Dans ces deux départements français, il y a aura toujours (au moins) 11 jours fériés !
Travailler plus pour renflouer les caisses de l'État : c'est le message fort de François Bayrou, qui a présenté ce mardi 15 juillet les grandes lignes du budget 2026. Et parmi les annonces les plus explosives, une mesure fait déjà polémique : la suppression de deux jours fériés dès l'an prochain. Concrètement, ces journées aujourd'hui chômées mais rémunérées deviendraient travaillées… sans rémunération supplémentaire. Une mesure censée rapporter près de 3 milliards d'euros à l'État, grâce au gain de production injecté dans le PIB.
François Bayrou a évoqué, "à titre d'exemple", le 8 mai et le lundi de Pâques. Il se dit néanmoins ouvert à d'autres propositions. Selon le chef du gouvernement, ces dates pourraient être les plus pertinentes, surtout que le mois de mai serait devenu un "gruyère", ponctué de "ponts et viaducs de congés". Si le budget est adopté à l'automne, la France passerait donc de 11 à 9 jours fériés.
Mais deux départements feront exception : l'Alsace et la Moselle conserveront 11 jours fériés. Pourquoi ? Parce qu'ils bénéficient de deux jours supplémentaires : le Vendredi Saint (18 avril) et la Saint-Étienne (26 décembre). Contrairement à une idée reçue, cette spécificité ne vient pas du Concordat de 1801 signé entre Napoléon et le pape Pie VII. Elle remonte à l'époque de l'annexion allemande, en 1892. "Ces deux jours fériés ont été institués par les autorités allemandes, pour tous, pour la Saint-Étienne. Et pour les seules communes qui disposaient d'un temple protestant ou d'une église mixte (c'est-à-dire une église à la fois occupée par les catholiques et par les protestants), pour le Vendredi Saint", détaille Benoit Vaillot, haut fonctionnaire et historien à l'Université de Strasbourg, auprès du Parisien.
Derrière ces jours fériés se cache une véritable stratégie politique. L'historien explique qu'à l'époque, l'Allemagne souhaitait aligner ces deux départements sur les pratiques des régions protestantes voisines, de "mieux se faire accepter" et "récompenser" les Luthériens du nord de l'Alsace et à Strasbourg, favorables à la domination allemande. Les autorités allemandes cherchaient également à intégrer les Réformés, alors plus hostiles à l'annexion, principalement installés autour de Mulhouse.
Quand l'Alsace et la Moselle redeviennent françaises en 1918, ces jours fériés sont conservés. Mais le gouvernement français tente de les supprimer pour appliquer la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat. C'est sans compter sur la mobilisation des Alsaciens et des Mosellans, soutenus par les catholiques de toute la France, qui refusent de rouvrir un conflit entre l'Etat et les catholiques. Résultat : les deux jours fériés sont maintenus, et une circonscription autour du régime des cultes d'Alsace-Moselle est créée.
Cette dernière leur accorde l'application du Concordat, un traité sur la liberté de cultes. Ainsi, il n'y a pas de séparation entre l'Église et l'État dans ces deux départements : les prêtres, pasteurs et rabbins sont rémunérés par la République. Les écoles publiques peuvent enseigner des cours de religion (au moins jusqu'au collège) sauf dispense de l'élève, et les universités de Strasbourg et Metz possèdent des départements de théologie.