Crise au FN : le Front national est-il un parti néofasciste ?
Pour Olivier Picard, chroniqueur politique au Plus du Nouvel Obs, l'affaire est entendue : le FN présente "toutes les facettes d'un parti néofasciste". Pour s'en convaincre, affirme-t-il dans un édito, il suffit d'observer la crise qui agite actuellement le Front national, et ses conséquences. Il cite notamment en exemple le rassemblement du 1er mai dernier, qui a vu une équipe de Canal+ violentée, une Femen traitée de "négresse", le maréchal Pétain réhabilité, et Christiane Taubira, la ministre de la Justice, comparée à une guenon... Le tout par des militants (très) virulents. Mais les cadres du parti n'étaient pas en reste : l'eurodéputé Bruno Golnish a par exemple frappé à coups de parapluie (!) un cameraman de Canal pour l'empêcher de filmer.
"Tout y était, écrit Olivier Picard, le service d'ordre qui tente de préserver le vernis […], la propagande qui efface, sur les vidéos du site, les épisodes gênants, et les retouches sur les photos de la patronne". Réécrire l'histoire, magnifier le leader, la violence prête à exploser à la moindre étincelle... Des caractéristiques propres aux partis populistes. Olivier Picard évoque ainsi "la violence instinctive d’une organisation soumise à des règlements de comptes familiaux". Situation malsaine, selon lui, dans une grande démocratie. Celle d'un parti "entre les mains d'un clan". Il va même jusqu'à associer la décision de Marine Le Pen de sacrifier son père aux grandes purges staliniennes.
Mais pour Christophe Bouillaud, professeur de sciences politiques à l'IEP de Grenoble, affirmer que la montée du FN correspond à un retour du fascisme constitue une analyse erronée. C'est en tout cas ce qu'il affirme dans un article publié par Atlantico.fr l'an dernier. La victoire mutilée dont se plaignaient les fascistes italiens de 1919-1922, la volonté de conquêtes impériales de la botte dans les années 1930, l'antisémitisme d'Etat dans l'Italie d'après 1938... Autant de faits historiques qui, selon lui, n'ont pas grand-chose à voir avec les problématiques du FN des années 2010. Il écrit également que les conditions historiques en Europe ayant conduit à la montée du fascisme entre 1890 et 1940 n'ont aucun point commun avec la situation actuelle. Notamment parce que le fascisme d'alors était notamment motivé pour contrer un mouvement ouvrier de plus en plus puissant. Le FN entend, lui, venir en aide à ces mêmes ouvriers. Des sans-grade qui sont aujourd'hui déclassés, et qui voient leur au poids politique diminuer progressivement dans une société de moins en moins industrialisée. Le débat, en dehors de toute attache partisane, a donc encore de beaux jours devant lui.