Hanouna contre Boyard : l'animateur va-t-il payer l'amende de 3,5 millions d'euros ?
[Mis à jour le 10 février 2023 à 16h53] Les conséquences du coup de sang de Cyril Hanouna contre Louis Boyard vont être coûteuses pour la chaîne C8. En novembre dernier, l'animateur vedette de C8 avait insulté le député insoumis Louis Boyard en direct, sur le plateau de l'émission Touche pas à mon poste (TPMP). Il l'avait notamment qualifié de "tocard" et de "merde", allant jusqu'à lancer à l'ancien chroniqueur de l'émission : "Ferme ta gueule !" La séquence avait vite fait le tour des réseaux sociaux et de nombreux téléspectateurs, choqués par les propos de l'animateur, avaient fait des signalements à l'Arcom, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (anciennement connue sous le nom de CSA), qui s'était saisie du dossier.
Finalement, les injures de l'animateur star ont valu à la chaîne C8 d'être condamnée, jeudi 9 février, à une amende record de 3,5 millions d'euros par l'Arcom. C'est donc bien la chaîne qui a été condamnée pour ces propos et qui va donc payer cette amende, et non Cyril Hanouna. Il convient de préciser que cette somme, qui représente 3,65 % du chiffre d'affaires de C8 pour l'année 2021 selon l'Arcom, ne sera pas versée à Louis Boyard. Comme le prévoit la loi, "cette somme sera affectée au Centre national du cinéma et de l'image animée", a précisé le régulateur des médias sur son site Internet.
Pour rappel, lors de l'émission TPMP du 10 novembre 2022, Louis Boyard avait suscité l'ire de Cyril Hanouna lorsqu'il avait prononcé le nom de Vincent Bolloré et tenté de parler des activités du milliardaire en Afrique. Vincent Bolloré est le premier actionnaire de Vivendi, qui est propriétaire du groupe Canal+ auquel appartient C8. "L'Arcom a en effet estimé que ces propos ont porté atteinte aux droits de l'invité, au respect de son honneur et de sa réputation", a indiqué le gendarme de l'audiovisuel dans un communiqué publié jeudi 9 février.
L'autorité a "également considéré que cette séquence traduisait une méconnaissance par l'éditeur de son obligation de maîtrise de son antenne", précise le communiqué. Le régulateur des médias a par ailleurs annoncé avoir mis en demeure C8 de respecter ses obligations légales "relatives à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information". Pour l'Arcom, Louis Boyard "avait été explicitement empêché d'exprimer en plateau un point de vue critique à l'égard d'un actionnaire du groupe Canal+, auquel appartient le service de télévision C8" et, par la suite, "l'émission n'avait pas été réalisée dans des conditions qui garantissent l'indépendance de l'information".
"On prend acte de la décision de l'Arcom et on va se réserver le droit de voir ce qu'on va faire après", a réagi Cyril Hanouna dans son émission, jeudi soir. C'est aussi jeudi soir que le groupe Canal+ a indiqué "déplorer la décision de l'Arcom" dans un communiqué. Une décision qui ne tient, selon l'entreprise, "en rien compte du comportement" de Louis Boyard lors de l'émission. "Le groupe Canal+ mettra en œuvre les voies de recours possibles dans les plus brefs délais", précise l'entreprise dans son communiqué. "Le milliardaire Bolloré a voulu me censurer. On a Touché à Son Poste", a de son côté écrit, jeudi soir sur Twitter, Louis Boyard, en faisant référence au nom de l'émission présentée par l'animateur.
La chaîne C8 condamnée à 3,5 millions deuros damende.
— Louis Boyard (@LouisBoyard) February 9, 2023
Le milliardaire Bolloré a voulu me censurer.
On a Touché à Son Poste. pic.twitter.com/cFvyXCfMz1
C8 déjà condamnée plusieurs fois à cause de Cyril Hanouna
La chaîne C8 a déjà fait l'objet de plusieurs mises en demeure mais aussi de sanctions dans le cadre de faits qui se sont produits dans l'émission TPMP, comme le rappelle Radio France. Avant cette nouvelle amende, C8 avait été mise en demeure le 18 novembre 2022 par l'Arcom, en raison des propos tenus par Cyril Hanouna sur l'affaire Lola.
Dans son émission TPMP du 18 octobre 2022, l'animateur star de C8 avait en effet appelé plusieurs fois à des procès expéditifs en ce qui concerne les affaires de meurtres de mineurs. "Ces séquences, par leur caractère répétitif, traduisent un manquement de l'éditeur à l'obligation de traiter avec mesure une affaire judiciaire en cours", avait estimé le régulateur des médias. C8 a aussi été mise en demeure par le régulateur des médias pour des faits de publicité clandestine à deux reprises, en 2019 puis en 2022. Des faits qui s'étaient, dans les deux cas, produits dans l'émission TPMP de Cyril Hanouna.
Surtout, C8 a déjà fait l'objet de condamnations par le CSA, ancêtre de l'Arcom, par le passé. En décembre 2016, une séquence hors antenne avait été diffusée dans TPMP, dans le cadre de la chronique de l'humoriste Jean-Luc Lemoine. Dans cet extrait, Capucine Anav, chroniqueuse de l'émission à l'époque, avait les yeux bandés, et Cyril Hanouna lui faisait toucher des endroits de son corps afin qu'elle devine de quelles parties il s'agissait. La séquence avait dérapé lorsque l'animateur lui avait fait poser la main sur son entrejambe. Le CSA avait alors condamné C8 à suspendre la publicité pour une durée de deux semaines, portant un sérieux coup aux revenus de la chaîne.
En 2017, un canular homophobe orchestré dans une variante de TPMP avait par ailleurs valu à C8 d'être condamnée à une amende de 3 millions d'euros par le CSA. Les faits s'étaient produits dans l'émission TPMP Radio Baba, où Cyril Hanouna faisait notamment des canulars téléphoniques avec ses chroniqueurs. Lors d'un de ces canulars, le but était de piéger des hommes homosexuels par le biais d'une fausse petite annonce postée sur un site de rencontres. Lorsqu'ils appelaient le numéro laissé sur cette petite annonce, ces hommes tombaient en réalité sur Cyril Hanouna en direct dans l'émission. Pensant converser avec un utilisateur lambda de site de rencontres, ils discutaient avec l'animateur, qui n'hésitait pas à faire appel aux pires stéréotypes sur les homosexuels.
"La société C8 a gravement méconnu le principe de respect de la vie privée ainsi que son obligation de lutter contre les discriminations", avait considéré le CSA à l'époque. Comme le rapporte Le Monde, par pur hasard, c'est aussi le jeudi 9 février 2023, date de l'annonce par l'Arcom d'une nouvelle sanction pécuniaire envers C8, que la Cour européenne des droits de l'homme a débouté la chaîne au sujet de recours formulés par C8 sur deux sanctions prononcées par le CSA à son encontre : celle ayant fait suite au canular homophobe ainsi que celle portant sur le jeu malsain auquel Cyril Hanouna s'était livré avec Capucine Anav.