Dissolution de l'Assemblée : "pas d'autre solution", pourquoi elle a de bonnes chances d'être annoncée
François Bayrou a annoncé qu'il solliciterait un vote de confiance du Parlement le 8 septembre prochain. Selon les informations de BFMTV, François Bayrou a justement évoqué avec les membres du socle commun l'idée d'une nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale. "Le président de la République ne la souhaite pas, mais en tout état de cause la dissolution reste une hypothèse", avait lâché le locataire de Matignon fin août. Pour l'ex-chef de l'Etat Nicolas Sarkozy, "il n’y aura pas d’autre solution que la dissolution" pour sortir de la crise, dit-il dans les colonnes du Figaro. "Il serait curieux d’avoir choisi de dissoudre hier quand rien ne l’exigeait et de s’y refuser aujourd’hui quand la décision s’impose ! La politique doit respecter le bon sens", abonde celui qui a dirigé la France de 2007 à 2012.
Ce mercredi 3 septembre, François Bayrou a de son côté légèrement revu sa copie sur la dissolution, la qualifiant même de "risque". "Est-ce qu’il est logique et cohérent d’imaginer qu’une prochaine dissolution apporterait plus de clarté ? Je ne le crois pas", concède-t-il au micro de BFMTV. Une position partagée par le président du Sénat Gérard Larcher. Opposé à une dissolution, il appelle à "un accord de gouvernement" afin de préparer l’après-Bayrou. "Qu’est-ce qu’une dissolution va apporter au pays ?", se demande-t-il, dans un entretien exclusif accordé au Parisien.
Le bloc central divisé sur la dissolution
Alors, Emmanuel Macron appuiera-t-il sur le bouton ? Récemment, dans les colonnes de Paris Match, le chef de l'Etat était catégorique sur la question, c'est un non. En revanche, la position de la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, est plus mesurée : "Je ne balaye rien, tout est possible, je ne veux pas faire de politique fiction", disait-elle. Chez Horizons, le parti d'Edouard Philippe qui fait partie du socle commun, l'idée d'une dissolution fait plus que son chemin. C'est ce qu'a déclaré la vice-présidente du parti, Christelle Morançais, dans les colonnes de L'Opinion : Il "faut une nouvelle dissolution", assumait-elle, vendredi 29 août. Preuve de certaines dissensions dans la grande famille du camp présidentiel.
Dans les faits, la possibilité d'une dissolution prend de l'épaisseur. Notamment en raison de l'avenir très incertain de François Bayrou à Matignon. Selon toute vraisemblance, il ne devrait pas obtenir un vote de confiance favorable le 8 septembre prochain, actant sa chute. Pour l'après, le futur locataire de Matignon pourrait se voir censurer systématiquement par les oppositions, notamment LFI et le RN, si le nouveau chef du gouvernement est jugé trop éloigné de leurs lignes rouges. En cas de blocage, la dissolution pourrait apparaître comme la seule solution pour Emmanuel Macron. S'il n'y a pas d'horizon clair, l'économie du pays en sera impactée, la dette continuera d'augmenter, l'instabilité se poursuivra avec une probable dégradation des instances de notation vis-à-vis de la France. Une situation redoutée, mais tout à fait possible.
En position de force, le RN appelle à une "dissolution ultra rapide"
Désormais, le Rassemblement national (RN) assume la position de "la dissolution ou du chaos", autrement dit, un certain "chantage", comme titre Le Point, mercredi 3 septembre, vis-à-vis du gouvernement. "Pour contraindre le chef de l'État à procéder à une dissolution au plus vite, de nombreux cadres RN poussent désormais pour adopter une position intransigeante : ne laisser aucun oxygène, une fois Bayrou tombé, à son successeur", précise le magazine. La première motion de censure serait inévitablement votée. "Toute solution alternative issue du système, c'est non !", assure le président délégué du groupe RN à l'Assemblée, Jean-Philippe Tanguy. "Aucun membre du bloc central n'a les solutions pour rétablir la situation. Chaque jour qui passe est un temps perdu pour la France. Il faut une dissolution !", poursuit-il.
