Abdelkader Merah dans Paris Match : la photo du scandale
[Mis à jour 9 novembre 2017 à 12h48] Dans un article consacré au "procès hors norme" d'Abdelkader Merah, Paris Match a décidé de publier, dans son édition de cette semaine, un cliché du salafiste revendiqué, devant la cour d'assises spéciale qui l'a jugé et condamné il y a une semaine. Une photo qui a provoqué une vaste polémique dès hier soir. En vertu de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est en effet interdit de prendre et diffuser un cliché pris dans l'enceinte même d'un tribunal, pour protéger la "sérénité des débats", mais aussi l'intégrité et la présomption d'innocence des justiciables. C'est ce qui explique d'ailleurs la publication de dessins de presse lors de tels procès, comme celui que nous avons décidé de publier ci-dessus.
Avec cette photo d'Abdelkader Merah, Paris Match s'expose à une amende de 4 500 euros et à la confiscation du numéro concerné. L'association de la presse judiciaire a, dès ce matin, condamné fermement la publication de l'image sur les réseaux sociaux, fustigeant l'"irresponsabilité" de l'hebdomadaire. Il y a quelques minutes, on apprenait grâce à France Info que le parquet de Paris avait ouvert une enquête, confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP).
Sur la photo, Abdelkader Merah entouré de ses deux avocats
Le cliché publié par Paris Match rappelle la polémique qui avait suivi la publication par le même magazine des images de l'attentat de Nice, captées par les caméras de vidéosurveillance de la Promenade des Anglais, il y a un an, pour le premier anniversaire du drame. Sur la photo publiée cette semaine, on voit assez nettement Abdelkader Merah dans le box des accusés, de face, à côté de ses avocats Antoine Vey et Eric Dupond-Moretti, vêtus de leur robe noire. Me Dupont-Moretti, star du barreau et vedette des plateaux de télévision, est visible de dos pour sa part.
Régis Le Sommier, le directeur adjoint de Paris Match, s'est expliqué sur cette nouvelle publication sujette à caution auprès de 20 Minutes. "Nous n'avons pas pris nous-mêmes ces photos et nous ne les avons pas achetées. Nous nous sommes retrouvés avec ce matériel et nous avons décidé de les publier pour leur portée historique", a-t-il indiqué, précisant que Paris Match avait attendu la fin du procès et le verdict pour le faire. Assumant totalement ce choix, Paris Match cite, pour se justifier, les procès de Klaus Barbie ou Adolf Eichman, qui avaient fait l'objet de publications similaires en leurs temps. Toujours par la voix de son directeur adjoint, le magazine estime aussi qu'il fallait montrer le "regard dans le vide de Merah avant l'annonce du verdict".
Abdelkader Merah condamné, un procès en appel prévu
Abdelkader Merah a écopé de 20 ans de prison pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle". Un verdict jugé trop clément par certaines familles des victimes de son frère, Mohamed Merah, qui réclamaient la perpétuité pour complicité d'assassinats. Le parquet général de Paris a d'ailleurs fait appel du premier verdict de la cour d'assises. Le ministère public a estimé dans un communiqué que la cour d'assises spéciale de Paris "n'avait pas tiré toutes les conséquences juridiques des faits qui lui étaient soumis", notamment pour avoir acquitté Abdelkader Merah de la "complicité d'assassinats".
En mars 2012, en pleine campagne présidentielle, Mohammed Merah avait assassiné sept personnes dont trois militaires, un enseignant et trois enfants juifs et fait six blessés lors de trois expéditions à Toulouse et Montauban. Radicalisé, celui qu'on appelait alors le "tueur au scooter" avait finalement été abattu par le Raid trois jours près l'attaque du collège-lycée juif Otzar Hatorah. L'assaut final, à son domicile du quartier de Côte Pavée à Toulouse, avait été donné le 22 mars 2012, après un siège de 32 heures.