Marine Le Pen, dans l'illégalité, retire la photo de James Foley

Marine Le Pen, dans l'illégalité, retire la photo de James Foley Après la publication par Marine Le Pen de photos de victimes de Daesh, la polémique enfle et une enquête préliminaire a été ouverte. En effet, la diffusion de ces clichés tombe sous le coup de la loi.

[Mis à jour le 17 décembre 2015 à 14h56] Sous le coup de la colère, Marine Le Pen a mis en ligne ce 16 décembre 2015 sur son compte public Twitter trois photos montrant des victimes de Daesh, exécutées, ou en train d'être exécutées. Les clichés sont à la limite du supportable : on y voit un cadavre décapité, un homme brûlé vif, un autre en train de sa faire écraser par un char. Mais la présidente du FN a-t-elle vraiment agi sous le coup de l'émotion (voir ci-dessous) ? D'après Le Parisien, Marine Le Pen aurait pris le temps de consulter l'avocat du FN, Wallerand de Saint Just, avant de tweeter les photos en question. "Il n'y aucune infraction pénale. On ne fait que répondre aux provocations de Bourdin", aurait répondu le conseiller. Ce qu'il a démenti sur Europe 1, ce jeudi. Selon ses dires, "Marine Le Pen ne consulte pas ses avocats avant de répondre politiquement à une accusation aussi ignoble". Il avoue toutefois l'avoir "confortée en lui disant qu'aucune infraction pénale n'était commise".

Wallerand de Saint-Just se trompe. En effet, l'article 227-24 du code pénal dispose que "le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur". De plus, Marine Le Pen aurait également violé l'article 223-33-3 du code pénal, selon Maître Viviane Gelles, avocate spécialiste en droit numérique, interviewée par 20Minutes. Cet article interdit en effet "la diffusion d'images qui représentent des scènes de tortures ou de meurtre". La peine maximale encourue est alors de 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

Par ailleurs, sur le volet civil, Marine Le Pen semble ne pas d'être souciée du droit à l'image, qui, en France, consacre le principe de "respect de la dignité humaine", notamment précisé dans le droit relatif à la vie privée, et plus précisément dans l'article 9 du code civil. On peut également ajouter que l'article 16-1-1 du code civil précise aussi que "le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort". Marine Le Pen va probablement invoquer le fait qu'elle a voulu montrer l'horreur du terrorisme, dans le but d'informer. Sauf que là encore, l'ancienne avocate va devoir revoir ses cours de droit. Lors d'un arrêt rendu en février 2001, la Cour de Cassation a jugé que "la liberté de communication des informations autorise la publication d'images de personnes impliquées dans un événement", précisant : "sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine". Rajoutons que la loi du 30 septembre 1986 relative à la communication audiovisuelle précise que "la communication au public par voie électronique est libre. L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui".

Ouverture d'une enquête préliminaire

Dans l'après-midi de mercredi, le ministre de l'Intérieur a annoncé à l'Assemblée nationale que avoir signalé auprès de la plateforme Pharos de la direction centrale de la police judiciaire les photos tweetées par Marine Le Pen. Berbard Cazeneuve a estimé devant les députés que la diffusion de ces images constituait "une propagande de Daesh" et qu'elles étaient à ce titre "une abjection, une abomination et une véritable insulte pour toutes les victimes du terrorisme, pour toutes celles et tous ceux qui sont tombés sous le feu et la barbarie de Daesh". Suite à son signalement, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Nanterre pour "diffusion d'image violentes" sur la base de l'article 227-24 du code pénal concernant les messages de Marine Le Pen mais également du député Gilbert Collard. Manuel Valls a, lui, réagi sur Twitter dénonçant de "monstrueuses photos" et qualifiant la présidente du FN d'"incendiaire du débat public". Un tweet auquel Marine Le Pen a d'ailleurs répondu : "Vous qui avez lancé une campagne d'injures et de violence inouïe contre le FN, vous osez parler d'incendiaire ?".

Marine Le Pen en colère finit par retirer une photo

La présidente du FN n'a pas supporté que le journaliste Jean-Jacques Bourdin établisse ce mercredi un "parallèle" entre les intentions de Daesh et le Front national. A l'antenne de RMC, le journaliste interrogeait Gilles Kepel, spécialiste reconnu de l'EI. "Je vais revenir sur les liens entre Daesh et le FN, pas les liens directs entre Daesh et le FN mais ce repli identitaire, qui finalement est une communauté d'esprit, parce que l'idée pour Daesh, c'est de pousser la société française au repli identitaire, non ?" Et Gilles Kepel de répondre : "Oui, la casser en deux, faire d'un côté une enclave où il n'y aurait que des musulmans qui ne s'identifieraient qu'aux plus radicaux parce qu'ils ont été persécutés, et de l'autre, des identitaires qui rejettent l'immigration, rejettent l'Islam, qui cassent le tissu social français".  

Hors d'elle, Marine Le Pen a donc mis en ligne des images des barbaries de Daesh pour montrer que son parti n'avait rien à voir avec l'Etat islamique - les photos, floutées ici, ont été publiées dans leur version originale par la présidente du FN.

Sur Twitter, nombre d'internautes se sont indignés de la publication de ces photos. L'un de ces clichés pris par Daech et relayés par Marine Le Pen représentait le journaliste américain James Foley, décapité l'année dernière. Sa famille a réagi et sa mère s'est dite "très choquée" au micro d'Europe 1, ce jeudi matin. "D'une certaine façon, cela renforce Daech, parce qu'ils ont utilisé la mort de James comme propagande", a-t-elle déclaré. "Alors, réutiliser ces photos sur Twitter, c'est relancer leur propagande et leur façon abjecte de recruter d'autres meurtriers. Je demande à ce que ça cesse". Suite à l'indignation de la famille de James Foley et à leur demande formalisée dans un communiqué, Marine Le Pen a retiré la photo en question de son compte Twitter. "Je ne savais pas que c'était une photo de James Foley. Elle est accessible par tous sur Google", s'est jusitifié la présidente du Front national auprès de l'AFP. Les deux autres photos litigieuses sont elles toujours accessibles sur son compte Twitter. "Elles n'ont qu'à m'appeller", aurait dit Marine Le Pen à propos des autres familles concernées, selon un journaliste de RTL.

Jean-Jacques Bourdin refuse de répondre

L'animateur était à l'antenne lorsqu'il a pris connaissance de la réaction de Marine Le Pen. Il a d'abord expliqué à ses auditeurs que la président du FN se méprenait. "Je ne vais absolument pas retirer mes propos. Parce que nous n'avons absolument pas fait le parallèle entre Daesh et le FN, mais nous avons parlé de repli identitaire à la fois chez beaucoup d'électeurs du Front National et du côté du djihadisme français". Et d'ajouter, plus tard à l'adresse des cadres du FN : "Vous voyez le niveau de ces responsables politiques ! Franchement, j'avais rarement entendu ça. [...] Je leur laisse à leurs réactions, je ne répondrai pas car je trouve tout ça tellement dérisoire. Il est gênant d'ailleurs de devenir hystérique lorsque nous posons des questions. [...] J'ai trop de respect pour les électeurs du FN pour entrer dans une polémique parfaitement inutile".

Crédit vignette : Michel Spingler/AP/SIPA