Mardi 2 septembre, le RN s'était déjà montré catégorique à propos du gouvernement. "Nous appelons à une dissolution ultra rapide. La réalité, c’est qu’il faut que la nouvelle majorité issue de ces nouvelles élections puissent construire un budget (...) C’est la seule solution qui soit démocratique", a déclaré Marine Le Pen devant la presse après sa rencontre avec le Premier ministre François Bayrou. Une position partagée par le président du parti, Jordan Bardella : "Le coût exorbitant de l’immigration, l’augmentation de la contribution de la France au budget de l’Union européenne, la lutte contre la fraude fiscale et sociale n’est pas conduite (...) On ne peut pas demander tous les jours des efforts aux Français qui travaillent. Le miracle n’a pas eu lieu. Cet entretien ne fera pas changer le RN d’avis", a-t-il martelé.
Pour lui, l'unique solution est finalement le "retour aux urnes", il appelle de fait soit à une dissolution de l'Assemblée nationale, soit à la démission du président de la République. "Nous sommes prêts à incarner cette alternance, que ce soit dans le cadre d’une élection législative victorieuse ou d’une élection présidentielle", expliquait-il au JT de 20H de TF1, mardi 26 août. Le président du RN a toutefois suggéré qu'une issue à la crise politique pourrait être trouvé sans dissolution le jeudi 28 août, avant son débat avec les chefs de partis devant le Medef. Il faudrait alors que le Premier ministre nommé pour succéder à François Bayrou parviennent à ne pas se faire censurer. Un scénario possible selon Jordan Bardella : "On ne censure pas pour censurer. Quand on censure c'est pour protéger les Français". Reste que le poulain de Marine Le Pen a prévenu : "La personne qui s'engagerait à mettre en œuvre de nouveaux prélèvements obligatoires s'exposerait à une censure du RN".
Il risque cependant d'être difficile pour Emmanuel Macron de trouver un Premier ministre capable de résister à une censure du RN. Le parti pourrait opter pour la stratégie consistant à tenir le chef de l'Etat responsable de la situation actuelle, notamment de la crise et de la paralysie politique et parlementaire, pour refuser systématiquement des nouveaux noms de prétendants à Matignon trop connotés "bloc central". Dans ce cas, le parti à la flamme pourrait appuyer - logiquement - à chaque fois sur le bouton de la censure lorsque celle-ci serait dégainée par une opposition, invoquant une crise politique et/ou une paralysie parlementaire qui dure depuis trop longtemps dans la chambre basse du Parlement.
Par ailleurs, une dissolution entraînerait de nouvelles législatives desquelles le RN pourrait sortir vainqueur avec des élus encore plus nombreux à l'Assemblée nationale. Une hypothèse suffisante pour pousser l'extrême droite à la censure systématique, de sorte à pousser le chef de l'État à une nouvelle dissolution du palais Bourbon, voire, à démissionner. Mardi 2 septembre, le vice-président du part, Sébastien Chenu, souhaite dire à François Bayrou "qu’il est un Premier ministre dans le déni, dans une forme de déresponsabilité et qui est déconnecté de la réalité des Français", sur BFMTV. "On veut gouverner le plus tôt possible", assure toutefois le député RN du Nord qui dit le parti "prêt" pour une nouvelle dissolution. Grâce à "l'écroulement du bloc central", ce dernier estime même que le RN "peut avoir une majorité absolue" en cas de dissolution de l'Assemblée nationale.
LFI "pour" une dissolution, le PS s'y prépare
De son côté, le patron des députés socialistes à l'Assemblée nationale, Boris Vallaud, a affirmé ne pas réclamer la démission du président Emmanuel Macron. Toutefois, il assure se tenir prêt en cas de nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale. "Si elle doit advenir, nous nous y préparons", abonde-t-il au micro de BFMTV, indiquant qu'un "plan dissolution" est prêt au PS. "Des ébauches de tracts ou d'affiches pour partir en campagne", sont déjà prêts chez les socialistes, indique France Info. "Fin juillet, début août, le temps se ralentit, j'en ai profité pour avancer sur mes maquettes", confie un député de premier plan auprès du média. En effet, le parti à la rose a déjà pensé à un programme. Une sorte de contre-projet, en cas d'accession à Matignon dans les prochaines semaines. Réduction de la dette, économies, recettes, réforme des retraites, CSG, taxe Zucman... Autant de thématiques sur lesquelles les socialistes se ont positionnés.
