"Pour moi, elle était d'accord" : l'affaire Pélicot questionne l'intégration du consentement dans la définition du viol
Après s'être penchée sur Dominique Pélicot, qui droguait sa femme pour la livrer à des inconnus, la cour criminelle du Vaucluse s'attarde sur les 50 co-accusés qui comparaissent pour "viols aggravés". Cette semaine, six hommes sont passés à la barre. Pour chacun, la question du consentement de Gisèle Pélicot a été au cœur de l'interrogatoire. Ils se sont tous vus poser une question à peu près similaire par le président de la cour, Roger Arata : "Est-ce que, selon vous, Gisèle Pelicot était en mesure de donner son consentement ?" La réponse a souvent été "Non".
L'un des accusés, Husamettin D., qui depuis son arrestation niait les faits, a fini par admettre sa culpabilité ce mercredi : "Le consentement, je l'ai pris de son mari. Et jamais j'ai pensé qu'un type pouvait faire ça à sa femme (...) Maintenant oui, je reconnais que c'est un viol", a rapporté France Bleu. Tout comme Mathieu D., qui a assuré avoir "pris conscience en garde à vue" de l'absence de consentement de Gisèle Pélicot.
Fabien S. a pour sa part admis que "dans l'excitation", il "n'a pas fait attention" au fait que la victime ne se réveillait pas. "Les plans où la femme dort, ça ne m'intéresse pas du tout. (...) J'étais dans l'ambiance, je n'ai pas pensé qu'elle était droguée. J'ai cru qu'elle était complice", s'est-il alors justifié. De même, pour Joan K., qui a avoué ne pas "une seule fois" s'être posé la question de l'accord de la victime. Il fait aussi partie de ceux qui affirment qu'ils ne connaissaient pas jusqu'alors la notion de consentement, indique France Info. Pour Andy R., qui a constaté que la femme "ronflait", la "permission" du mari lui a suffi à ne pas rebrousser chemin. "Pour moi, elle était d'accord", a-t-il ajouté.
Un procès qui relance le débat sur la redéfinition du viol
Permission du mari, absence de connaissance sur le consentement, manque d'attention... Tous les co-accusés ont tenté de se justifier. S'ils admettent qu'il n'y a pas eu de consentement de la victime, ils maintiennent l'argument de la défense, selon lequel ils n'avaient pas "l'intention" de violer. Ils assurent qu'ils pensaient se rendre chez les Pélicot pour un jeu échangiste. Dominique Pélicot, principal accusé, a, au contraire, affirmé qu'ils étaient tous bien au courant de l'état de sa femme lors des actes sexuels.
Cependant, le consentement ne rentre aujourd'hui pas dans la définition du viol précisée à l'article 222-23 du code pénal comme "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise". Le viol est un crime, or, selon l'article 121-3 du code pénal, tout crime suppose intention. C'est cet argument qu'avait notamment l'avocat de la défense Me de Palma, assurant que "il y a viol et viol", une déclaration qui avait été largement pointée du doigt. "A partir du moment où, effectivement, il y a une intention coupable, à partir du moment où on arrive à apporter la preuve du fait que la personne qui a commis les actes avait conscience de commettre des actes de viol, il y a viol. Sinon, il n'y a pas viol", avait-il expliqué pour clarifier sa position. Cette situation a ainsi relancé le débat sur la redéfinition du viol, avec notamment l'intégration de la question du consentement.
Didier Migaud, nouveau ministre de la Justice, a, en effet, déclaré sur France Inter ce vendredi 27 septembre qu'il était favorable à faire évoluer la définition du viol dans le droit français notamment pour y intégrer la notion de consentement. En mars dernier, Emmanuel Macron avait tenu le même discours et souhaitait une proposition de texte "d'ici la fin de l'année", une initiative perturbée par la dissolution de l'Assemblée nationale en juin dernier. Certains pays comme la Suède ont déjà franchi le pas, le viol y étant désormais défini comme tout acte sexuel sans accord explicite, même en l'absence de menace ou de violence. Le procès Mazan permettra-t-il d'en arriver au même stade en France ?