Contre le harcèlement, des mesures et des sanctions fortes ?

Contre le harcèlement, des mesures et des sanctions fortes ? Elisabeth Borne et ses ministres ont présenté le plan interministériel de lutte contre le harcèlement ce mercredi 27 septembre. Ils ont insisté sur le triptyque "prévention, détection, solution" et ont précisé des mesures en conséquence.

La Première ministre a promis une "lutte implacable" contre le harcèlement. Cette lutte érigée en "priorité absolue" du ministère de l'Education nationale doit être "collective" et justifie le plan interministériel présenté ce mercredi 27 septembre par Elisabeth Borne et plusieurs de ces ministres - ceux de l'Education nationale, des Sports, du Numérique, de la Justice et de la Santé. Tous ont insisté sur le triptyque "prévention, détection, solution" pour répondre au fléau qui a conduit au suicide de plusieurs adolescents ces derniers mois : les jeunes Lucas, Lindsay et plus récemment Nicolas qui a mis fin à ses jours au lendemain de la rentrée scolaire 2023.

Alors que "la page du silence est en train de se tourner" et que l'on assiste à une libération de la parole sur le harcèlement comme souligné par Gabriel Attal, la Première ministre a garanti des "sanctions rapides". Elle a notamment assuré qu'une saisine systématique du procureur aura lieu dans les cas de harcèlement. D'autres sanctions ont été énumérées par les différents ministres venant compléter la loi du 2 mars 2022 qui a créé l'infraction de harcèlement scolaire. Si ces sanctions doivent être dissuasives, le gouvernement a insisté sur la nécessité d'identifier et de prévenir ces violences dès la petite école pour éviter qu'elle n'aient lieu. Le rôle des autorités et de toutes les personnes à même de signaler des faits de harcèlement a aussi été évoqué et pris en compte dans ce plan de lutte anti harcèlement.

Prévenir contre le harcèlement et accompagner les élèves

Le gouvernement entend prendre le problème du harcèlement à la racine en accompagnant les élèves qui pourraient à l'avenir devenir des harceleurs ou des victimes. S'inspirant du modèle danois, le ministre Gabriel a annoncé la généralisation de cours d'empathie et la mise en place d'école pilote dans tous les départements avant la rentrée 2024. Ces ateliers déjà expérimentés dans certains établissements français doivent permettre aux élèves de mieux appréhender les sentiments des autres, de mieux exprimer leurs propres ressentis et à terme de reconnaître et signaler d'avantage des situations anormales et le harcèlement d'un élève. L'identification du harcèlement doit aussi être aidée par une grille d'autoévaluation, présentée comme un "test de détection", qui sera délivrée aux élèves de CE2 le 9 novembre prochain. La grille doit permettre aux enfants d'avoir un regard sur leur propre situation et de signaler un harcèlement dont ils seraient victime.

L'idée derrière le plan interministériel est aussi de mieux former les enfants et les adultes de l'équipe pédagogique à identifier et mettre un terme aux cas de harcèlement. Pour cela des brigades anti harcèlement seront formées "au sein de chaque académie". Ces groupes seraient constitués de fonctionnaires de l'Éducation nationale formés à la lutte contre le harcèlement scolaire - il pourrait s'agir d'inspecteurs, de psychologues ou encore de professeurs. Les contours de la mesure doivent être précisés. Mais leur rôle est déjà arrêté : prévenir et intervenir contre le harcèlement. Ces brigades devraient aussi être un lieu sécurisant pour permettre aux victimes de harcèlement de se livrer.

Concernant le cyberharcèlement, d'autres mesures de sensibilisation dédiées ont été pensées : un passeport numérique pour mettre en garde tous les élèves de sixième contre les risques d'Internet et du cyberharcèlement, la délivrance d'un livret aux enfants de 8 à 11 ans et enfin la sensibilisation des parents.

Le 3018 et des formations pour signaler et détecter le harcèlement

Au-delà des intervenants dans la sphère pédagogique, ce sont tous les adultes qui se trouvent au contact d'enfants et d'adolescents qui doivent être mieux formés à la lutte contre le harcèlement, y compris dans le domaine du sport. Le gouvernement souhaite donc proposer une formation solide à tous les personnels d'éducation dans le cadre du programme pHARe (un plan à destination des écoles, des collèges et des lycées). Une journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire pourrait être instaurée, le 9 novembre, dans toute la France.

A défaut de pouvoir apporter des réponse, toutes les personnes témoins de situation de harcèlement sont appelées par le gouvernement à signaler ces faits. Et pour faciliter le signalement, le gouvernement a décidé de recourir à un numéro unique pour signaler tous les faits de harcèlement ou cyberharcèlement : le 3018.

La Première ministre a également annoncé la diffusion d'une campagne de communication à destination des adultes - plus particulièrement des parents, des enseignants, des policiers et des magistrats - à partir du 9 novembre. L'objectif est de sensibiliser à l'importance de la parole des enfants qui doit être entendue et jamais minimiser. Les enquêtes sur les suicides de Lucas, Lindsay et Nicolas ont montré qu'à chaque fois les adolescents avaient alerté sur leur situation, mais que les autorités compétentes n'avaient pas suffisamment réagi.

Des sanctions graduées contre le harcèlement

Le délit de harcèlement est puni par la loi. Dans les cas les plus graves qui mènent au suicide ou à la tentative de suicide la sanction peut aller jusqu'à 10 ans de prison et 150 000 euros d'amende. Mais les condamnations effectives sont encore trop peu nombreuses et la Première ministre a promis la saisie systématique de la justice. Les ministres ont rappelé les sanctions et annoncer de nouvelles mesures. Pour les faits moins graves, les élèves harceleurs seront contraints de suivre un stage de citoyenneté spécialement orienté vers le harcèlement scolaire et ses conséquences. Lorsque le harcèlement est plus grave, un déferrement du harceleur et le placement sous contrôle judiciaire avec l'interdiction d'entrer en contact avec la victime peut-être prononcé, avant des condamnations plus lourdes.

Téléphone confisqué, bannissement des réseaux... Des sanctions contre le cyberharcèlement

Les cas de cyberharcèlement appelle à d'autres sanctions énumérées par le ministre de la Justice. Lequel a annoncé la confiscation systématique du téléphone portable du harceleur lorsque l'appareil a servi au cyberharcèlement, une mesure qui vaut aussi pour les ordinateurs et autres matériels informatiques. Au delà de la privation du téléphone, l'auteur de cyberharcèlement pourra être bannis des réseaux et plateformes où des violences ont été commises ou partagées. Ce bannissement pourra être prononcée lors d'une condamnation pour six mois et pour un an en cas de récidive. Mais cette restriction d'accès pourra aussi être pré-sentencielle et intervenir à l'ouverture d'une procédure judiciaire ou d'un contrôle judiciaire a précisé le ministre du Numérique.

Outre le bannissement des réseaux sociaux, un couvre-feu numérique pourrait également limiter l'accès au plateforme sans en bannir les élèves. Cette mesure créerait un couvre-feu "qui prohiberait par exemple de 18 heures à 8 heures du matin l'usage des réseaux sociaux" expliquait le ministre Gabriel Atta dans le Figaro. A noter que la plage horaire du couvre-feu numérique n'est pas encore déterminée.