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Notre-Dame-des-Landes : les grandes lignes du projet

L'Aéroport du Grand-Ouest (AGO), plus connu sous le nom d'aéroport "Notre-Dame-des-Landes", doit être exploité à partir de 2017. Il comprendra deux pistes de 2900 et 2750 mètres ainsi que des installations pouvant accueillir, à terme, 9 millions de passagers (en 2065). Une deux fois deux voies de 12 km depuis la RN 165 (Nantes-Saint-Nazaire/Vannes) et la RN 137 (Nantes-Rennes) doit également être implantée. Au total, ce sont 1650 hectares qui seront ainsi exploités dans le bocage nantais, dont 350 hectares pour les réseaux de transports (route, tram-train et enfin LGV Nantes-Rennes/Bretagne-Sud prévue en 2025).

Le coût de l'aéroport a été fixé à 556 millions d'euros HT dont 450 pour la réalisation de l'aéroport lui-même. Un concessionnaire, Vinci, a été choisi par les pouvoirs publics en 2010 pour construire l'infrastructure. Il financera 310,5 millions d'euros, remboursés par l'exploitation de l'aéroport pendant 55 ans. L'État versera 125,5 millions d'euros et les collectivités 115,5 millions d'euros. Un coût remis en question par les opposants au projet qui le jugent sous-estimé. Car les tensions sont nombreuses au sujet de l'aéroport.

Pro et anti-Notre-Dame-des-Landes : les arguments

L'évolution du trafic et la taille de l'aéroport. La nécessité même de l'aéroport est en cause. D'un côté, on estime qu'avec une croissance du trafic passager de +14,3 % en 2010, le cap des 3 millions de passagers a été dépassé. Un cap qui s'inscrit dans une croissance de +5,5 % du trafic passager en 20 ans. Avec le développement démographique de la Bretagne et des Pays-de-la-Loire, les concepteurs du projet estiment que le cap des 4 millions de passagers par an pourrait être atteint dès 2015. Or l'aéroport de Nantes-Atlantique serait trop petit pour accueillir un tel trafic.

Pour les opposants, ces prévisions sont soumises à caution. "Le nombre de mouvements (décollages et atterrissages) n'a quasiment pas augmenté depuis les années 2000", écrivent des militants sur un des principaux sites d'opposition au projet. Avec des avions mieux remplis et une meilleure logistique, on peut en effet transporter plus de monde sans pour autant augmenter le trafic. Selon eux, il ne peut pas être question de saturation de la piste unique de l'actuel aéroport puisque d'autres infrastructures, dotées elles-aussi d'une seule piste, enregistrent de meilleures performances. De plus, la superficie actuelle de l'aéroport permettrait selon eux de l'agrandir à moindre frais. Enfin, le projet ne tient pas compte de la rénovation d'Orly qui devrait attirer du trafic vers la région parisienne et il fait aussi l'impasse sur les autres aéroports de l'Ouest.

La modernité de l'aéroport. L'aéroport Notre-Dame-des-Landes est présenté comme un outil plus performant et plus moderne que l'existant. Avec deux pistes parallèles en mode spécialisé (une pour les décollages, une pour les atterrissages), elle devrait permettre d'accueillir plus d'avions de plus gros calibres. L'aéroport actuel ne permet pas en effet de faire des vols longs courriers qui nécessitent souvent un détour par Paris. L'A380, le Super Jumbo d'Airbus, ne peut y atterrir. A Notre-Dame-des-Landes, l'aéroport devrait selon ses concepteurs être au contraire adaptable en fonction des évolutions de la réglementation mais aussi de la taille des avions.

Selon les détracteurs de l'aéroport, les pistes du nouvel aéroport ne seraient pas plus longues que celle qui existe aujourd'hui à Nantes-Atlantique. Outre les nombreux aménagements possibles dans le nouvel aéroport pour réorienter la piste ou l'élargir pour recevoir de plus gros appareils, on souligne aussi que les extensions promises du futur aéroport seront plus contraignantes et plus coûteuses qu'annoncées.

La connexion aux réseaux de transports. Les défenseurs ne Notre-Dame-des-Landes soulignent que ce nouvel équipement sera conçu pour "simplifier et favoriser la connexion aux futures dessertes de transports collectifs, notamment ferroviaires". L'aéroport devrait donc faciliter les liaisons entre les grandes villes du grand Ouest. On promet de nouvelles routes, un tram-train et même le passage d'une ligne à grande vitesse d'ici 2025.

