Chat
 
Juin 2007

Eric Champel : "Platini veut rendre au foot ce que le foot lui a donné"

Eric Champel, journaliste à L'Equipe, vient de publier "Platini président". Il y raconte comment le célèbre n°10 a conquis le poste de président de l'UEFA. L'auteur a répondu à toutes vos questions lors d'un chat organisé le mardi 26 juin.
  Envoyer Imprimer  

 
Eric Champel Photo © Cécile Genest / L'Internaute Magazine
 

Qu'est ce que raconte votre livre ?

Eric Champel : L'histoire d'une métamorphose. Celle de Platini joueur, distant et parfois grincheux, qui est devenu un dirigeant de premier plan. Le tout au travers de témoignages de ses proches.

 

Est-ce que c'est plutôt une éloge ou une critique de Michel Platini ?

Ni l'un, ni l'autre. C'est le décryptage d'une bascule personnelle pour expliquer comment le plus grand joueur du monde est devenu président de l'UEFA.

 

Comment est écrit votre livre ? C'est seulement des interviews ?

Pas du tout. Il mélange le récit, raconte des histoires et fait intervenir des gens sous forme de questions-réponses. Mais il se lit comme un vrai bouquin qui a une chronologie et une logique.

 

Vous avez interrogé beaucoup de gens pour le bouquin ?

Oui. De Michel Hidalgo à Serge Blanco, en passant par tous ses proches et tous ceux qui l'ont accompagné dans son évolution. Je précise que c'est un livre autorisé. On ne va pas au devant des proches de Platini sans son autorisation.

 

 
En savoir plus
 
 
  • Titre : "Platini président"
  • Parution : Juin 2007
  • Editeur : Prolongations
  • Consultez : les libraires
 

Platini est quelqu'un de simple, issu d'un milieu très modeste. Bref, un parcours qui tend au conte de fées. Est-ce l'admiration qui a motivé ce livre ? Le même livre sera-t-il selon vous envisageable un jour avec Zidane ?

Très bonne question... Mais à votre avis, Zidane sera-t-il un jour président de l'UEFA ? Aura-t-il seulement l'idée de poser sa candidature ? Si j'ai écrit ce livre, c'est justement parce que les gens de ma génération ("atteints" par la cinquantaine) se retrouvent dans la trajectoire de Platini. Et pas forcément dans celle de Zidane.

 

Vous qui connaissez bien Platini, est-ce que vous avez été surpris de le voir élu à la tête de l'UEFA ?

Oui et non. Oui, parce que personne n'aurait imaginé un tel parcours quand on a connu le joueur, assez distant et froid avec les gens qu'il n'appréciait pas. Non, quand on sait tout ce qu'il a accompli pour en arriver là. C'est justement l'essence du livre : expliquer pourquoi ce qui pourrait passer pour une gageure est finalement un aboutissement logique.

 

Qui est le meilleur selon vous : le joueur, le sélectionneur, le président ?

Aucun des trois. Le joueur a construit le sélectionneur et le sélectionneur a préparé le président. Je crois que Platini a été bon partout et a su évoluer tout en restant cohérent avec lui-même. Mais il est vrai que le joueur nous a beaucoup fait rêver.

 

Pensez vous que ses réformes de la Ligue des Champions vont vraiment rendre l'équilibre entre les petites et grandes nations du football ?

Oui. Il s'y est engagé. Il faut à tout prix éviter que le foot européen ne devienne un vase clos, une NBA du foot. Et on en prend le chemin. Regardez ce qui se passe en Angleterre...

 

Quand sera-t-il mis en oeuvre ?

Il sera présenté au conseil stratégique, fin août à Monaco et prendra effet en 2009. En principe.

 

"Platini est à la fois chambreur, redoutable et féroce"

Platini peut-il avoir une influence sur les salaires des joueurs qui semblent ne plus pouvoir s'arrêter de grimper ?

Malheureusement non. J'étais hier à Barcelone. 32 000 personnes ont applaudi l'arrivée de Thierry Henry qui gagne 23 000 euros par jour. Est-ce la faute de Platini si le foot professionnel est devenu fou ? Comme le monde du spectacle et de l'entreprise d'ailleurs. On veut des légendes.

 

Dans un monde où des gestionnaires, parfois sans aucune antériorité dans la discipline, s'imposent aux commandes des organisations, entreprises, etc… Est-ce que votre enquête sur Platini permet de remettre en avant l'importance pour un dirigeant d'avoir été avant tout un homme de terrain ? Autrement dit, pensez-vous que le modèle Platini pourrait inspirer utilement d'autres secteurs ? Lesquels ?

Exactement. Il y a tout un chapitre pour expliquer en quoi Platini est un pionnier et un précurseur. Cette fois, il est le premier sportif à prendre des responsabilités dans une grande fédération. Je crois que Nicolas Sarkozy a compris ce message en nommant Bernard Laporte au secrétariat d'Etat aux Sports. C'est le début d'une révolution. Et que dire d'Escalettes qui veut que le prochain président de la FFF soit rémunéré !

