Manifestations en Chine : un retour au calme après des mobilisations inédites ?

Manifestations en Chine : un retour au calme après des mobilisations inédites ? Les grandes villes chinoises ont été secouées les 26 et 27 novembre par des manifestations contre les restrictions sanitaires de la stratégie zéro Covid. Depuis les renforts policiers contiennent et empêchent toutes nouvelles mobilisations.

La Chine a fait face à des manifestations d'une ampleur inédite les 26 et 27 novembre 2022. Jamais autant de citoyens chinois ne s'étaient mobilisés depuis les événements de la place Tian'anmen en 1989, pourtant le nombre de manifestants n'était en rien comparable. Ils étaient toutefois plusieurs centaines à battre le pavé dans les rues de dizaines de grandes villes chinoises dont Pékin et Shanghai. Une mobilisation pour dénoncer les restrictions sanitaires jugées trop liberticides de la stratégie zéro Covid, les confinements ponctuels et ultra localisés en tête. Depuis l'année 2020 et le début de la pandémie de Covid-19, la Chine subit les décisions du gouvernement de Xi Jinping et des quarantaines décrétées à la moindre suspicion concernant un foyer épidémique. Un incendie mortel qui s'est déclaré dans un immeuble confiné de Urumqi, le jeudi 24 novembre, a été la goutte de trop et l'élément déclencheur des manifestations.

Les mobilisations ont duré tout un week-end avant d'être maîtrisées puis empêchées par les autorités chinoises. Depuis la soirée du dimanche 27 novembre, les forces de police bénéficient de renfort pour contrer toute tentative de nouvelle mobilisation populaire. Les efforts du Parti communiste chinois qui soutient qu'il faut "réprimer résolument, conformément à la loi, les actions criminelles visant à briser l'ordre social et protéger avec détermination la stabilité sociale" ont porté leurs fruits. Pas une once de révolte n'a été observée à Pékin ou Shanghai et seules quelques manifestations pacifiques réunissant des dizaines de personnes ont eu lieu par endroit comme à Hong Kong, en soutien des manifestants chinois. Mais le mouvement contestataire est resté minoritaire dans le géant asiatique et les revendications ont à peine été entendues.

Les manifestations chinois réclamaient la fin de la stratégie zéro Covid et des restrictions trop sévères encore en vigueur trois ans après le début de l'épidémie. Dans les foules, certains individus ont scandé des slogans appelant à la démission du président chinois Xi Jinping mais là n'était pas les réelles motivations de la majorité. Quand bien même, le gouvernement n'a accepté à aucune revendication, pour des raisons à la fois sanitaires et politiques. Il s'est contenté de prononcer ou de garantir l'allègement des restrictions en espérant apaiser la colère et éteindre les braises du mouvement de l'intérieur.

Quelques manifestations localisées en Chine

Dans les rues chinoises, la vie semble avoir retrouvé son calme depuis l'envoie de renforts auprès des troupes de policiers. Une exception a été observée à Canton, dans la sud du pays. Dans la nuit du mardi au mercredi 30 novembre 2022, des heurts ont éclaté entre des manifestants toujours motivés par l'abandon de la stratégie zéro Covid et les autorités. Face à la petite manifestation les forces de l'ordre, vêtues de combinaisons blanche et de bouclier anti-émeute transparents, ont eu une réponse répressive. Les images d'un correspondant de RFI en Chine, Stéphane Lagarde, montrent aussi les lancées de projectiles des manifestants en direction des policiers et le renversement de plusieurs barricades de confinement.

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L'incendie d'un immeuble à l'origine des manifestations

Un immeuble qui s'embrase, au moins dix personnes qui meurent dans l'incendie et des réactions en chaîne désignant les restrictions liées au Covid-19 coupables de ce lourd bilan humain. En Chine, le point de départ de la contestation qui a frappé le pays durant le week-end du 26 et 27 novembre est lié aux règles censées limiter la propagation du coronavirus jugées trop strictes par des habitants et ayant, selon ces derniers, ralenti l'intervention des secours lorsque le feu s'est déclaré dans le bâtiment à Urumqi. Lors de tout confinement localisé prévu par la stratégie zéro Covid, les routes sont entravées par des obstacles et l'accès à certains immeubles est même bloqué pour empêcher la population de se soustraire à la quarantaine. Alors que ces entraves sont bien en partie responsables de l'arrivée très tardive des secours, c'en est désormais trop pour une partie des Chinois, soumis à un régime strict depuis 2020. De quoi déclencher une vague de contestations.

Des manifestations inédites et des signes de protestations

En Chine, les manifestations sont rares et celles de fin novembre ont pris une ampleur inédite depuis celles de Tian'anmen -qui s'étaient terminées dans un bain de sang avec plusieurs milliers de morts et une répression menée par l'armée- sans pour autant les égaler, loin de là. Avec plusieurs centaines de personnes dans les rues d'un trentaine de grandes villes chinoises et des étudiants mobilisés dans plusieurs dizaines d'universités, les mobilisations ne sont pas passées inaperçues. Mais en Chine pas de banderoles pour porter les revendications, de simples slogans pour exiger plus de libertés. "Nous voulons la liberté, la démocratie, la liberté d'expression de la presse", ont lancé certains dans une rue principale de Shanghai, comme l'a constaté le correspondant sur place de France 24. "Nous n'avons pas besoin de tests Covid, nous avons besoin de liberté" ont réclamé d'autres du côté de Pékin. D'autres chants ont aussi résonné dans les cortèges, scandés par une minorité, pour demander la démission du président Xi Jinping. D'autres symboles ont été utilisés pour défendre d'autres causes : des feuilles blanches brandies par des étudiants, pour l'immense majorité. Un geste censé dénoncer la censure opérée par le gouvernement chinois.

Un mouvement minoritaire

Comparer les manifestations chinoises de fin novembre 2022 à celles de 1989 est une erreur. Ne serait-ce que par la différence d'ampleur entre les deux mobilisations. Les mouvements contestataires du 26 et 27 novembre étaient loin de concerner une majorité de Chinois, en partie à cause de la censure sur les réseaux sociaux qui complique la circulation des images des manifestations. En plus d'être minoritaires, les manifestations en Chine étaient sporadiques et non généralisées selon Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste de la Chine, interrogé par TV5 Monde : "Le mécontentement est fortement lié à l'absence de perspectives dans les zones [soumises aux confinements], mais lorsque les courbes s'inversent, il y a, de fait, moins de contestations car les gens se disent que c'est bientôt fini".

L'ampleur du mouvement contestataire a aussi été limitée par la censure. Car avec le peu d'images de l'actualité internationale diffusée en Chine sans un premier contrôle du gouvernement, de nombreux Chinois pensent que le monde entier vit encore au rythme du Covid-19 et des confinement. Ce sont quelques personnes ayant eu accès aux images de la Coupe du monde 2022 réunissant des milliers de personnes sans maque qui ont pris conscience du retard du géant asiatique face au virus.