Etat d'urgence : c'est quoi et ça changerait quoi ?

Etat d'urgence : c'est quoi et ça changerait quoi ? Alors que la France devrait encore connaître des émeutes dans la nuit de samedi à dimanche, après la mort de Nahel mardi dernier, l'exécutif écarte pour le moment l'hypothèse de l'instauration de l'état d'urgence. Que changerait le déclenchement de ce régime exceptionnel ?

[Mis à jour le 1er juillet 2023 à 22h18] Après la mort de Nahel, mardi 27 juin à Nanterre, la France devrait connaître une cinquième nuit consécutive de violences et d'émeutes, dans la nuit de samedi à dimanche. Mais pour le moment, l'exécutif écarte toujours l'hypothèse d'un déclenchement de l'état d'urgence pour répondre à ces incidents. De nombreuses voix se sont pourtant élevées à droite et à l'extrême droite, ainsi que chez plusieurs élus locaux, pour appeler à l'instauration de ce régime exceptionnel.

Par ailleurs, des mesures qui ressemblent peu ou prou à celles qui pourraient être décidées en cas d'état d'urgence ont été mises en place par les différentes autorités : interdiction de manifester et de se rassembler dans plusieurs villes de France, couvre-feux mis en place dans de nombreuses communes, ou encore annulation d'événements culturels. Benoît Payan, maire de Marseille, dont la commune a été durement touchée par les émeutes dans la nuit de vendredi à samedi, a, pour sa part, déclaré qu'il ne mettrait pas en place de couvre-feu dans sa commune, lors d'un entretien sur BFMTV. L'édile a justifié ce refus en déclarant que, si couvre-feu il devait y avoir, il voudrait que cela se fasse au niveau national. Or, ce n'est qu'en cas d'état d'urgence qu'un couvre-feu systématique et généralisé à tout le pays pourrait être mis en place. Nul doute que l'évolution de la situation dans les prochains jours sera suivie de très près au sommet de l'Etat, qui pourrait finalement décider d'instaurer ce régime.  

Que prévoit l'état d'urgence ?

L'état d'urgence est un régime exceptionnel qui ne peut être décrété qu'en Conseil des ministres. Comme le rappelle le site officiel Vie publique, son instauration peut être décidée "soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas de calamité publique, ce qui peut désigner toute catastrophe naturelle d'une ampleur exceptionnelle". "Par vocation, l'état d'urgence permet de renforcer les pouvoirs des autorités civiles et de restreindre certaines libertés publiques ou individuelles", précise le site.

Ce régime peut être mis en place sur tout le territoire ou seulement sur certaines parties. Après son instauration par décret en Conseil des ministres, il est prévu pour une durée de 12 jours. Au terme de cette période, il peut être prolongé, mais une loi doit être votée par le Parlement pour cela. Toujours selon le site Vie publique, l'état d'urgence prévoit notamment "l'interdiction des manifestations, cortèges, défilés et rassemblements de personnes sur la voie publique", "l'interdiction de certaines réunions publiques ou la fermeture de lieux publics et de lieux de culte", "des perquisitions administratives", "des réquisitions de personnes ou moyens privés" ou encore "des assignations à résidence". 

Pourquoi l'état d'urgence ne fait-il pas l'unanimité ?

Si les appels à l'instauration de l'état d'urgence face aux violences urbaines se sont multipliés depuis jeudi à la droite et l'extrême droite de l'échiquier politique, cette mesure ne fait cependant pas l'unanimité. Invité sur RMC jeudi matin, le secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale, David Le Bars, a estimé que "ce n'est pas le moment" de déclencher l'état d'urgence, rappelant que, lors des émeutes qui ont suivi la mort de Zyed et Bouna en 2005, "l'état d'urgence avait été décrété huit ou neuf jours après". Il a également jugé que "l'état d'urgence s'adresse à ceux qui respectent la loi, et ceux qui ne la respectent pas vont continuer de commettre des exactions". 

"Avons-nous seulement les moyens de faire respecter un état d'urgence ?", a de son côté interrogé sur Twitter le député des Républicains Aurélien Pradié, se plaçant une nouvelle fois en opposition des positions de son parti. "Engagées en première ligne, nos forces de l'ordre ne pourront pas éternellement compenser la faillite politique généralisée", a-t-il poursuivi. Même son de cloche du côté du maire d'Aulnay-sous-Bois, Bruno Beschizza, qui a déclaré vendredi sur France Bleu : "Quand j'entends aujourd'hui parler d'outils juridiques, d'état d'urgence, de couvre-feu, j'aimerais qu'on parle déjà des moyens des forces de l'ordre qui sont sur le terrain. Si vous décrétez le couvre-feu et que vous n'avez pas les moyens de le faire appliquer, on décrédibilise encore plus la parole publique." La ville de cet ancien policier a été durement touchée par les violences urbaines dans le sillage de la mort de Nahel M.