Le député LFI Eric Coquerel, président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale rappelait lui, le vendredi 29 août sur TF1, que "le plan de sauvetage de François Bayrou ne nous intéresse pas. Le 8 septembre, François Bayrou va tomber et avec lui son budget", assure-t-il. Pour lui, "le meilleur service à rendre, c'est (même) la démission... De toute façon, le retour au peuple va être nécessaire. Moi je nous vois mal tenir un an et demi comme ça", poursuit-il.
Pour le député de gauche, François Ruffin, "l’honneur réclamerait" qu'Emmanuel Macron "pose sa démission, qu’éventuellement il se représente devant les Français pour réclamer leur confiance, il l’a abîmée au fil de ces huit années", expliquait-il sur RMC, mercredi 27 août. Selon lui, "l'homme du chaos, c'est Emmanuel Macron (...) Un chaos social installé avec les gilets jaunes, les réformes sur les retraites, un chaos budgétaire, un chaos politique", avec "une dissolution improvisée", poursuit l'ancien insoumis.
Des mois de tourmente politique
Depuis plus d'un an, la France traverse une période de bouleversements politiques historiques. Le 9 juin 2024, le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire remportaient le plus de voix aux élections européennes en France, largement devant le camp présidentiel. Emmanuel Macron avait rapidement réagi dans une allocution télévisée : "J'ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote, je dissous donc ce soir l'Assemblée nationale." Une annonce inattendue qui a été à l'origine d'une séquence pleine de rebondissements.
Tout d'abord, la tenue de nouvelles élections législatives, qui ont donné une Assemblée encore plus divisée. Si le camp présidentiel n'avait qu'une majorité relative avant la dissolution, elle est aujourd'hui divisée en trois blocs : 182 sièges pour les élus du Nouveau Front populaire, 168 pour le camp présidentiel et 143 pour le RN et ses alliés.
Le Premier ministre de l'époque, Gabriel Attal, avait ensuite démissionné le 16 juillet. Celle-ci a été acceptée par Emmanuel Macron, qui a ensuite brandi la "trêve olympique" pour ne pas appeler un nouveau Premier ministre à former un gouvernement. Il aura fallu attendre le 5 septembre pour voir Michel Barnier arriver à Matignon.
Une surprise mal accueillie par la nouvelle Assemblée. En effet, le NFP étant arrivé en tête, il s'attendait à voir une personne de son camp à la tête du gouvernement. Le RN avait la même ambition, considérant être arrivé premier puisque, contrairement à l'alliance de gauche, il est le parti qui a réuni le plus de sièges. De plus, Michel Barnier est issu des Républicains, qui n'ont que 49 députés. Son gouvernement a été censuré le 13 décembre après avoir tenté de faire passer son budget avec un 49.3. Vient enfin le gouvernement Bayrou, membre de l'alliance centrale. Après une tentative de censure de la gauche, qui n'a pas été soutenue par le Rassemblement national, il est toujours en place au mois d'août 2025.
11:16 - Pourquoi le RN pousse pour une dissolution
L'option de la dissolution est appuyée par le RN car le parti à la flamme y voit une possibilité de nettement garnir ses rangs dans le chambre basse du Parlement. "La dernière fois, on a fait 11 millions de voix. Le potentiel électoral est là", a estimé Renaud Labaye, secrétaire général du groupe RN à l'Assemblée dans Les Échos. Selon un sondage Elabe pour BFMTV et La Tribune Dimanche, le RN arrive en tête des intentions de vote, avec 31%. Loin devant ses concurrents, la gauche obtiendrait 23,5 % des suffrages.
Mais cette fois-ci, le front républicain "n'aura pas lieu" en cas de législatives anticipées, selon François Bayrou, une aubaine pour le RN. Lors des dernières élections législatives, ce fameux front républicain avait chipé des dizaines de députés au parti à la flamme. La majorité des 123 députés sortants devraient être réinvestis par le parti. "Nous serons prêts, nous aurons tous les candidats", a assuré le député RN Julien Odoul à l'Agence France-Presse (AFP).