Dissolution de l'Assemblée : pourquoi Macron pourrait l'annoncer (même s'il n'en a pas envie)
Après le vote de confiance prévu ce lundi 8 septembre, François Bayrou est démissionnaire et le gouvernement est donc tombé. Et maintenant ? Emmanuel Macron devra a priori choisir un nouveau Premier ministre. Toutefois, existe-t-il un homme ou une femme politique capable de fédérer une majorité de députés à l’Assemblée nationale ? Si la réponse à cette question est négative, alors l’hypothèse d’une dissolution pourrait être de plus en plus crédible.
François Bayrou semblait le penser également, comme le souligne BFMTV, selon lequel l’actuel chef du gouvernement aurait déclaré à la fin du mois d’août que "le président de la République ne la souhaite pas, mais en tout état de cause la dissolution reste une hypothèse". Toutefois, il a aussi rappelé vendredi 5 septembre au JT de France 2 qu’une dissolution "ne résout absolument rien".
Quelle coalition pour le prochain gouvernement ?
Pour qu'un gouvernement puisse être formé et qu'il puisse se maintenir, il faut qu'une majorité de députés s'accordent pour le laisser en responsabilité : c'est-à-dire soit lui accorder un soutien explicite, soit en actant un accord de "non censure" tout en restant dans une opposition souhaitant de la stabilité et souhaitant peser sur les décisions à venir. Quelle configuration pourrait permettre à 289 députés à ne pas censurer à priori le prochain gouvernement ? Testez les situations possibles grâce au simulateur de Datan :
Emmanuel Macron contraint de dissoudre à nouveau ?
Dans l’opposition, au RN notamment, les appels à la dissolution, après l’exécution du vote de confiance, se multiplient. Le parti d’extrême droite la réclame désormais clairement. Justement, la possibilité d'une dissolution prend de l'épaisseur. Pour l'après, le futur locataire de Matignon pourrait se voir censurer systématiquement par les oppositions, notamment LFI et le RN, si le nouveau chef du gouvernement est jugé trop éloigné de leurs lignes rouges. En cas de blocage, la dissolution pourrait apparaître comme la seule solution pour Emmanuel Macron. Autrement dit, si la gauche et le RN annoncent clairement censurer à priori tout gouvernement qui ne serait pas dirigé par l'un d'entre eux, ou si leurs lignes rouges étaient franchies. Un chemin que le parti à la flamme ne cache pas vraiment souhaiter emprunter dans ses dernières déclarations.
S'il n'y a pas d'horizon clair, l'économie du pays en sera impactée, la dette continuera d'augmenter, l'instabilité se poursuivra avec une probable dégradation des instances de notation vis-à-vis de la France. Une situation redoutée, mais tout à fait possible. Alors, Emmanuel Macron appuiera-t-il sur le bouton ? Récemment, dans les colonnes de Paris Match, le chef de l'Etat était catégorique sur la question, c'est un non. S'il procède à une dissolution, il le ferait donc contraint.
En revanche, la position de la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, est plus mesurée : "Je ne balaye rien, tout est possible, je ne veux pas faire de politique fiction", disait-elle. Pour rappel, le 9 juin 2024, le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire remportaient le plus de voix aux élections européennes en France, largement devant le camp présidentiel. Emmanuel Macron avait rapidement réagi dans une allocution télévisée : "J'ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote, je dissous donc ce soir l'Assemblée nationale". Une annonce inattendue, à l'origine d'une séquence pleine de rebondissements.
Le RN "plus que jamais prêt" en cas de dissolution
Dimanche 7 septembre, la cheffe de file des députés RN, Marine Le Pen, s'est dite prête à "sacrifier tous les mandats de la Terre" pour obtenir "l'alternance" et porter son parti à Matignon, lors de son discours de rentrée à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). "Aucun d'entre nous n'acceptera de céder au chantage du vote de confiance initié par le Premier ministre", a-t-elle martelé. Marine Le Pen a aussi dit que le RN était "plus que jamais prêt", en cas de dissolution.
La semaine passée, le parti à la flamme tenait déjà un discours offensif, en assumant la position de "la dissolution ou du chaos", autrement dit, un certain "chantage", comme titrait Le Point, mercredi 3 septembre, vis-à-vis du gouvernement. "Pour contraindre le chef de l'État à procéder à une dissolution au plus vite, de nombreux cadres RN poussent désormais pour adopter une position intransigeante : ne laisser aucun oxygène, une fois Bayrou tombé, à son successeur", précise le magazine. La première motion de censure serait inévitablement votée. "Toute solution alternative issue du système, c'est non !", assure le président délégué du groupe RN à l'Assemblée, Jean-Philippe Tanguy. "Il faut une dissolution !", lance-t-il.
