Bangladesh : pourquoi le pays s'est soulevé contre sa Première ministre ?

Bangladesh : pourquoi le pays s'est soulevé contre sa Première ministre ? Les manifestations ont commencé au début du mois de juillet au Bangladesh. Initialement pacifiques, elles se sont envenimées après que les affrontements avec les forces de l'ordre ont fait des morts. La Première ministre a démissionné.

Que se passe-t-il au Bangladesh ? Ce petit pays d'Asie du Sud fait parler de lui depuis plusieurs jours à cause de manifestations violentes et meurtrières. Tout commence au début du mois de juillet. Des étudiants et des jeunes diplômés demandaient la fin du système de recrutement dans les emplois publics, qui sont une garantie d'emplois stables. En effet, au Bangladesh, le système réserve 30 % de ces emplois aux enfants des "combattants de la liberté" [ceux qui ont participé à la guerre de libération du Bangladesh contre le Pakistan en 1971, NDLR]. Or, selon les chiffres du gouvernement, 18 millions de jeunes sont sans emploi. De plus, les protestataires estiment qu'il s'agit d'une manœuvre pour favoriser les loyalistes de la Ligue Awami, le parti au pouvoir, rapporte franceinfo.

Les contestations contre ce système ne sont pas nouvelles. Il avait partiellement été aboli en 2018, mais a fini par être restauré au mois de juin de cette année par la justice. Cette décision est le point de départ des manifestations, qui se voulaient initialement pacifiques. Ce mouvement étudiant avait conduit la Cour suprême du Bangladesh à suspendre temporairement la plupart des quotas, mais cette décision s'est révélée insuffisante pour les étudiants qui demandent l'abrogation totale du texte.

Les premiers morts et l'embrasement

Tout a basculé le 16 juillet, lorsque des personnes sont mortes pendant les manifestations. Cela a provoqué la colère des étudiants, qui ont alors réclamé la démission de la Première ministre, Sheikh Hasina, 76 ans. Un couvre-feu a d'ailleurs été instauré à partir du 19 juillet.

La crise sociale est alors devenue une crise politique, avec des actes de plus en plus violents commis tant par les manifestants que par les forces de l'ordre. Selon le ministre bangladais de l'Intérieur, il y a eu des incendies de bâtiments publics, de postes de police et du siège de la télévision publique. Le réseau ferroviaire de Dacca, la capitale, serait inexploitable. Ces actions ont conduit la Première ministre à accuser, dimanche 4 août, les manifestants d'être "des terroristes qui cherchent à déstabiliser la nation", rapporte la BBC.

La répression par tous les moyens

Du côté des forces de l'ordre, les affrontements avec les manifestants ont été particulièrement violents. L'armée a même été déployée le 19 juillet, et la police tirait à balles réelles sur les manifestants, ceux-ci étant armés de bâtons et de couteaux. Mardi 6 août, le bilan était de 409 morts en un mois, parmi lesquels il y a des manifestants et des policiers, selon un bilan de l'AFP.

Afin de limiter les communications, le gouvernement a d'abord restreint l'accès à internet à la mi-juillet. Il a ensuite été totalement coupé le 5 août. Les lieux d'étude, où se retrouvent les étudiants à l'origine du mouvement, ont également été fermés "jusqu'à nouvel ordre", a annoncé le 16 juillet le ministère de l'Éducation.

La communauté internationale appelle au calme

Face à la répression violente à l'encontre des manifestants, la communauté internationale a réagi. Tout d'abord, l'ONG Amnesty International a dénoncé, mi-juillet, un usage "illégal" de la force "à l'encontre d'étudiants qui manifestent". Dimanche 4 août, c'est l'ONU qui s'est exprimée, condamnant "la violence choquante au Bangladesh". Dans un communiqué, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a déclaré : "Le gouvernement doit cesser de cibler ceux qui participent pacifiquement au mouvement de protestation, libérer immédiatement les personnes détenues arbitrairement [plusieurs centaines de membres de l'opposition ont été arrêtés, NDLR], rétablir l'accès complet à internet et créer les conditions d'un dialogue constructif."

La bascule du 5 août

Le 4 août, Asif Mahmud, un des leaders du collectif "Students Against Discrimination", à l'origine de la contestation, avait appelé à la désobéissance civile, qui consistait notamment à ne plus payer d'impôts ou de factures liées aux services publics.

Ces différents événements ont mené à la fuite en hélicoptère de la Première ministre de son palais. En effet, les manifestants antigouvernementaux ont réussi à prendre celui-ci d'assaut après un appel à la "manifestation finale" d'Asif Mahmud. Cette journée a été particulièrement meurtrière. La police et les médecins estiment qu'il y a eu 109 morts rien que sur cette journée.

Depuis cela, c'est le chef de l'armée, le général Waker-Uz-Zaman, qui communique avec la population. Dans un message télévisé, il a annoncé la démission de la Première ministre. Une déclaration qui a provoqué la joie et a poussé des millions de Bangladais à célébrer et à faire la fête dans les rues de Dacca, rapporte RFI. Le général a également appelé au calme : "Le pays a beaucoup souffert, l'économie a été touchée, de nombreuses personnes ont été tuées. Il est temps de mettre fin à la violence." Waker-Uz-Zaman a appelé à la création d'un gouvernement intermédiaire et a rencontré, mardi 6 août, les dirigeants du mouvement étudiant pour trouver un nouveau Premier ministre. Le nom de Muhammad Yunus, le prix Nobel de la paix 2006, avait été proposé par le mouvement étudiant. Suite à un accord avec l'armée, l'homme surnommé "le banquier des pauvres" a pris la tête du gouvernement intermédiaire. De plus, plus de 2200 personnes emprisonnées, y compris de farouches opposants au régime, ont été libérés sous caution ou vont l'être.