Le "tir aux pigeons", cette pratique inscrite dans la tradition française, désormais interdit
L'Assemblée nationale a définitivement adopté ce lundi 7 avril 2025 une proposition de loi étendant aux communes de moins de 1 000 habitants le scrutin de liste paritaire aux élections municipales, et ce dès le prochain scrutin de mars 2026. Un texte adopté par les députés dans les mêmes termes que celui approuvé par le Sénat le mois dernier.
Pour rappel, depuis la fin du XIXe siècle, les électeurs des communes de moins de 1 000 habitants peuvent composer leur propre bulletin de vote aux municipales, il s'agit du panachage. Ce système permet de rayer certains noms sur une liste, d'en ajouter issus d'autres, ou même de reconstituer entièrement une liste à partir de candidats différents, tant que le nombre de sièges à pourvoir est respecté. "Ce système ancien fonctionnait pour toutes les communes de moins de 3 500 habitants… Jusqu'au renouvellement des conseils municipaux de 2014. Le seuil avait alors été abaissé à 1 000", rappelle Julien Damon, sociologue, professeur associé à Sciences Po et conseiller scientifique de l'Ecole nationale supérieure de sécurité sociale (En3s), dans les colonnes du Point.
Le panachage est également surnommé le "tir aux pigeons". En effet, avec cette pratique inscrite dans la tradition française, les électeurs peuvent sanctionner un maire en barrant son nom, ce qui a pu engendrer de vives tensions pendant des conseils municipaux. Ce mode de scrutin dit "majoritaire plurinominal à deux tours" peut aussi être vu, à l'inverse, comme une noble représentation de la démocratie : les électeurs choisissent précisément leurs représentants et votent pour un candidat réel et non une couleur politique.
Une "pratique d'un autre temps"
Dans les faits, le "tir aux pigeons" divise. Selon la ministre déléguée chargée de la Ruralité, Françoise Gatel : "la démocratie est une chose trop sérieuse pour être livrée à l'humeur du dimanche des élections". Une telle réforme pourrait alors "permettre la constitution d'équipes municipales cohérentes et moins fragiles", poursuit-elle chez LCP. Une proposition de loi également saluée par le député de Brest rural, Didier Le Gac.
C'est la fin "de ce qu'on appelait communément le "tir aux pigeons", pratique d'un autre temps qui décourageaient les vocations. C'en est fini notamment des candidatures isolées qui ne permettaient pas de dégager des majorités homogènes et cohérentes", indique-t-il dans Le Télégramme. L'Association des maires de France, celle des maires ruraux, et l'association Intercommunalités de France, soutenaient la proposition de loi. Comme indiqué dans les colonnes de LCP, certains élus assurent que le panachage ou "tir aux pigeons" favoriserait une démarche "punitive" envers des élus sortants.
Vers un manque de choix pour les électeurs ?
À l'inverse, le maire de Laglorieuse (Landes), Marc de Valicourt, dénonce une réforme "décidée sans nous" et défendant un système "qui donnait globalement satisfaction" dans les colonnes de Sud Ouest. "Un opposant à la liste sortante pourrait avoir de grandes difficultés à monter une liste et ne pas pouvoir se présenter", abonde-t-il. Un point de vue hostile à la proposition de loi, partagé par les élus du RN et des Républicains qui estiment que la composition de listes paritaires dans certains petites communes sera délicat.
"Dans beaucoup de petites communes (...) il n'y aura aucune liste, donc il n'y aura aucun choix pour les électeurs", regrette Jordan Guitton, député du RN de l'Aube pour LCP. "L'idée en vogue (celle de l'abandon du panachage) serait d'en finir avec cette singularité électorale. Et ce serait très dommage. On peut même soutenir qu'il serait souhaitable d'étendre cette méthode aux municipalités de plus grande taille. Quand on glose à foison sur la démocratie participative, applaudissons la participation démocratique !", analyse Julien Damon dans Le Point.
Cette crainte du manque de candidat a visiblement été anticipée par les porteurs du projet de loi. Les listes seront dites comme "complètes", même si elles comptent deux candidats de moins que le nombre de sièges à pourvoir. Une manière de ne pas remettre en cause l'exigence de parité. L'autre grand objectif de la réforme étant l'égalité femmes-hommes. "La parité ne doit pas s'arrêter aux portes des grandes villes", a déclaré la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet, depuis le Perchoir de la chambre basse du Parlement. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les femmes ne représentent que 37,6 % de leurs conseillers municipaux. Une donnée que la proposition de loi en question est censée corriger.