"Rationnellement, il faudrait dissoudre : la crise budgétaire appelle des choix très engageants politiquement, et donc une légitimité et une majorité. Mais Emmanuel Macron est-il rationnel ?", se demande Renaud Labaye, secrétaire général du groupe RN à l’Assemblée nationale dans les colonnes du Monde, vendredi 5 septembre. Une accélération du calendrier, via la dissolution, serait le choix d’Emmanuel Macron", dit-il. Mardi 2 septembre, le RN s'était déjà montré catégorique à propos du gouvernement. "Nous appelons à une dissolution ultra rapide. La réalité, c’est qu’il faut que la nouvelle majorité issue de ces nouvelles élections puissent construire un budget (...) C’est la seule solution qui soit démocratique", a déclaré Marine Le Pen.
De son côté, le président du RN, Jordan Bardella, a toutefois suggéré qu'une issue à la crise politique pourrait être trouvé sans dissolution le jeudi 28 août, avant son débat avec les chefs de partis devant le Medef. Il faudrait alors que le Premier ministre nommé pour succéder à François Bayrou parviennent à ne pas se faire censurer. Un scénario possible selon Jordan Bardella : "On ne censure pas pour censurer. Quand on censure c'est pour protéger les Français". Toutefois, résister à une censure du RN ne sera pas chose aisée pour le président. Le parti pourrait opter pour la stratégie consistant à tenir le chef de l'Etat responsable de la situation actuelle, notamment de la crise et de la paralysie politique et parlementaire, pour refuser systématiquement des nouveaux noms de prétendants à Matignon trop connotés "bloc central". Dans ce cas, le parti à la flamme pourrait appuyer - logiquement - à chaque fois sur le bouton de la censure lorsque celle-ci serait dégainée par une opposition.
LFI "pour" une dissolution, le PS s'y prépare
Le patron des députés socialistes à l'Assemblée nationale, Boris Vallaud, a affirmé ne pas réclamer la démission du président Emmanuel Macron. Toutefois, il assure se tenir prêt en cas de nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale. "Si elle doit advenir, nous nous y préparons", abonde-t-il au micro de BFMTV, indiquant qu'un "plan dissolution" est prêt au PS. "Des ébauches de tracts ou d'affiches pour partir en campagne", sont déjà prêts chez les socialistes, indique France Info. "Fin juillet, début août, le temps se ralentit, j'en ai profité pour avancer sur mes maquettes", confie un député de premier plan auprès du média. En effet, le parti à la rose a déjà pensé à un programme. Une sorte de contre-projet, en cas d'accession à Matignon dans les prochaines semaines. Réduction de la dette, économies, recettes, réforme des retraites, CSG, taxe Zucman... Autant de thématiques sur lesquelles les socialistes se ont positionnés.
Le député LFI Eric Coquerel, président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale rappelait lui, le vendredi 29 août sur TF1, que "le plan de sauvetage de François Bayrou ne nous intéresse pas. Le 8 septembre, François Bayrou va tomber et avec lui son budget", assure-t-il. Pour lui, "le meilleur service à rendre, c'est (même) la démission... De toute façon, le retour au peuple va être nécessaire. Moi je nous vois mal tenir un an et demi comme ça", poursuit-il.
Pour le député de gauche, François Ruffin, "l’honneur réclamerait" qu'Emmanuel Macron "pose sa démission, qu’éventuellement il se représente devant les Français pour réclamer leur confiance, il l’a abîmée au fil de ces huit années", expliquait-il sur RMC, mercredi 27 août. Selon lui, "l'homme du chaos, c'est Emmanuel Macron (...) Un chaos social installé avec les gilets jaunes, les réformes sur les retraites, un chaos budgétaire, un chaos politique", avec "une dissolution improvisée", poursuit l'ancien insoumis.
13:43 - Une motion de destitution déposée par LFI
Les élus LFI vont déposer une motion de destitution contre Emmanuel Macron "autour de 15 heures" a annoncé la cheffe des députés insoumis Mathilde Panot. Cette procédure est promise depuis plusieurs semaines, mais a peu de chance de conduire à la démission du président de la République.