Loi sur les homosexuels condamnés : qui sera indemnisé ? Combien et pourquoi ?

Loi sur les homosexuels condamnés : qui sera indemnisé ? Combien et pourquoi ? "Pardon aux homosexuels de France". Les députés ont approuvé une proposition de loi visant a réparer les préjudices subis par les personnes homosexuelles du fait des lois discriminatoires en vigueur entre 1945 et 1982.

Après le Sénat, l'Assemblée nationale a approuvé en première lecture, mercredi 6 mars 2024, une proposition de loi visant à reconnaître et réparer les préjudices subis par les personnes homosexuelles liés aux lois discriminatoires en vigueur entre 1942 et 1982, date de dépénalisation de l'homosexualité en France. L'Assemblée nationale a rétabli le principe d'une réparation financière pour les personnes condamnées pour homosexualité ainsi que la création d'une commission chargée de statuer sur les demandes de réparation financière que le Sénat avait supprimés. 

Comment mettre en place cette indemnisation ?

Dans son propos introductif, le ministre de la Justice Eric-Dupond-Moretti a souhaité demander pardon au personnes victimes de discrimination en raison de leur orientation sexuelle : "Il est grand temps de dire ce soir au nom de la République française : pardon, pardon aux personnes, aux homosexuels de France qui ont subi, quarante années durant, cette répression totalement inique. Notre République n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle sait reconnaître qu'elle a perdu le fil de ses principes fondateurs, la liberté, l'égalité, la fraternité ". Se pose désormais la question de l'indemnisation de ces victimes. Concernant le montant de l'indemnisation, l'auteur de la proposition de loi souhaitait accorder une allocation forfaitaire de 10 000 euros, à laquelle viendrait s'ajouter une allocation de 150 euros par jour de privation de liberté. Un mécanisme retiré du texte par le Sénat en première lecture, puis rétabli la semaine passée en commission des lois de l'Assemblée.

Le Garde des Sceaux indiquait ce mercredi le caractère "extrêmement complexe" de la "mise en pratique" d'une indemnisation pour les personnes victimes. D'après lui, la commission devrait être confrontée à des "difficultés probatoires". En effet, comment les personnes concernées pourront-elles prouver qu'elles ont passé telle ou telle période en prison ? "Ou qu'elles se sont acquittées de l'amende à laquelle elles avaient été condamnées" poursuit Eric Dupond-Moretti. "Il est donc indispensable que dans la rédaction finale de ce texte, nous fassions en sorte de ne pas créer de déceptions qui résulteraient de ces difficultés probatoires" Il faut que "l'indemnisation soit précisément fixée dans la loi et soit mise en œuvre par une commission établie ad hoc" poursuit-il.

Fixée par la réglementation du Sénat, une commission ad hoc est une commission chargée d'un projet ou d'une proposition de loi. On parle d'un mandat ad hoc lorsqu'il s'agit d'un mandat spécial. Au Parlement, par exemple, des commissions ad hoc peuvent être mises en place pour l'examen d'un texte. Un président et un secrétaire composent un bureau nommé par la commission elle-même. Puis, un rapporteur est désigné à la fin des travaux, avant que l'examen ne soit effectué en séance publique.

Entre 200 et 400 personnes concernées

En 1942, la régime de Vichy rétablissait certaines infractions pénales particulières au sujet des personnes homosexuelles. D'après des travaux de recherche indique Vie Publique, "près de 10 000 personnes (quasi exclusivement des hommes) ont été condamnées pour ce motif entre 1945 et 1982, avec de la prison ferme dans 90 % des cas. Des recherches récentes estiment même le nombre des condamnations pour homosexualité à 50 000". L'unique article du texte de 2024 visant à reconnaître la responsabilité de l'Etat français dans les condamnations de personnes pour homosexualité reconnaît d'abord sa responsabilité du fait de dispositions pénales à compter du 8 février 1945, qui ont constitué une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Ensuite, que ces dispositions ont été sources de souffrances et de traumatismes pour les personnes condamnées, de manière discriminatoire, sur leur fondement.

Le rapporteur du texte, le député socialiste Hervé Saulignac a lui indiqué que la reconnaissance ne pouvait aller sans la réparation. "Je pense que la France est capable de faire ce que l'Allemagne a fait, ce que le Royaume-Uni a fait, ce que l'Irlande a fait, ce que l'Espagne a fait, ce que le Canada a fait" a-t-il plaidé. Selon lui, le nombre de personnes bénéficiant d'une réparation pourrait se situer entre 200 comme en Espagne et 400 comme en Allemagne. Enfin, comme il ne s'agissait pas d'un scrutin définitif, le texte va reprendre son parcours législatif et retourner au Sénat avant, peut-être, une adoption définitive.