Déficit public : sans hausse d'impôt, comment trouver 10 milliards d'euros ?

Déficit public : sans hausse d'impôt, comment trouver 10 milliards d'euros ? Pour atteindre son nouvel objectif d'un déficit public à 5,1 % du PIB, le gouvernement devra trouver 10 milliards d'euros de coupes budgétaires en 2024.

5,1 %. Mercredi 10 avril, la France a indiqué anticiper pour 2024 un déficit public de 5,1 % du PIB, au dessus des 4,4 % initialement prévus. Une estimation qui nécessitera de trouver 10 milliards d'euros supplémentaires cette année, en plus des 10 milliards d'euros d'économies déjà annoncés en février dernier. Dans le même temps, en déplacement à Bergerac, Emmanuel Macron a annoncé "fermer l'hypothèse" d'une augmentation des impôts en défendant une stratégie, la sienne, qui "produit des résultats". 

"On doit répondre à ce choc conjoncturel" indiquait le président de la République en Dordogne. "On garde le cap : plein emploi, réindustrialisation, réarmement de nos services publics et on ferme tout de suite l'hypothèse de dire qu'on va régler ce choc conjoncturel par plus d'impôts, maladie française. Ça enlèverait de la confiance. On garde la confiance des ménages, des entreprises, de nos partenaires" a-t-il conclu. Pour rappel, en 2023, le déficit prévu par Bercy était de 4,9 % du PIB, il a finalement atteint 5,5 % du PIB en raison de recette plus faibles qu'espérées.

Le déficit est "lié à un défaut de contrôle des dépenses de fonctionnement"

Sans hausse d'impôt, comment Emmanuel Macron et Bruno Le Maire peuvent-ils faire pour trouver 10 milliards d'euros ? Tout d'abord, le ministère de l'Economie souhaite demander un "effort complémentaire d'environ 5 milliards d'euros" aux administrations de l'Etat. Une marge de manœuvre de "sept à huit milliards d'euros" de crédits gelés à notamment été conservée par précaution en début d'année 2024 rappelle Bercy. En février, une réduction de 25 % des surfaces de bureaux occupés par l'Etat avait déjà été annoncée.  

Pour Christian Saint-Etienne, économiste et professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), un vrai problème existe car le déficit est "lié à un défaut de contrôle des dépenses de fonctionnement. C'est une dérive plus qu'un projet. C'est inquiétant. On fait face à une montée des taux d'intérêt avec, déjà, cette année, une charge d'intérêt supérieure au budget de la défense" regrette-t-il sur France Info, ce vendredi 12 avril. Des propos confirmés par Michaël Zemmour, enseignant-chercheur à l'Université Lumière Lyon 2, toujours au micro de France Info : "pour l'instant, il y a des prêteurs pour la France, mais ils (les taux d'intérêt) pourraient monter, ce qui pourrait donner une facture élevée". 

"L'Etat s'est privé de recettes"

Bercy souhaiterait justement s'assurer que les dépenses de fonctionnement  des collectivités territoriales restent conformes aux attentes. La loi de programmation des finances publiques prévoit une augmentation de 0,5 point en dessous de l'inflation. Or, en 2023, le ministère pointe un "dérapage" avec une hausse de ces dépenses de 5,9 %, notamment lié à des "dépenses de personnel et d'achat dans un contexte d'inflation". Si le gouvernement parvient à limiter la hausse de ces dépenses autour de 2 % en 2024, il pourrait récupérer 2,5 milliards d'euros supplémentaires.

Dans les faits, les prévisions du gouvernement ont-elles été trop optimistes pour cette année 2024 ? Absolument pour Michaël Zemmour : "quand le gouvernement fait ses budgets, il les fait surement optimistes. Puis il y a des choix politiques. Le déficit important de cette année coûte cher". Selon lui, "l'Etat s'est privé de recettes" en baissant les impôts pendant plusieurs années. La croissance ralentie en 2023 et "des baisses d'impôt assez importantes commencent à se voir dans les recettes fiscales depuis 2017. Si on veut réduire le déficit, il faut voir quelles baisses d'impôt sont utiles ou pas ces dix dernières années" poursuit-il.

Les rentes de certaines entreprises taxées ?

Alors que l'exécutif a assuré qu'aucune hausse d'impôt n'aurait lieu pour les ménages et "la quasi totalité des entreprises", il pourrait bien taxer les rentes de certaines d'entre elles. Les énergéticiens sont notamment dans le viseur, avec une contribution sur la rente inframarginale (CRI), une taxe exceptionnelle sur les profits des énergéticiens lancée en 2023. 300 millions d'euros ont été collectés en 2023. Dix fois moins qu'espéré, "on attend un rendement nettement supérieur à ce qu'on a connu l'année dernière" a indiqué le ministre de l'Economie Bruno le Maire. Ce dernier pense aussi a taxer certains groupes du CAC40 sur les rachats de leurs propres actions.

De son côté, l'économiste Christian Saint-Etienne regrette la "qualité de la dépense" qui reste selon lui, "le problème central". "Nous avons le record de la dépense publique en Europe. Est-ce qu'on a en contrepartie la meilleure éducation ? La meilleure sécurité ? Le meilleur investissement dans la transition écologique ? Non" peste-t-il ce vendredi sur France Info.