 

Bernard Laporte, secrétaire d'Etat aux Sports, ça vous inspire quoi ?

Hou là là... J'ai mon idée sur la question mais je préfère la garder pour moi. Je suis là pour parler de mon livre et ne suis pas habilité à parler de Laporte.

 

Vous préférez Platini en n°10 de l'équipe de France ou en n°1 de l'UEFA ?

Je me suis réjoui de voir Platini en équipe de France et je me réjouis de le voir à la tête de l'UEFA. C'est un personnage qui échappe à une trajectoire ordinaire.

 

Comment parvenez-vous à être journaliste à L'Equipe et en même temps écrivain ? Vous travaillez la nuit ?

Exactement, et toute ma famille peut en témoigner. Souvent jusqu'à 3 heures du matin. Pour le reste, tous les entretiens ont été réalisés sur mes jours de congés.

 

Vous avez écrit d'autres livres déjà ?

Oui mais jamais sur un sujet aussi dense et intéressant. Et j'en prépare déjà un autre.

 

Ce sera sur quoi ?

Sur qui fait quoi dans le foot professionnel.

 

Etes-vous un proche de Michel Platini ?

Oui dans la mesure où je le connais depuis son époque de joueur. Il a également été mon co-président puisque j'ai travaillé au comité d'organisation de la Coupe du monde 98.

 

Quelles sont les relations entre Platini et les journalistes ?

Elles étaient tendues et sélectives quand il était joueur. Elle sont devenues cordiales depuis qu'il est un homme d'appareil. C'est justement l'une des dimensions que je raconte dans mon livre.

 

On dit que Platini est un gros chambreur. C'est vrai ?

Encore plus que ça. Il est redoutable et féroce.

 

J'ai lu que vous étiez journaliste à L'Equipe. Vous avez suivi toute la campagne de Platini ?

De loin oui, et j'étais à Düsseldorf le jour de son élection.

 

"La FFF ? Un costume trop étroit pour lui"

Quand l'avez-vous rencontré pour la 1ère fois, et pour quelle occasion ?

Je crois que c'était en 1979. Il était encore joueur à Nancy.

 

Pourquoi Platini a-t-il préféré une carrière de bureaucrate à une carrière d'entraîneur ?

Parce qu'il s'est rendu compte que pour faire changer les choses, il fallait prendre le pouvoir. Depuis longtemps, il n'avait plus envie d'être sur un banc de touche.

 

Combien de temps avez-vous mis pour écrire ce livre ? Etiez-vous conseillé par un "vrai" écrivain, du moins quelqu'un qui était détaché du monde du sport ?

J'ai bouclé ce livre en moins de trois mois et je n'ai été conseillé par personne. Ce livre n'est ni un roman, ni une fiction mais le fruit d'un travail très journalistique.

 

J'ai acheté votre livre. J'ai trouvé ça très bien. Contrairement à d'autres livres sur des sportifs, vous nous avez épargné les aspects trop personnels... Sinon, la carrière de Platini vous impressionne-t-elle ?

Merci. Ce qui m'impressionne chez Platini, ce n'est pas sa carrière mais sa destinée, sa légende personnelle. On se dit qu'il y a des gens dont le cheminement de vie échappe au rationnel.

 

Les ambitions professionnelles de Michel Platini sont-elles assouvies par cette présidence ou a-t-il d'autres ambitions ?

Il n'a pas assouvi quelque chose mais gagné un match qu'il avait décidé de jouer. Ses autres ambitions ? Je ne peux pas parler pour lui mais je le vois bien succéder à Blatter à la tête de la FIFA.

 

S'il n'est pas réélu dans 4 ans, pensez-vous qu'il puisse postuler pour diriger la FFF ?

Je ne crois pas. Le costume est trop étroit pour lui.

 

On a beaucoup parlé des relations de Platini avec l'Europe de l'Est pendant la campagne. Vous en parlez dans votre livre ?

Bien sûr. Je parle de ses aides de clan et du réseau des anciens joueurs sur lequel il s'est appuyé.

 

Qui sont justement les anciens joueurs dont il est proche ?

Lemoult, Rouyer, Stojkovic, Curkovic. Et tous les gens ou dirigeants de sa génération.

 

Est-ce que vous écrirez un livre aussi sur le bilan de Platini à la tête de l'UEFA ?

Pensez-vous que le bilan de Platini méritera un livre ? Je n'en suis pas sûr du tout. Par contre, expliquer pourquoi il a échoué ou réussi à la tête de l'UEFA oui, cela mérite de fouiller le sujet.

 

Pensez vous que Platini aura le poids nécessaire pour ne pas faire que de la figuration, comme beaucoup semblent le penser ? En clair aura-t- il l'envergure de Blatter ?

C'est une erreur de penser que Platini est inféodé à Blatter. Leur relation est plus subtile et elle est détaillée dans le livre. Le football avait besoin d'avoir deux institutions fortes pour résister au poids des grands clubs et pour faire front commun. A Platini de jouer et de montrer de quoi il est capable. Ce qu'il a commencé à faire.

