La démission de Retailleau est un secret de Polichinelle : ces éléments qui la rendent inévitable

La démission de Retailleau est un secret de Polichinelle : ces éléments qui la rendent inévitable Bruno Retailleau assure ne pas avoir l'intention de démissionner, malgré ses récentes critiques à l'égard du macronisme. Reste que le ministre de l'Intérieur sera tôt au tard forcé de quitter le gouvernement et son départ pourrait être choisi ou subi.

"Il n'y a pas de raison que je quitte le gouvernement". Bruno Retailleau a assuré ne pas avoir l'intention de démissionner de sa fonction de ministre de l'Intérieur, en dépit des réactions d'élus macronistes à ses déclarations dans Valeurs Actuelles le 22 juillet. Le patron du parti Les Républicains a étrillé et publiquement pris ses distances avec le camp présidentiel ces dernières semaines. Il a voulu dissipé toute méprise et a assuré que sa participation au gouvernement "n'est pas une adhésion au macronisme", mais un moyen de "peser de tout le poids de (ses) convictions de droite" dans les décisions gouvernementales. Une mission qu'il compte encore tenir "tant que les décisions du gouvernement sont conformes à l'intérêt national, conformes à mes convictions" a-t-il assuré promettant de faire "son devoir à fond" sans pour autant abdiquer ses convictions.

Le ministre de l'Intérieur a ainsi répondu aux multiples appels à la démission lancés par les élus macronistes. S'il écarte pour l'heure l'idée de quitter le gouvernement, Bruno Retailleau a des ambitions concernant son avenir politique et a sûrement déjà réfléchi à une future (et inévitable) démission.

Une démission requise avant une campagne présidentielle

Les ambitions présidentielles de Bruno Retailleau ne sont plus un secret pour personne et le Républicain a fait comprendre qu'il ne comptait pas prolonger la participation de la droite à l'actuelle coalition gouvernementale durant la future campagne. C'est donc à dessein qu'il se démarque de la politique et des idées du gouvernement, une stratégie d'éloignement mise en place depuis plusieurs semaines et qui pourrait aller jusqu'à la démission selon l'analyse d'un ancien ministre macroniste contacté par BFMTV : "Pourquoi assumerait-il un héritage et un bilan pour la macronie ? Il pourrait partir en disant 'la macronie a mis le pays parterre, on a essayé de redresser, mais c'est trop tard ! On démissionne et on prépare 2027".

Tout serait alors question de timing : Bruno Retailleau a tout intérêt à conserver son rôle de ministre aussi longtemps que possible et à quitter le gouvernement juste à temps pour se distinguer du camp macroniste aux yeux des électeurs. C'est sa nomination à Beauvau qui l'a placé sur le devant de la scène politique et lui a permis de prendre la tête des LR et d'être identifié par les Français. En démissionnant trop tôt, le ministre risquerait de se faire oublier avant la campagne présidentielle. Une analyse également faite par un député Renaissance venant de la droite sur BFMTV : "C'est qui Bruno Retailleau une fois qu'il n'est plus ministre ? Et bien, c'est un présidentiable parmi dix autres. Son intérêt, c'est de rester tout en se différenciant".

Bruno Retailleau devrait donc chercher à rester à ministre jusqu'à ce que la campagne l'oblige à quitter son poste. Il ne pourra pas prendre part au gouvernement tout en critiquant son bilan durant sa campagne sous la bannière LR. Mais d'ici là, chaque jour en plus est à l'avantage du sénateur. D'autant qu'avec ses récentes prises de position, il ne risque plus d'être accusé par son propre parti de fondre la droite républicaine dans le parti présidentiel.

Une démission précipitée par un risque de censure

S'il veut jouer la montre, Bruno Retailleau risque de voir son projet avancé par le risque de censure qui guette le gouvernement avec le vote du budget 2026 prévu en octobre. En cas de censure, la démission du ministre de l'Intérieur apparaîtrait forcée par le renversement du Premier ministre, ce qui ne ferait pas les affaires de la droite. Le patron de LR aurait déjà un plan en vue de la censure selon le sénateur de la droite Etienne Blanc : militer publiquement pour amender le budget selon les idées de la droite et démissionner avant la censure face à l'échec des négociations. "S'il sent que François Bayrou va tomber, il s'en ira en disant qu'il ne soutient pas ce budget. Il pourra dire qu'il a fait tout ce qu'il peut et il ne sortira pas abîmé de cette séquence", appuie un de ses collaborateurs.

