Commander son ordinateur par la pensée

Qui n'a jamais rêvé de commander son ordinateur par la pensée ? Finies les contraintes représentées par les souris et les claviers, adieu les inconvénients liés aux fautes de frappes... La recherche y travaille.

Se faire implanter dans le cerveau une puce permettant de contrôler tous les équipements de la maison... Ce scénario serait digne d'une nouvelle du célèbre écrivain de science fiction Isaac Asimov. Des recherches sont menées afin que cette technologie devienne une réalité.

Le développement de ces recherches est né des progrès en matière de connaissance du cerveau. Ces 20 dernières années, il a été possible d'enregistrer avec finesse les différentes activités électriques cérébrales. Le principe d'une "interface cerveau-ordinateur" (ou BCI pour Brain Computer Interface) est directement basé sur ces nouvelles connaissances. Cette discipline récente vise à mettre au point un dispositif permettant de capter l'activité électrique cérébrale sous forme de données, qui sont ensuite interprétables par un ordinateur. En réponse, la machine doit réaliser une action en conséquence, ce qui donne un retour à l'individu. Cette boucle d'interactions constitue le postulat de travail de départ.

On peut alors y imaginer toutes sortes d'applications médicales ou dans l'industrie des loisirs : contrôle d'un fauteuil roulant, de prothèses, utilisation en domotique (c'est-à-dire pour contrôler l'ensemble des équipements d'une maison type chaîne HIFI), dans les jeux vidéo, etc.

Un casque intelligent

Plusieurs types d'approches sont envisagées pour développer cette technologie. La première est dite "non invasive" : elle ne nécessite pas d'implant intracrânien pour fonctionner. La méthode est basée sur les techniques d'imagerie cérébrale, notamment celle de l'électroencéphalogramme (EEG). Lorsqu'une zone cérébrale est activée, elle génère un courant électrique au niveau du cuir chevelu. Celle-ci est détectable grâce à un casque comportant des microélectrodes. La difficulté dans le domaine est que le cerveau n'a de cesse de fonctionner. Il faut donc pouvoir transmettre les ondes qui sont pertinentes à l'action considérée.

casque jeu video
Le casque de nouvelle génération Emotiv EPOCtm, peut-être l'avenir des manettes de jeux vidéo. D'après son constructeur, il serait capable de détecter, grâce à l'analyse de l'EEG et de l'expression faciale, une trentaine d'expressions différentes telles que la tension ou l'excitation. Le jeu serait alors capable de réagir selon nos pensées? © Emotiv Systems

En 2006, une équipe de Wadsworth à New York a fait la démonstration qu'écrire un texte seulement par la pensée était possible. Pour cela, il fallait que le sujet, équipé de son casque, focalise son attention sur la lettre qu'il souhaitait taper dans un rectangle contenant l'alphabet. Lorsque elle était en surbrillance, le pic d'activité généré permettait à l'ordinateur de retranscrire l'information donnée. La vitesse de frappe n'était pas comparable avec celle des mains, puisqu'il fallait environ 15 secondes pour taper une lettre. Le temps de pause du casque était, lui aussi, non négligeable, puisqu'il a fallu environ une heure pour que toutes les électrodes soient en place. Ces résultats laissent tout de même présager que la technique peut fonctionner et être améliorée. Des ondes particulières, telles que les p300, émises en situation de surprise, 300 millièmes de secondes après un stimulus extérieur, sont aussi étudiées pour des expériences du même type.

D'autres applications ont également été testées : celles, par exemple, dites de "l'image mentale du mouvement". Pour se faire, le sujet doit auparavant subir un entraînement avec l'ordinateur afin que celui-ci reconnaisse les bons pics cérébraux : il doit s'imaginer en train de se déplacer en avant, en arrière, à droite et à gauche. Cela modifie l'amplitude de ses ondes cérébrales, qui sont ensuite mémorisées par l'ordinateur. Une fois cette phase d'apprentissage effectuée, l'expérience consiste à mettre le sujet dans un environnement virtuel, où il peut se déplacer à sa guise, et ce sans bouger de son fauteuil. Cette technologie intéresse notamment les développeurs de jeux vidéo, qui y voient un nouveau type d'expérience vidéo-ludique dans des mondes virtuels comme "Second Life".

Une puce dans le cerveau

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Photographie du dispositif Braingate® utilisé dans le cadre d’un implant intracérébral. © DR

La seconde approche est de poser chirurgicalement un implant électronique directement dans le cerveau, le but étant que le dispositif détecte l'activité nerveuse in situ et la retransmette vers l'ordinateur. C'est la technique dite "invasive". Ce système présente un avantage : la source étant directement dans la zone d'intérêt, les bruits parasites venus d'autres parties du cerveau sont minimisés. La plupart des tests ont été, pour l'instant, réalisés sur les animaux.

Chez l'homme, l'expérience la plus prometteuse en la matière a été conduite en 2006 aux Etats-Unis. Les chercheurs ont introduit une puce de quelques millimètres dans le cerveau d'un tétraplégique au niveau de la zone responsable des mouvements volontaires. Après quelques séances d'étalonnage, le jeune homme a été capable de contrôler le pointeur sur l'écran et de consulter sa messagerie sans bouger. Il pouvait réaliser ces actions tout en conversant, preuve que la méthode était assez sensible et ne requérait pas une concentration intense. Le dispositif a été implanté pendant un an, avant d'être retiré suite à un dysfonctionnement. Un bémol réside toutefois dans la lourdeur du procédé et dans le risque d'infection à long terme qu'il pourrait générer.

Alors, que penser de ces nouvelles technologies : enthousiasmantes ou terrifiantes ? Ces voies de recherche demeurent un grand espoir pour les gens souffrant de handicaps physiques. Actuellement, les méthodes non invasives gagnent de plus en plus en résolution, laissant présager qu'elles seront à terme privilégiées. Si les avancées en matière d'interface cerveau-ordinateur suivaient la loi de Moore, disant que la puissance de calcul d'un ordinateur doit doubler tous les 18 mois, nous pouvons penser que l'utilisation du duo souris et clavier ne sera plus indispensable dans les années à venir.