Affaire Bonfanti : après ses aveux que risque Yves Chatain, le meurtrier présumé ?
[Mis à jour le 13 mai 2022 à 16h32] C'est un cold case de 1986 qui pourrait être enfin élucidé, celui de l'affaire Bonfanti. Le dimanche 9 mai 2022, Yves Chatain a avoué le meurtre de Marie-Thérèse Bonfanti, une mère de deux enfants qui distribuait des journaux pour arrondir ses fins de mois et disparue le 22 mai 1986, en Isère. Placé en garde à vue, l'homme de 57 ans est facilement passé aux aveux et a relaté le déroulé des faits de ce jour tragique. A l'époque, Yves Chatain a 21 ans et Marie-Thérèse Bonfanti quatre ans de plus, une dispute éclate entre eux pour un détail : la jeune femme a mal garé sa voiture devant le domicile des Chatain, une grande maison de famille située à Pontcharra. La livreuse de journaux serait alors entrée dans la demeure pour demander des excuses et aurait été agrippée par le cou et étranglée par le jeune homme.
Face aux gendarmes, le meurtrier présumé s'est montré coopératif et a précisé l'endroit exact où il a dissimulé le corps de Marie-Thérèse Bonfanti, quelque part dans une forêt de l'Isère, selon les déclarations du procureur de la République de Grenoble, Eric Vaillant, lors d'une conférence de presse donnée le jeudi 12 mai. Ce rebondissement relance l'enquête et le parquet de Grenoble a assuré que les fouilles pour retrouver les restes de la jeune femme disparue débuteraient dans les plus brefs délais.
Les investigations de la famille Bonfanti et le travail de la Section de Recherche de Grenoble, notamment de la cellule cold case ont permis de réinterroger Yves Chatain, déjà entendu en 1986. "Il a fallu ne garder que quelques heures le suspect en garde à vue car il avait déjà été en garde à vue il y a 36 ans. Des gendarmes spécialisés dans le comportement humain ont permis de savoir comment poser les bonnes questions, au bon moment etc", a précisé le procureur de la République. Avant la garde à vue, c'est la famille Bonfanti qui a fait pression pour que la piste d'Yves Chatain soit de nouveau analysée, persuadée de la culpabilité de l'homme qui s'en était pris à d'autres femmes avant Marie-Thérèse Bonfanti.
Mise en examen, prescription... Yves Chatain peut-il aller en prison ?
Après ses aveux, Yves Chatain a été mis en examen pour enlèvement, séquestration et meurtre lundi 10 mai. L'homme peut encore être jugé pour l'enlèvement et la séquestration de Marie-Thérèse Bonfanti, des charges qui peuvent donner lieu à un procès et éventuellement conduire à la condamnation du meurtrier présumé à une peine de prison. Quant aux soupçons sur le meurtre de la jeune femme, même s'il les faits sont avérés ils seront prescrits car remontant à plus de 10 ans. La découverte et l'identification du corps de la livreuse de journaux est le seul acte de procédure qui pourrait relancer l'enquête, lever la prescription pour meurtre et mener Yves Chatain devant les assises. Les fouilles pour rechercher le corps de Marie-Thérèse Bonfanti devraient commencer d'ici peu a promis le procureur de la République de Grenoble le 12 mai.
Selon l'avocat de la famille Bonfanti, Maître Boulloud, l'ouverture d'un procès est "possible mais pas certain[e] en l'état d'avancement de la procédure". Auprès de Franceinfo, il détaille : "Juridiquement, c'est possible puisqu'on peut dire que tant qu'on n'a pas retrouvé le corps, la prescription ne court pas. On va se battre, il y a d'autres possibilités de recourir sur le plan civil contre la personne mise en examen. Cela va être un long débat." Les fouilles pour retrouver le corps de Marie-Thérèse Bonfanti vont donc être déterminantes dans les prochains jours.
Un "soulagement" pour la famille Bonfanti
"Avec la disparition de ma femme, c'est comme si j'avais passé 36 ans en prison. Aujourd'hui, je sors de cette prison. Et, maintenant, c'est à lui d'y rentrer". Thierry Bonfanti, le mari de la victime aujourd'hui âgé de 61 ans, a confié son soulagement au Parisien et indiqué que l'arrestation du tueur présumé "c'est de la joie malgré tout. Personnellement, je n'y croyais plus. Mais toute la famille n'a pas lâché. Et cela a payé." Lui et toute la famille de la victime ont "toujours été convaincus" qu'Yves Chatain, l'homme qui a avoué le meurtre de Marie-Thérèse Bonfanti en garde à vue le 9 mai, "était impliqué dans l'affaire", d'après leurs déclaration sur Franceinfo.
La famille Bonfanti a joué un rôle clef dans ce cold case en rédigeant un mémoire regroupant tous les faits incriminant Yves Chatain dans la disparition de la jeune femme qui a permis au parquet de rouvrir l'enquête en 2020. "Il y a un énorme travail qui a été fait à partir de 2020 pour reprendre le dossier : nous avons été beaucoup plus précis dans la relecture. Nous avons pu mettre le doigt sur un point précis et c'est ce qui nous a permis d'avancer dans cette nouvelle enquête", a précisé le père de famille. Même discours du côté de l'avocat MaÎtre Boulloud qui a ajouté sur France Bleu : "Ils n'ont aucune haine, ils ont de l'amertume, c'est sûr. Il a fallu 36 ans pour que cette vérité commence, je dis bien commence à être consacrée". Aujourd'hui, tous sont heureux d'avoir le fin mot de l'histoire : "On a maintenant des réponses à nos questions. Et on va pouvoir faire notre deuil. Ce crime ne pouvait pas rester impuni", a indiqué François, la sœur aînée de Marie-Thérèse Bonfanti.
Yves Chatain, impliqué dans d'autres cold case ?
C'est à presque 57 ans, soit 36 ans après les faits, qu'Yves Chatain a avoué le meurtre de Marie-Thérèse Bonfanti. Lors de l'enquête, en 1987, l'homme avait déjà été mis en garde à vue mais relâché par manque de preuves et d'éléments probants. Déjà à l'époque le suspect avait des antécédents de violences contre des femmes. En 1979, alors âgé de 14 il avait agressé une jeune femme à vélo et en avril 1985 il avait tenté d'étrangler une automobiliste, a détaillé le vice procureur de Grenoble, Boris Duffau, selon les informations du Parisien. "Il avait des pulsions. La justice aurait dû plus se focaliser sur cet homme qui était dangereux.", a ajouté Silvanna, la jeune sœur de la victime qui s'interroge sur l'existence de potentielles autres victimes.
Le meurtrier présumé a uniquement était entendu sur l'affaire Bonfanti mais après ses aveux et compte tenu de son passé judiciaire, il pourrait être interrogé sur d'autre cold case qui attendent encore d'être élucidés. France Bleu a énuméré plusieurs affaires concernant la disparition ou la mort par strangulation de jeunes femmes autour de Pontcharra et toujours sans réponse : la découverte du corps de Liliane Chevènement, étranglée avec du fil de fer, en 1981 ; la disparition en 1984 de deux auto-stoppeuses belges à 20 kilomètres de Pontcharra et celle en 1985 de l'auto-stoppeuse Marie-Ange Billoud à la sortie de Pontcharra. Philippe Folletet, un ancien commissaire de police et membre de l'Association de recherche des personnes disparues (ARDP) a dit au Parisien être "convaincu qu'Yves Chatain est peut-être un tueur en série".