signes avant-coureurs étaient observables, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas pris la mesure du cri du coeur des agriculteurs français ?

Un manque de réactivité et d'ancrage territorial

À l'époque, certains comme le président des maires de France, David Lisnard (LR) avaient alerté. "Nos jeunes agriculteurs ont raison : on marche sur la tête" avait-il déclaré dans les colonnes du Point en décembre dernier. Au sein de la majorité, on reconnaît un manque d'application, "les panneaux retournés, c'est un signal faible qui a sans douté été minimisé. On n'a pas véritablement regardé qui y a participé, s'il y avait des gens syndiqués ou pas" regrette Nicole Le Peih, députée Renaissance du Morbihan pour France Info.

Était-il vraiment possible d'anticiper un tel mouvement de la part du monde agricole ? Difficile à dire, d'autant plus que les syndicats eux-mêmes n'avaient pas vraiment senti le vent tourner. "Nous suivions attentivement la situation et la Première ministre avait vu les organisations syndicales le 5 décembre avec des mesures actées" indique une ex-conseillère du gouvernement auprès de France Info. À l'époque, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs estimaient avoir été entendus. "J'avais perçu la crise arriver mais peut-être pas de cette ampleur et aussi organisée" poursuit Nicoles Le Peih, toujours dans les colonnes de France Info.

L'épisode houleux de la loi immigration, votée contre vents et marées, puis retoquée à près de 40 % par le Conseil constitutionnel a-t-il faussé la perception du gouvernement ? Une chose est sûre, pendant que la colère montait dans les campagnes, les élus, eux, bataillaient sur ce fameux texte du projet de loi immigration et n'étaient pas sur le terrain pour prendre la température. Pendant ce temps, la solidarité paysanne s'est construite. Cela pose également la question de l'ancrage territorial du parti Renaissance. "Quand vous avez la moitié des ministres qui sont parisiens avec des jeunes conseillers qui viennent aussi de la capitale, en termes de connexion avec les territoires, c'est un peu moyen" concède un ex-conseiller de l'exécutif pour France Info.

Pas de comparaison avec l'épisode des Gilets jaunes

Alors, les Gilets verts sont-ils les nouveaux Gilets jaunes ? Pas vraiment. Tout d'abord parce que la manifestation des agriculteurs étaient relativement organisée, notamment par des fédérations locales. De plus, l'encadrement des forces de l'ordre et l'entente cordiale qui a presque toujours régné sur les routes entre les agriculteurs et policiers ou gendarmes ne ressemble en rien aux affrontements observés lors de la Crise des Gilets jaunes. Les agriculteurs, pour certains, ont même reçu le soutien des maires qui n'ont pas remis en cause le retournement des panneaux, par exemple.

L'organisation des blocages et des manifestations des agriculteurs reste relativement mieux anticipée que la mobilisation des Gilets jaunes, qui était certes plus désorganisée côté manifestants. Enfin, les différents syndicats agricoles ont déjà été reçus à plusieurs reprises par le Premier ministre Gabriel Attal à Matignon. Ce dernier s'est même déplacé dans une exploitation de la Haute-Garonne pour annoncer une première salve de mesures d'aides pour le monde agricole, le vendredi 26 janvier 2024. Si le gouvernement n'a pas fermé les yeux sur la colère du monde agricole, il a peut-être manqué d'anticipation alors que les premiers signaux ne dataient pas de ce mois de janvier.

Mieux anticipé que les GJ.