Jours fériés supprimés : l'idée de Bayrou peut-elle passer ? Quels jours seraient travaillés ?
Le gouvernement a annoncé la couleur : le plan sur la table pour le budget 2026 est très clair : il faut que les Français travaillent plus. Parmi les annonces explosives de François Bayrou, mardi 15 juillet, la plus forte est sans doute celle-ci : la suppression de deux jours fériés dès l'an prochain. En clair : deux jours fériés actuellement rémunérés aux salariés deviendraient travaillés sans qu'ils ne touchent le moindre centime sur cette journée de travail : de quoi remplir les caisses de l'Etat, grâce à la production engendrée au PIB, pour près de 3 milliards d'euros.
François Bayrou a cité deux jours, en "exemple" : le lundi de Pâques et le 8 mai, "dans un mois de mai devenu un véritable gruyère". Ce sont des "propositions", a-t-il assuré, se disant ouvert à la négociation pour d'autres jours.
Le Premier ministre va-t-il vraiment pouvoir faire adopter ces mesures ? Tout d'abord, le Premier ministre doit consulter les partenaires sociaux, comme l'impose la loi Larcher de 2007 pour tout projet gouvernemental de réformes lié au travail ou à l'emploi. François Bayrou prévoit donc de les recevoir dans les prochains jours pour lancer des négociations à la rentrée. Mais après le bras de fer sur les retraites, syndicats et patronat pourraient se montrer peu enclins à rouvrir le dialogue, surtout sur des sujets aussi sensibles.
Il n'est pas exclu que François Bayrou joue sur une astuce : en proposant la suppression de deux jours fériés, il n'est pas exclu qu'il mette sur la table une mesure difficilement acceptable pour débuter une phase de négociations dans l'optique d'obtenir moins. C'est à dire, probablement, la suppression d'un seul jour férié. Ce qui lui permettrait tout de même de faire travailler davantage les Français, mécaniquement chaque année, tout en ayant fait une concession aux partenaires sociaux. Les psychologues appellent ça l'effet "porte au nez", qui permet de faire accepter une requête difficile en proposant en amont une demande beaucoup plus coûteuse.
Mais si le Premier ministre a une astuce, il est aussi confronté à un gros obstacle et c'est un sacré pépin : il faut que l'Assemblée et le Sénat adoptent le budget 2026 ou bien que l'utilisation d'un 49.3 pour éviter un vote ne soit pas contrée par une motion de censure. Dans les deux cas, il y aura suffisamment de députés pour déposer une motion de censure. Et à ce stade, tout laisse entendre qu'une majorité de députés la voteront : c'est ce qu'ont déclaré les cadres du RN, de LFI et du PS. Cela signifie que, sauf revirement majeur, François Bayrou et son gouvernement tomberont, censurés, avant l'adoption du budget 2026. Et donc que cette mesure de suppression des jours fériés ne sera pas appliquée.
"Si François Bayrou ne revoit pas sa copie, nous le censurerons", a écrit Marine Le Pen, la cheffe des députés RN, sur X. Le président du parti, Jordan Bardella, est également farouchement opposé à cette mesure : "C’est une attaque directe contre notre histoire, contre nos racines et contre la France du travail", a-t-il écrit.
En l’état, le RN votera la censure, accompagné de LFI, dont les députés sont toujours prêts à déposer une motion. Les autres formations de gauche devraient aussi voter une censure. Marine Tondelier, cheffe des Verts, assure que "7 ans de macronisme c’est +1 000 milliards d'euros de dette et la multiplication des cadeaux aux ultra-riches". Boris Vallaud, chef des députés socialistes, dénonce un "budget brutal et inacceptable". Du côté des Communistes, Fabien Roussel conclut une série de postes sur X dénonçant les mesures du nouveau budget par : "Plus que jamais, il y a de nouvelles Bastilles à prendre !" Avec les votes de la gauche et de l’extrême droite, 315 députés pourraient voter pour la censure du gouvernement. Pour que celle-ci soit adoptée, il faut au moins 287 votes.
