Trois auteurs de fantasy à la Comic Con 2011 La fantasy celtique de Michel Borderie
Michel Borderie est illustrateur. Autodidacte, ce dessinateur de talent réalise des couvertures de romans de fantasy et de science-fiction depuis la fin des années 1980. Devenu une véritable star dans ce domaine, il s'est lancé en 2004 dans la création de livres illustrés. Depuis, il écume les salons pour faire connaître un nouveau genre, le "roman graphique".
Comment êtes-vous devenu dessinateur ?
Michel Borderie : J'ai une formation de prothésiste dentaire. Je l'ai faite vers la fin des années 1970, je n'étais pas du tout dessinateur, même si j'ai toujours dessiné depuis que je suis tout gosse. J'ai travaillé quelques années comme technicien dentaire mais j'ai démissionné et je me suis lancé dans l'illustration du jour au lendemain, donc je n'ai aucune formation en dessin, je suis autodidacte. C'était en 1987, le contexte n'était pas le même qu'aujourd'hui, il n'y avait pas Internet, je suis donc allé frapper aux portes des maisons d'édition parce que mon optique c'était de réaliser des couvertures de romans. J'étais un gros lecteur de science-fiction et de fantasy, et j'avais envie de faire des couvertures de ces romans.
J'avais été fasciné par les illustrateurs qui faisaient ce travail, des gens comme Chris Foss, Tim White, Frank Frazetta... C'était cette optique-là, de travailler dans ce domaine, et c'est ce que j'ai fait. Avec des moments de creux, parce que ça ne marche pas toujours, on est nombreux dans ce milieu.
Désormais, vous réalisez des livres illustrés. Quel a été le déclic ?
En 2004-2005, grâce au passage au numérique, j'ai arrêté l'acrylique et la gouache, je me suis mis à la peinture sur Photoshop. Ça m'a donné l'opportunité de commencer à travailler sur autre chose que des couvertures de roman, principalement des livres illustrés. Je peux à la fois gérer l'ensemble du livre pas seulement les illustrations mais aussi l'habillage, la maquette, la mise en page. C'est important car c'est un vrai travail d'auteur et qu'on fasse le texte ou pas, ça reste un travail personnel, plus que d'illustrer un roman où là on doit se mettre au diapason avec le roman, évidemment. Et puis il y a les contraintes de maquette, de titre. J'ai décidé de faire des vrais livres, des livres d'auteur en plus de mon métier d'illustrateur.
Quels sont les ouvrages que vous présentez à la Comic Con ?
"Légende de l'Ulster" est sorti en décembre 2006. C'est l'adaptation d'une légende celtique, la légende de Cuchulainn qui est célèbre en Irlande, dans l'Ulster, l'Irlande du Nord. C'est le premier roman graphique que j'ai fait, ça a été un peu un laboratoire, un test qui m'a permis d'apprendre à gérer la mise en page et la maquette. Là j'avais un scénariste, Vignac. J'ai attendu quelques temps avant d'attaquer un deuxième livre que je présente lui aussi au Comic Con. Il s'agit du "Grimoire de Korilfand", c'est un peu le même principe que "Légende de l'Ulster", sauf que cette fois j'ai écrit le texte. Là c'est vraiment un livre sur la fantasy, car je suis plutôt spécialisé dans ce domaine. Ça ressemble un peu aux univers qu'on peut voir chez Tolkien, j'ai récupéré les grandes figures du genre : les dragons, les elfes, les guerriers, les barbares, les nains... Je les présente à travers un grimoire. C'est un monde que j'ai inventé, et une elfe dieu consigne dans le grimoire tous les peuples de cet univers. Chaque peuple est présenté en brefs chapitres, avec à la fin la carte du monde, le bestiaire, c'est une sorte d'encyclopédie fictive.
Bien que ce soit une encyclopédie, est-ce qu'elle raconte une histoire ?
