Pape François : Bergoglio ne fera pas de miracle
Les nouvelles révélations sur la gestion des comptes du Vatican, publiées dans deux livres à paraître le 5 novembre, ébranle l'Eglise catholique. Les ouvrages, intitulés "Avarice" - écrit pas Emiliano Fittipaldi - et "Via crucis" ("Chemin de croix") - écrit pas Gianluigi Nuzzi -, rapportent de nombreux faits pas très glorieux pour le Saint-Siège. A commencer par le détournement de dons reçus par l'Eglise pour les pauvres, par des cardinaux, pour les usages de la Curie. Au total, 400 millions d'euros destinés aux oeuvres de bienfaisance auraient fini dans les caisses de prélats pour financer leur train de vie.
Dans "Chemin de Croix", que Le Monde s'est procuré pour en publier de longs extraits, on découvre à la fin la gabegie de la Curie, mais aussi le combat, sincère, mené par le pape François pour mettre un terme aux nombreux abus de l'administration vaticane. En vain. Le journaliste Gianluigi Nuzzi décrit un vaste système de gestion financière rendu opaque par des décennies de petits arrangements entre prélats permettant de faire usage du gigantesque patrimoine immobilier du Vatican sans véritable contrôle. "Chemin de Croix" démontre par exemple que les efforts fournis pour connaître l'étendue du parc immobilier ou consulter l'ensemble de la comptabilité de l'administration se confrontent à des obstacles considérables, renforcés par la corruption.
Une volonté réformatrice terriblement vaine
Dès son accession à la plus haute responsabilité de l'Eglise, le pape avait averti l'Etat du Vatican et l'ensemble des prélats que la réforme de la Curie serait sa priorité. Jorge Bergoglio n'a pas beaucoup attendu pour engager des réformes avec comme soutien un conseil de neuf cardinaux et la création d'un secrétariat à l'économie, ou encore d'instances nouvelles, mises en place pour superviser l'ensemble des dépenses et des flux financiers du petit Etat. Sans résultat.
Interrogé par Le Monde, Gianluigi Nuzzi donne des éléments d'explication à ce sentiment d'impuissance général : "Il y a l’inertie et la médiocrité managériale de la Curie, comme le démontrent les embauches injustifiées, le déficit du système de retraite ou encore le fait qu’il n’existe pas d’inventaire des propriétés immobilières du Saint-Siège". Et de mettre en cause le manque de contre-pouvoirs et de garde-fous financiers dans un "Etat composé de multiples intérêts croisés, de chantages permanents". "Personne ne contrôle personne, ce qui permet aux marchands de vivre heureux dans le temple", explique le journaliste. A croire que, même avec toute la meilleure volonté du monde, toute velléité réformatrice est vouée à l'échec tant que la Curie refusera une remise en cause des ses privilèges. "Dans une certaine mesure, le pape François lui-même est vu comme un intrus. Il est plus facile pour lui de réconcilier les Etats-Unis et Cuba que de réformer le plus petit Etat du monde", estime Gianluigi Nuzzi.
Crédit vignette : Alessandra Tarantino/AP/SIPA