Cigarette électronique : une réaction à chaud

Première chronique, en réaction à l’article de la revue 60 millions de consommateurs, qualifiant les cigarettes électroniques de « potentiellement » cancérigène, suite à une étude utilisant un procédé « inédit ».

Une étude de 60 Millions de consommateurs, dont le protocole exact n’a pas été communiqué et dont les résultats chiffrés restent évasifs, conclut que la fumée des cigarettes électroniques contient des agents potentiellement cancérigènes dans des proportions parfois similaires à celles des cigarettes traditionnelles. Notamment, des traces de métaux lourds, d’acroléine, de formaldéhyde et des aldéhydes ont été relevées. Cela vous fait peur ? C’est bien le but.
 
Au milieu du vent de panique qui s’est logiquement mis à souffler depuis hier, certains experts dénoncent cette enquête. Citons le Dr. Gérard Mathern, secrétaire général de la Société Française de Tabacologie, qui a en outre participé au rapport Dautzenberg en mai 2013 :
« Ce que je regrette dans cette enquête, c'est son aspect polémique. Ici, le public est tenté de comprendre cet article comme : les cigarettes électroniques sont aussi toxiques que les cigarettes conventionnelles. Ce qui est bien sûr radicalement faux. »

En creusant à peine, les failles apparaissent vite

  • Le formaldéhyde n’est pas dangereux à faible dose. Or, c’est précisément une information qui est manquante dans l’étude. Les meubles dégagent en permanence du formaldéhyde, le corps humain également. Cela ne fait pas de nous des armes de destruction massive.
  • Il en est de même pour la présence de métaux lourds. Si les quantités relevées ne sont pas précisées, la dangerosité ne peut être établie. Les eaux minérales, par exemple, en contiennent.  
  •  L’acroléine et les aldéhydes, quant à eux, apparaissent dès lors que l’on chauffe des hydrates de carbone. C’est ce qui arrive lors de n’importe quelle cuisson d’aliments, à la poêle, en friture, au barbecue… Ces éléments se dégagent alors en quantités beaucoup plus importantes qu’avec une cigarette électronique. Ce qui est plus étonnant est que l’acroléine ne se forme qu’à partir d’une température de 240°. Sachant qu’une cigarette électronique chauffe à 50° environ dans des conditions normales d’utilisation, cela jette un doute sur le fameux « protocole inédit ».
Par ailleurs, rappelons que ce sont essentiellement les goudrons et le monoxyde de carbone qui tuent les fumeurs. Les uns, transportant des éléments extrêmement toxiques, sont la principale cause des cancers de la gorge, des poumons et de la langue. L’autre est le premier responsable des maladies cardio-vasculaires. Les cigarettes électroniques n’en contiennent pas.

D’autres professionnels de la santé ont également exprimé leur mécontentement

Antoine Flahault, professeur de santé publique à la Faculté de Médecine Paris Descartes estime sur Twitter que « 60 millions de consommateurs se trompe de cible » et précise que « face au vrai danger des cigarettes, les vapoteurs n'ont pas trop de soucis à se faire ! ». De son côté, le Dr. Dominique Dupagne expose sur son blog que les éléments relevés sont « anodins dans l'absolu, surtout face aux substances monstrueusement cancérigènes (et toxiques pour les artères) contenues dans la fumée de tabac ».
L’article de 60 millions de consommateurs (le chiffre de 59 serait plus juste, puisqu’un million de Français sont utilisateurs de cigarettes électroniques) s’inscrit donc dans la tendance médiatique actuelle visant à décrédibiliser coûte que coûte la cigarette électronique en la présentant comme nocive. Au nom d’un principe de précaution si exacerbé qu’il rend les Français paranoïaques, on choisit la crucifixion sur la place publique plutôt que de donner sa chance à un produit qui, sur le terrain, change pourtant la vie de milliers de fumeurs, là où les outils de sevrage tabagique classiques échouent.
A moins que ce ne soit, une fois encore, l’argent qui soit roi. Lorsque l’on sait que l’INC, éditeur du magazine 60 millions de consommateurs, est directement subventionné par l’État, on peut naturellement douter de la totale objectivité de leurs auteurs. Cette sonnette d’alarme de Polichinelle vient donner une raison de plus aux pouvoirs publics de réglementer le marché des cigarettes électroniques. S’il serait bénéfique de normaliser cette industrie et de renforcer les contrôles, notamment pour s’assurer de la conformité des liquides par rapport à ce qui est annoncé sur les étiquettes, taxer de façon outrancière les cigarettes électroniques pour compenser la baisse des ventes de tabac et déposséder les entrepreneurs qui ont créé le marché en France pour les jeter en pâture aux lobbys pharmaceutiques serait, sans nul doute, une erreur.