Autant d'arguments battus en brèche par les opposants qui estiment qu'avec l'aéroport actuel, plus proche de Nantes, "de véritables transports collectifs peuvent être mis en place". Selon eux, peu d'installations sont bel et bien prévues dans la première tranche des travaux, seuls un service de car et 7500 places de parkings permettront l'accès à l'aéroport à son ouverture. Une manne pour Vinci qui y engrange de belles recettes. Pour le reste, l'ardoise retombera sur les collectivités qui n'auront peut-être pas les reins assez solides pour financer un barreau ferroviaire. Enfin les opposants jugent très prématuré de parler de la création d'une nouvelle LGV entre Rennes, Nantes et l'aéroport compte tenu des finances publiques. L'aéroport ne prendrait pas non plus en compte la nouvelle LGV Rennes-Paris en cours de construction.

L'espace économique libéré. Très proche de Nantes, l'actuel aéroport Nantes-Atlantique priverait la métropole d'une zone commerciale ou industrielle aux portes de la ville. En démantelant l'actuel aéroport, ce sont 610hectares qui seraient libérés au sud de Nantes pour le développement économique.

Or selon les opposants, il reste des chances que Nantes-Atlantique continue à être exploité, même après l'ouverture de Notre-Dame-des-Landes. L'aéroport actuel serait aussi vital pour l'usine Airbus toute proche qui a besoin de la piste pour son industrie. Conserver un aéroport sur place permettrait "de ne pas transférer les 1850 emplois liés à l'aéroport et occupés très majoritairement par des habitants du Sud-Loire".

La sécurité. L'actuel aéroport de Nantes-Atlantique serait trop près de la ville pour assurer des conditions de sécurité optimales. Il oblige en effet les pilotes à contourner Nantes juste avant de se poser, le survol des centres-villes étant très restreint. Ce contournement si proche de l'aéroport les empêche d'arriver face à la piste, ce qui ne pose pas de problème majeur, mais peut être facteur de risque. Le survol de zones urbaines, même périphériques, est en outre un risque majeur. Notre-Dame-des-Landes optimisera ces conditions de sécurité en évitant tout survol de bourg au décollage ou à l'atterrissage. Avec des pistes parfaitement orientées (est-ouest) par rapport aux vents dominants, il permettra des atterrissages plus faciles, voire en tout automatique. De plus, la proximité de l'aéroport actuel avec le lac de Grand Lieu multiplierait le risque aviaire, c'est-à-dire les risques d'accidents après une collision avec un volatile. Enfin, les nouvelles technologies de NDDL permettront son adaptation aux critères de sécurité internationaux.

Les opposants rappellent que l'actuel aéroport de Nantes-Atlantique n'est pas classé dangereux par la Direction Générale de l'Aviation Civile et ses services (SNA). Selon eux, une optimisation de l'existant est, une fois encore, possible et nettement moins onéreuse économiquement et écologiquement si l'on veut optimiser la sécurité du lieu.

EN VIDEO- En mai 2013, une chaîne humaine géante a encerclé sur 25 km le site du futur aéroport à Notre-Dame-des-Landes.

"Une chaîne humaine contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes"

Les nuisances pour les riverains. Selon les chiffres d'Aéroports Grand Ouest, 10 000 avions survoleraient chaque année le centre-ville de Nantes à moins de 500 m d'altitude. La commune de Saint-Aignan-Grand-Lieu, située en bout de piste, serait particulièrement touchée par les nuisances liées au bruit et au gaz brulé. Mais plus globalement, 42 000 personnes seraient actuellement exposées aux nuisances sonores aéronautiques de Nantes Atlantique. Un chiffre qui pourrait passer à 60 000 en 2020. En évitant le survol de zones urbaines denses, le futur aéroport permettrait de réduire ce nombre à 900 dans l'immédiat et 2700 en 2050.

Pour les opposants, la modernisation des appareils et les nouvelles procédures d'approche en continu peuvent réduire l'impact sonore pour les populations survolées.