 

Par quel aspect de Platini avez-vous été surpris ?

Par sa capacité à toujours se soucier de l'objectif qu'il voulait atteindre. Là, j'ai compris ce qui différenciait un champion du commun des individus.

 

Est-ce que Platini a connu des moments difficiles depuis la fin de sa carrière sportive ?

Oui et c'est aussi raconté dans le livre, notamment lorsqu'il a arrêté sa carrière et que sa reconversion a eu du mal à décoller.

 

"Platini a gagné un match qu'il avait décidé de jouer"

Quel est le trait de caractère qui ressort le plus chez Platini ?

La persévérance.

 


Est-ce que c'est vraiment dans le but d'aider le foot que Platini est allé à la tête de l'UEFA ou est-ce que c'est simplement une histoire d'argent ?

Il le dit dans le livre, il paye l'ISF et il n'est pas dans le besoin. Comme tout le monde, il aime l'argent. Mais il est avant tout guidé par l'envie de rendre au foot ce que le foot lui a donné.

 

Qu'est qu'un homme comme Platini peut apporter au foot européen ?

Sa connaissance du jeu et des instances, sa capacité à ajuster les besoins du foot avec ce que l'UEFA est en mesure de lui apporter. Il peut être un régulateur, un garde-fou, pour éviter que le foot n'appartienne plus aux joueurs.

 

Sur quels points Platini vous a-t-il impressionné dans sa "conquête" de l'UEFA ?

1) Sur sa capacité à faire campagne et à aller visiter les 51 fédérations concernées.
2) Sur son aptitude à se faire violence et à arrondir un peu son caractère.
3) Sur sa faculté à absorber tout ce qu'on lui disait et à s'en servir pour faire passer ses idées.

 

N'est il pas franchement bénéfique aux instances du football d'avoir enfin un président qui possède une réelle expérience de ce sport et aussi d'ailleurs un véritable humour ?

Absolument. Encore faut-il qu'il ait une vraie légitimité au niveau de ses compétences hors football et dans sa connaissance de l'appareil. C'est le cas de Platini.

 

Que pensez-vous personnellement de son prédécesseur à l'UEFA Johansson ?

Il avait 77 ans et avait laissé l'administration décider de tout. C'était une marionnette aux mains des pouvoirs financiers. Platini sera un acteur et un président exécutif.

 

Est-ce que Blatter et Platini s'entendent bien ?

Très bien même. Ils ont une relation filiale.

 

Quel est votre joueur de foot préféré ?

Franz Beckenbauer.

 

Pourtant, vous égratignez Beckenbauer dans votre livre en disant qu'il recherche toujours plus de fric non?

Qui aime... J'ai dit que Beckenbauer était mon joueur préféré. Pas l'homme que je connais et qui est quelqu'un de très intéressé dans tout ce qu`il entreprend.

 

Allez-vous écrire un livre sur une autre personnalité du football ?

Non, ce n'est pas à l'ordre du jour.

 

Quand avez-vous commencé à travailler à L'Equipe ? Avez vous toujours été journaliste dans le sport ?

En 2001. Et j'ai toujours été journaliste dans le sport. Mais je sais aussi traiter des faits divers.

 

A L'Equipe, vous ne traitez que le foot ou vous faites aussi d'autres sports ?

Je ne m'occupe que de foot mais j'ai été responsable de la rubrique rugby pendant trois ans.

 

Etes-vous un pur footeux du type "On refait le match", ou un observateur averti du foot ?

Je joue au foot et je vois des matches de foot depuis que j'ai appris à marcher.

 

"C'est un personnage qui échappe à une trajectoire ordinaire"

C'est quoi votre club de cœur ?

Le n°1 : le FC Cologne.

 

Cologne ? Y a une raison particulière ?

A cause de l'eau. Non, c'est pour des raisons personnelles.

 

Vous préférez le FC Cologne. "Champel" est un patronyme germanique. Ai-je trouvé la raison de votre coup de cœur sportif ?

Non, Champel est un patronyme suisse. C'est le nom d'un quartier de Genève pas très loin de Nyon où se trouve le siège de l'UEFA.

 

Eric Champel : "Merci de votre intérêt et de l'intérêt que vous porterez à mon ouvrage. Moi aussi à ma façon j'ai essayé de sortir un peu des sentiers battus. Mon livre n'est pas une énième biographie à la gloire d'un sportif de renom mais il a pour but d'aider à la compréhension d'une évolution. Celle du plus grand joueur français des années 80 qui est devenu le président de la plus grande fédération européenne. Les sportifs changent, les journalistes essayent de suivre le mouvement…"





Magazine Sport Envoyer Imprimer Haut de page
Votre avis sur cette publicité

Sondage

Face au scandale de dopage, faut-il boycotter la Coupe du monde de football 2018 en Russie ?

Tous les sondages