Bruno Retailleau ne devrait pas prendre de risque face à une possible censure, surtout que la gauche comme le Rassemblement national ont promis de renverser le gouvernement si le projet présenté par Bayrou le 15 juillet n'était pas amendé. Reste qu'en cas de censure, qu'il ait démissionné avant ou pas, le Vendéen risque de ne pas retrouver de place dans un prochain gouvernement. Cela l'obligerait à faire sa pré-campagne présidentielle sans la mise en avant que lui offre sa fonction de ministre, et ce plus d'un an et demi avant l'élection de 2027.

Une démission forcée par Emmanuel Macron

Et si Bruno Retailleau était poussé à la démission avant même une possible censure à l'automne prochain ? A force de piquer le macronisme et de marquer sa différence, le ministre s'est attiré les foudres d'Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat a déjà repris le locataire de Beauvau après diverse sorties et s'est montré "glacial" après l'interview dans Valeurs Actuelles. Un rendez-vous entre les deux hommes était prévu ce jeudi 24 juillet avant d'être reporté.

Le président de la République n'a pas le pouvoir de contraindre un ministre à quitter le gouvernement, mais il peut l'y inciter. La manœuvre serait aisée dans le cas de Bruno Retailleau qui a lui-même évoqué une possible démission en cas d'adoption de certains textes et projets de loi chers à la macronie ou au Premier ministre. Il suffirait que le gouvernement s'attache à défendre des mesures contraires aux idées que la droite et que Bruno Retailleau ne pourrait soutenir sans être critiqué par sa propre famille et sans flouter sa position en vue de la présidentielle. Si le camp présidentiel et la droite ont formé une coalition, leurs désaccords restent nombreux, ce qui laisse une grande marge de manœuvre au chef de l'Etat : des mesures limitées sur l'immigration, mais surtout des mesures concernant les hausses d'impôts dans le budget 2026 ou encore l'instauration de la proportionnelle aux élections législatives. Pas plus tard qu'en juin dernier, le sénateur n'excluait pas de démissionner si on l'obligeait à défendre un texte visant l'instauration de la proportionnelle...

Dernières mises à jour

16:25 - Le rendez-vous de Retailleau avec Macron reporté, une rencontre avec Bayrou à la place

Bruno Retailleau devait s'entretenir avec Emmanuel Macron lors d'un rendez-vous prévu ce jeudi, mais la rencontre organisée depuis plusieurs jours a été reportée par l'Elysée qui n'a pas donné d'explications. L'entretien devait permettre d'aborder divers sujets, dont l'Algérie et les relations franco-algériennes sur lesquelles le ministre et le chef de l'Etat ne partagent pas la même vision. "Cette rencontre sera sans doute remise parce que on a, avec le président de la République, un certain nombre de sujets dont on doit parler. Et donc je serai amené à le rencontrer, peu importe la date ou l'heure", a déclaré Bruno Retailleau ce jeudi.

A la place, le ministre de l'Intérieur a rendez-vous avec le Premier ministre pour discuter "sur les différents dossiers" le concernant selon un proche d'Emmanuel Macron à l'AFP. Bruno Retailleau s'est dit "toujours prêt à discuter" et à argumenter ou se défendre en cas de recadrage lui qui a prévenu qu'il n'abandonnerait ses convictions "pour rien au monde".

14:01 - "Il n’y a pas de raison que je quitte le gouvernement" assure Bruno Retailleau

S'il critique le macronisme, Bruno Retailleau n'a pas l'intention de renoncer à sa fonction de ministre. "Tant que les décisions du gouvernement sont conformes à l’intérêt national, conformes à mes convictions, il n’y a pas de raison que je quitte le gouvernement", a-t-il déclaré ce jeudi lors d'une conférence de presse à Paris en réponse aux appels à la démission lancés par les élus macronistes après son interview dans Valeurs Actuelles. Le ministre a promis de "faire son devoir à fond", mais a aussi assuré que "pour rien au monde, [il] n’abdiquer[a] [ses] convictions" parfois opposées à celles du camp présidentiel.