La consommation de carburants. Avec ses deux pistes spécialisées et parfaitement orientées, l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes permettrait de considérables économies de carburant et notamment de kérosène. Il réduirait les émissions de gaz à effet de serre mais aussi le bruit. L'implantation des pistes par rapport à l'aérogare permettraient en effet de réduire "le temps de roulage" des avions et de favoriser leur stationnement selon ses défenseurs. D'ici 2020, c'est une réduction de 50 % de consommation de carburant qui est annoncée. Et cela sans compter les économies d'énergie réalisés par les bâtiments eux-mêmes. Chantier de "haute qualité environnementale (HQE)", "équipements de haute performance énergétique", "normes BBC" sont des termes souvent utilisés pour affirmer que l'aéroport sera composé de bâtiments basse consommation et d'installations à énergie positive (grâce à des cellules photovoltaïques en toiture, à une chaufferie au bois, etc.). La consommation énergétique par passager devrait être divisée par trois par rapport à l'aéroport actuel Nantes-Atlantique.

Cet argument rejoint celui de la pertinence même de l'installation selon ses détracteurs. Une rénovation simple de Nantes-Atlantique permettrait elle aussi de réduire les temps de roulage et donc la consommation de carburants. De plus, en construisant un aéroport géant, c'est au contraire à un "appel d'air" que l'on s'expose selon eux et donc, à terme, à une explosion de la consommation de kérosène et donc des émissions de gaz à effet de serre.

L'emprise et l'impact écologique. Malgré une emprise de plus de 1600 hectares, l'aéroport Notre-Dame-des-Landes promet une intégration optimale dans le paysage. Les plans prévoient un "regroupement et une réduction au maximum des surfaces bâties". L'aérogare elle-même se veut extrêmement compacte, les aires de stationnement sont "pensées, dessinées et dimensionnées pour respecter et refléter le paysage du bocage". Un quart de la concession sera réservée à des zones écologiques, 10 % du montant des travaux seront dédiés à une "coupure verte de 19 000 hectares" entre Nantes et l'aéroport. Le projet comprend un plan de gestion agri-environnemental concerté de 41 millions d'euros.

C'est le principal point de tension : le site choisi pour implanter le nouvel aéroport, composé à 98 % de zones humides, est considéré comme un "formidable réservoir de biodiversité et un véritable château d'eau" par les opposants. La zone est située à la tête de deux bassins versants. Elle joue donc un rôle d'éponge, de réserve et d'épuration des eaux et régule ainsi le régime des eaux de la région. S'il y a 40 ans, l'intérêt des zones humides était méconnu, il est aujourd'hui reconnu par des directives européennes et par la loi française sur l'eau qui auraient dû bloquer le projet. Les dégâts environnementaux de l'aéroport seraient donc impossibles à compenser. Outre le rôle qu'elle joue pour la qualité de l'eau, la zone est aussi un réservoir de biodiversité avec un "écosystème de grande qualité". Construit en plein bocage nantais, le projet est également coûteux en terres et en emplois agricoles. La zone comptait 193 propriétaires fonciers et 55 maisons.

Le calendrier menacé

Depuis un décret d'utilité publique publié en février 2008, le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes a pris une tournure clairement polémique. Après des années d'opposition (le projet étant évoqué depuis les années 1970), une trentaine de dossiers ont été portés devant la justice par des opposants, principalement pour des litiges portant sur l'expropriation des terrains destinés au projet et les indemnités prévues. Plusieurs mobilisations sous différentes formes se sont accumulées et une longue occupation du site a également défrayé la chronique entre 2012 et 2013, obligeant les forces de l'ordre à mener une opération d'expulsion qui va choquer une partie de l'opinion. Le gouvernement sera vite contraint de se saisir du dossier et de temporiser, Jean-Marc Ayrault, ancien député-maire de Nantes, étant clairement positionné comme partie prenante du projet.

En avril 2013, plusieurs rapports étaient remis au gouvernement et au préfet de la région Pays-de-la-Loire, demandant des aménagements du projet initial. Nouvelle évaluation des coûts de réaménagement de Nantes Atlantique, réduction de l'emprise du futur aéroport, justifications économiques, révision du calcul de compensation des zones humides, réévaluation des conséquences sur l'agriculture, avec la disparition d'exploitations (etc.) seront autant de points à revoir qui vont repousser le début des travaux. Ceux-ci doivent commencer en 2014, mais il faudra probablement attendre les municipales voire les européennes pour donner les premiers coups de pelleteuse. Le retard accumulé en 2013 serait déjà évalué à 50 millions d'euros de surcoût. Chez les opposants on est persuadé qu'un nouveau report voire une annulation pure et simple est encore possible.

EN VIDEO- En septembre 2013, le député écologiste Noël Mamère estimait encore qu'il n'était "pas trop tard" pour "annuler" Notre-Dame-des-Landes.

"Noël Mamère : "Pas trop tard pour annuler Notre-Dame-Des-Landes""