Affaire Pélicot : les accusés peuvent être acquittés si un point juridique est retenu

Affaire Pélicot : les accusés peuvent être acquittés si un point juridique est retenu Dominique Pélicot a fait son retour au procès des viols de Mazan mardi 17 septembre. Ses déclarations mettent à mal celles de ses co-accusés, alors que leurs avocats tentent de jouer sur un point juridique bien particulier.

Ce mardi 17 septembre a été marqué par le retour de Dominique Pélicot au procès. Celui qui est jugé pour avoir drogué et violé sa femme pendant une dizaine d'années, ainsi que l'avoir livrée à des inconnus, est désormais en état de comparaitre, après plusieurs jours d'absence dus à la maladie. Certaines conditions d'adaptation ont été mises en place pour la bonne tenue de l'audience, avec notamment des temps de repos régulier. 

Les avocats de Gisèle Pélicot jugeaient primordial que le principal accusé soit présent, en plus des 50 autres concernés par le procès, puisque c'est lui qui est suspecté d'avoir tout orchestré. Cette semaine, la cour criminelle du Vaucluse devrait également reprendre l'audition de quatre premiers co-accusés, débutée la semaine dernière. 

"Je suis un violeur, comme tous ceux qui sont dans cette salle. Ils ne peuvent pas dire le contraire", a rapidement déclaré Dominique Pélicot à leur sujet, lors de son retour ce mardi. Des déclarations qui pénalisent considérablement la défense des co-accusés, qui maintient depuis le début que ces derniers n'avaient pas l'intention de violer Gisèle Pélicot. Les avocats assurent qu'ils ne savaient pas qu'elle était droguée et pensaient plutôt participer à un jeu libertin. Ils soutiennent que leurs clients ont été manipulés par le mari de la victime. Les affirmations de Dominique Pélicot changent la donne pour la défense des co-accusés.

Un argument mis à mal par la version de Dominique Pélicot

Le viol est défini à l'article 222-23 du code pénal comme "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise". Dans cette affaire, le moyen du viol est la surprise puisque l'épouse Pélicot était en incapacité de consentir. Le viol est un crime, or, selon l'article 121-3 du code pénal, tout crime suppose intention.

La défense met en avant un argument répété durant les audiences : les accusés ne peuvent pas être des violeurs s'ils ne savaient pas que la victime était contre les actes sexuels. Il n'y aurait pas de viol si les mis en cause ne pensaient pas commettre un viol. Cet argument est-il recevable ? Dans le droit français : "l'intention de viol" existe s'il y a conscience d'imposer à la victime des rapports non consentis. En cas de "méprise" de l'auteur, il n'y a pas intention.

Donc dans cette affaire, si l'accusé a légitimement cru participer à un jeu libertin consenti par l'épouse, l'intention de violer n'est plus fondée. Le crime ne serait alors pas constitué car l'auteur n'aurait pas eu conscience d'avoir imposer un rapport sexuel à la victime. Comme l'analyse le Club des juristes, "c'est là qu'apparaît un paradoxe aux yeux du non pénaliste : un rapport sexuel imposé n'est pas nécessairement un viol car si l'auteur n'a pas conscience de forcer le consentement, l'infraction n'est pas constituée. C'est bien du point de vue de l'auteur des faits que la caractérisation de l'infraction doit être opérée, et non du point de vue de la victime".

Si ce point juridique existe et que les avocats de la défense s'en servent, il est peu probable que les juges le retiennent. La jurisprudence va dans le sens d'une grande fermeté à l'égard des cas similaires. Le Club des juristes rappelle que "l'erreur de fait ne saurait être admise trop facilement. L'auteur aurait sinon beau jeu d'invoquer sa propre bêtise ou sa négligence grossière. De non vigilantibus non curat praetor a-t-on coutume de dire en droit civil : le droit ne protège pas les imbéciles".

Les juges vont surtout s'appuyer sur des éléments factuels pour définir si les accusés avaient conscience d'imposer un rapport sexuel à Gisèle Pélicot. Les faits déjà dévoilés mettent en difficultés les arguments des accusés. Dominique Pélicot, qui a admis avoir organisé les viols, indique très clairement que les hommes qu'il a fait venir sont aussi des "violeurs" et donc qu'ils étaient conscients que son épouse n'était pas consentente. Par ailleurs, sur les vidéos visionnées par les juges, la victime est profondément endormie. Les hommes recevaient aussi des consignes pour leur venue telles que celle d'attendre dans leur voiture le temps que l'épouse de Dominique Pélicot s'endorme ou de ne pas se parfumer ni fumer pour ne pas laisser de traces de leur passage.