La suppression d'un jour férié, comment ça marche ?
Le dispositif existe déjà : depuis 2004, le lundi de Pentecôte peut être travaillé sans être payé. L'employeur verse une contribution à l'État, destinée à financer des actions en faveur des personnes âgées et handicapées. Une journée "solidarité" que le gouvernement envisage désormais d'étendre à deux autres jours fériés, pour soutenir le budget de la défense. Ces journées de travail bénévoles permettraient de dégager entre 2,5 et 3,5 milliards d'euros, soit le montant annoncé le 13 juillet par Emmanuel Macron pour renforcer les dépenses militaires en 2026.
Bien que tout à fait réalisable - et permettant des économies substantielles - la suppression de deux jours fériés reste une affaire délicate et explosive. Entre symbole, religion et enjeu économique, certains pourraient faire plus parler que d'autres. Rappelons tout de même que les propositions du Premier ministre au sujet du lundi de Pâques et du 8 mai restent, comme il l'a rappelé, "des propositions".
Certains jours fériés pourraient être jugés comme "faciles à accepter" par les Français, comme le 15 août (Assomption). Beaucoup de travailleurs partent en congés à cette période-là de l'année, et ce jour fait donc régulièrement parties de périodes de vacances déjà posées. Il pourrait constituer une alternative plausible pour le gouvernement. À l'inverse, le jeudi de l'Ascension pourrait être accueilli avec beaucoup moins d'indulgence, notamment en raison du pont qu'il permet de réaliser. À l'inverse, économiquement parlant, il est extrêmement coûteux pour l'État. Ce dernier pourrait alors le choisir pour maximiser ses économies.
Et le 11-Novembre ? Sa haute symbolique pourrait en froisser plus d'un, à commencer par les anciens combattants. Difficile d'imaginer l'exécutif s'essayer à cet exercice. La Toussaint, elle, pourrait faire également figure d'alternative et faire partie des deux jours fériés supprimés par François Bayrou. Enfin, supprimer Noël et le 1er-Mai paraît aujourd'hui relativement compliqué. Tradition, symboles des luttes sociales, manque de recettes pour le jour de Noël qui est déjà peu travaillé... Ces dernières options pourraient ne pas être retenues par l'exécutif.
Une mesure contestée, mais jugée efficace par certains économistes
La perspective de réduire le nombre de jours fériés suscite d'ores et déjà l'opposition des syndicats. "C'est une fausse bonne réponse", estime Thomas Vacheron, secrétaire confédéral de la CGT, sur France Info. "Cela a des conséquences catastrophiques sur la majorité de la population et jamais on prend sur les 200 milliards d'aides publiques aux entreprises privées ni sur les cadeaux fiscaux qui sont faits au plus fortunés."
À l'inverse, certains économistes jugent la mesure pertinente sur le plan budgétaire. "Ça peut avoir un impact mécanique sur les recettes", explique Sylvain Bersinger, chef économiste du cabinet Asterès, sur RMC. "C'est assez mécanique : il y a plus de croissance, plus d'argent qui rentre dans les caisses de l'État, donc il y a moins de déficit public."
12:13 - Un cycle de consultation "dans les toutes prochaines heures" sur la suppression de jours fériés
Interrogée sur la suppression de deux jours fériés, la ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin a indiqué qu'un "cycle de consultation" allait s’ouvrir dans les toutes prochaines heures avec les partenaires sociaux et les ministres concernés.
09:35 - Selon un sondage, 7 Français sur 10 sont contre la suppression de jours fériés
Toluna Harris Interactive a réalisé ce mercredi pour RTL un sondage pour recueillir les réactions à chaud des Français sur les annonces de François Bayrou. "L’année blanche", c’est-à-dire le gel des prestation sociales pour l’année 2026 est très mal perçue (61% de répondants opposés à la mesure, dont 36% de tout à fait opposés) et la suppression de deux jours fériés est très impopulaire : 70% se disent opposés à cette proposition, (dont 47% de tout à fait opposés).