Port du voile en France : quelles interdictions ? Du changement à venir ?

Port du voile en France : quelles interdictions ? Du changement à venir ? VOILE - Les sénateurs ont voté une proposition de loi interdisant le port du voile aux parents accompagnant les enfants en sortie scolaire. La législation va-t-elle changer ? Que dit la loi actuelle exactement ?

[Mis à jour le 30 octobre 2019 à 12h04] Mardi 29 octobre, les sénateurs ont voté une proposition de loi interdisant le port de signes religieux, dont le voile, aux parents accompagnant les enfants en sortie scolaire. Est-ce à dire que la législation en la matière va changer dans les prochaines semaines. Autant le dire de go : non, c'est très peu probable. C'est en effet l'Assemblée nationale qui a le dernier mot dans le vote de la loi et celle-ci est majoritairement composée de députés LREM, hostiles à un tel texte. Au Sénat, tous les parlementaires LREM ont voté contre la proposition déposée par LR, parti majoritaire dans la haute assemblée. Ils devraient faire de même lors du vote au Palais Bourbon.

Le débat sur le port du voile pour les accompagnants en sortie scolaire a généré des prises de parole plus générales de la part de responsables politiques. Marine Le Pen et l'extrême droite appellent à l'interdiction du voile dans l'espace public, alors que le principe de laïcité - qui garantie à tous les citoyens la liberté de culte - et la législation en vigueur pose des jalons bien différents en ce qui concerne la manifestation de signes religieux.

Le port du voile est encadré par la loi, le point

L'article premier de la Constitution précise bien que la France est une République laïque, qui "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion". L'Etat ne reconnaît aucune religion et ne salarie aucun culte, ne s'immisce en aucun cas dans le fonctionnement des organisations religieuses. La laïcité instaure la neutralité de l'Etat français. C'est en vertu de ce principe que les agents de l'Etat, des collectivités territoriales et des services publics ne peuvent manifester de signes religieux, comme le voile, la kippa ou le port de croix.

Le voile à l'école

Le voile est interdit dans les écoles, collèges et lycées publics, comme tout autre signe ostensible d'appartenance à une religion (comme une kippa ou une grosse croix). Les enseignants du public, en tant que fonctionnaires ou professionnels chargés d'une mission de service public, doivent respectés la neutralité de l'Etat. La loi du 15 mars 2004, sous l'impulsion de Jacques Chirac, interdit aussi aux élèves de porter des tenues ou des signes religieux, dans le but de "garantir la liberté de conscience"  de chaque enfant et adolescent.

Le voile lors des sorties scolaires

L'interdiction ne concerne pas les élèves des universités, ni les parents d'élèves qui assistent les professeurs en sortie scolaire. Ces derniers n'assurent pas de mission de service publique, mais offre une aide logistique aux professeurs. Cependant, le conseil d'Etat a précisé en 2013 que les parents invités à l'intérieur des établissements scolaires pour "participer à des activités assimilables à celles des enseignants", doivent retirer tout signe manifestant une appartenance à une croyance religieuse.

Le voile dans la rue, l'espace public

La laïcité renvoie la pratique des religions à la sphère privée, mais il est bien entendu tout à fait autorisé pour tout un chacun de porter un voile dans l'espace public, comme tout autre signe religieux. Aucune interdiction sur le port du voile ne concerne les usagers des services publics. Cependant, une loi a été votée en octobre 2010, sous le mandat de Nicolas Sarkozy, dans le but d'interdire dans l'espace public le port de la burqa et du niqab. Cette loi ne cible pas particulièrement de religion : elle justifie ces injonctions en interdisant le port de tout vêtement dissimulant le visage.

Le voile dans les entreprises privées

Le port de tenue manifestant une appartenance à une croyance n'est pas interdite. L'employeur peut demander à ses employés de retirer un voile s'il justifie que celui-ci a une incidence "en matière d'organisation, d'hygiène ou de sécurité au travail". Une entreprise peut également considérer qu'il est utile pour le bon fonctionnement de celle-ci que soit respecté le principe de neutralité, notamment pour les salariés en contact avec des clients.

Au fait, que dit le Coran à propos du voile ?

Si l'on se réfère au texte religieux de l'islam, deux extraits du Coran sont identifiés comme justifiant cette pratique vestimentaire. Il s'agit des versets 30 et 31 de la sourate 24, ainsi que du verset 59 de la sourate 33 : "Dis aux croyants qu'ils baissent leurs regards et gardent leur chasteté. C'est plus pur pour eux. (…) Et dis aux croyantes qu'elles baissent leurs regards, qu'elles gardent leur chasteté, et qu'elles ne montrent de leurs parures que ce qui en paraît, et qu'elles rabattent leur voile sur leur poitrine ; et qu'elles ne montrent leurs parures qu'à leur mari, ou à leur père (…)" et "O Prophète ! Dis à tes épouses, et à tes filles, et aux femmes des croyants de ramener sur elles leurs grands voiles ; elles en seront plus vite reconnues et exemptes de peine."

Nulle part en revanche n'est clairement mentionné le fait que la chevelure doive être cachée. Le texte mentionne les "parures" des femmes mais ne précise pas de quelle partie du corps il s'agit, et les interprétations varient, selon lesquelles les parures désigneraient les cheveux, les mains, le visage ou les bijoux. Une recommandation qui ne vaut d'ailleurs pas que dans la religion musulmane puisqu'on retrouve des indications semblables dans des textes chrétiens ou juifs. L'islamologue Rachid Benzine, interrogé par Le Monde, estime que "ces textes sont en adéquation avec les règles qui prévalaient dans cette société au VIIe siècle. Ils n'introduisent pas de nouveauté majeure. La culture légale du Coran est commune avec celle de la Bible hébraïque et des Evangiles." Selon lui, cette recommandation s'adresserait aux femmes en âge de procréer, et serait plutôt d'ordre social que religieux, évoquant les bonnes moeurs au Moyen-Âge.