Ce sont des micro-histoires. Pour chaque peuple qui est présenté, il y a une petite histoire plus ou moins conséquente sur l'histoire du peuple, une anecdote. Evidemment, il y a quand même des liens entre les différents peuples, il y a la Guerre du Chaos qui unit tous les peuples vers la fin du livre. Bien que ce soit un ensemble de petits récits qui peuvent se lire séparément, c'est mieux de lire le livre dans la continuité. Mais ce n'est pas pour autant un roman, ça ne se lit pas d'une traite et pas forcément dans l'ordre.
On entend beaucoup parler de vous sur les forums de fantasy, science-fiction : est-ce qu'on pourrait dire que ça marche bien pour vous ?
"Internet participe beaucoup à se faire connaître"
Tout est relatif. Je suis édité par un petit éditeur donc la première difficulté c'est de se diffuser. Je fais énormément de salons où je vends les livres. Une grosse partie des stocks de livres m'appartient, je vends à mon compte, donc bien sûr il n'y a pas les marges du diffuseur, les remises libraires, etc. Mais dans ce milieu, qu'on soit chez un gros ou un petit éditeur, il est difficile d'imposer des livres, de rester visible dans une librairie. Tous les auteurs restent quinze jours sur les tables de nouveautés, ça laisse très peu de temps pour que les lecteurs aient la possibilité de voir le livre. Internet c'est donc très important à ce niveau-là. Moi j'ai un blog que je mets à jour régulièrement et je vais sur les forums qui m'intéressent. Internet participe beaucoup à se faire connaître et se faire apprécier par un milieu qui aime découvrir le travail des illustrateurs.
Qu'est-ce que vous apporte le fait d'être à la Comic Con ?
C'est important car il y a beaucoup d'illustrateurs, connus, moins connus, c'est un gros pôle central, pas juste un petit stand avec une seule personne. Du coup ça a un impact, mais ce n'est pas tout. Je fais pas mal de salons, de festivals, j'en fais à peu près deux par mois, et beaucoup de salons du livre que je fais en raison des couvertures de romans de fantasy, science-fiction. Je fais aussi des salons sur la BD car certains acceptent qu'un illustrateur vienne dédicacer un roman graphique, parce que c'est un genre qui se popularise.
C'est justement parce que les illustrateurs peuvent accéder à la maquette, et qu'on n'est plus obligé de passer pas un maquettiste, que de plus en plus de livres de ce genre paraissent. Le plus célèbre, celui qui a le mieux marché, c'est le "Merlin" de Aleksi Briclot et Jean Sebastien Rossbach, paru chez Soleil [ndlr : l'auteur est Jean-Luc Istin]. C'est important de faire des salons, celui-ci c'est en plus un salon important, il y a beaucoup de monde. Il fait partie de ces trois ou quatre événements dans l'année qu'il ne faut pas manquer, comme Paris Manga, les Imaginales à Epinal, Trolls et Légendes en Belgique, pour en citer quelques uns.
Quand vous parlez de votre travail, vous ne dites pas "bande dessinée" mais "roman graphique". Quelle est la différence ?
Il y a une énorme différence. La bande dessinée, tout le monde sait ce que c'est, il y a des cases, des dessins, on enchaine la narration par les cases. Le roman graphique c'est de l'illustration, mais pas vraiment un livre illustré avec une page de texte et l'illustration en face. Avec le numérique, on fait un habillage, on met du texte sur l'illustration, c'est un environnement graphique général. Toutes les pages sont illustrées, le texte est quant à lui fragmenté. On est dans du roman habillé d'illustrations. A ne pas confondre avec le "graphic novel" américain qui lui est une bande dessinée qui sort des sentiers battus.
A découvrir
Légende de l'Ulster
Vignac et Michel Borderie
20-25 €
Editions Eons
Le Grimoire de Korilfand
Michel Borderie
25 €
Spootnik éditions