Qu'est-ce que le Ceta et pourquoi cet accord risque d'être suspendu ?

Qu'est-ce que le Ceta et pourquoi cet accord risque d'être suspendu ? Le Sénat s'est opposé à la ratification de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada ce jeudi 21 mars. La décision des parlementaires pourrait remettre en cause l'accord déjà en partie appliqué.

L'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada va-t-il pouvoir être ratifié par la France ? Un premier obstacle s'est opposé au comprehensive economic and trade agreement (Ceta), ou a l'accord économique et commercial global (AECG) en français, ce jeudi 21 mars : les sénateurs ont majoritairement voté contre l'accord. L'issue du scrutin à la chambre haute du Sénat n'est pas une surprise puisque plusieurs voix opposés au texte s'étaient faites entendre à gauche comme à droite, d'autant plus après la crise agricole pendant laquelle les négociations sur l'accord de libre-échange avec le Mercosur, l'alliance économique d'Amérique du Sud, avaient déjà été pointées du doigt.

Le volet commercial du Ceta, qui dépend de la politique de l'Union européenne, est déjà appliqué depuis 2017. A l'époque les chefs d'Etat et le Parlement européen avaient soutenu l'accord. Mais l'autre pan du texte qui porte sur des mesures d'investissements nécessitent l'aval des des 27 pays de l'UE, or seuls 17 ont pour l'heure approuvé l'accord.

Que prévoit le l'accord de libre-échange du Ceta ?

Le traité de libre-échange entre l'UE et le Canada régit et surtout simplifie les échanges commerciaux entre les deux zones économiques. Mais il peut se résumer à trois grands objectifs :

  • Réduire les droits de douane entre les deux zones pour faciliter la circulation des biens et des services ;
  • Réduire les réglementations qui forment des freins au commerce notamment les mesures protectionnistes ;
  • Créer un tribunal spécial dédié aux entreprises européennes et canadiennes qui investissent dans l'autre zone.

Il s'agit d'un accord économique qui doit dynamiser le commerce et les échanges transatlantiques grâce à l'accès à de nouveaux marchés et permettre la création d'emplois selon les principaux arguments de ses défenseurs. Le gouvernement qui avait soutenu l'accord en 2017 avance d'ailleurs les résultats observés depuis six ans parmi ces arguments : le Ceta a permis d'augmenter de 33 % les exportations françaises vers le Canada. Mais cette augmentation serait surtout due à l'inflation et à la quantité de produits de biens échangés, elle n'aurait grimpé que de 9% selon un rapport de l''Institut Veblen, une ONG écologiste hostile au Ceta. 

Concurrence, environnement... Un accord décrié

Si économiquement l'accord de libre-échange du Ceta semble présenter des avantages, de nombreuses critiques sont formulées sur les conséquences qu'il entraînerait. L'opposition à l'accord est particulièrement forte dans le secteur agricole. Les éleveurs craignent que la facilitation de l'exportation de produits canadiens ne leur fasse une concurrence déloyale. En l'absence d'une clause miroir qui contraindrait le Canada à s'aligner sur les normes de production européennes, les produits importés en Europe respecteraient des chartes moins strictes que les produits européens et ces différences se répercuteraient sur les prix, mais aussi sur les normes sanitaires des biens.

Ce sont aussi les effets des échanges commerciaux sur le climat qui inquiètent les opposants au Ceta. Le commerce facilité, les échanges seraient plus nombreux et augmenteraient les émissions de gaz à effet de serre. Des experts mandatés par le gouvernement en 2017 avaient été formels sur cette conséquence néfaste de l'accord sur l'environnement.

Si des mesures commerciales, économiques et environnementales pourraient être prises pour pallier ces effets du Ceta, les détracteurs de l'accord craignent que toutes les tentatives de législation soient mises à mal par la création des tribunaux spéciaux prévus par le Ceta. Certains estiment que ces juridictions placeraient les intérêts des entreprises avant les intérêts environnementaux.

La ratification du Ceta vouée à l'échec en France ?

Sans surprise, les sénateurs français se sont exprimés contre la ratification du Ceta. Les chances de ratification de l'accord par les sénateurs étaient faibles, c'est justement à cause de cela que le gouvernement, découragé par le spectre d'une défaite quasi certaine, n'a jamais amené le texte au Sénat après le vote à l'Assemblée nationale qui remonte à 2019. Déjà à l'époque, les députés avaient ratifié le texte avec une très courte majorité (266 pour, 213 contre et 74 abstentions) et au prix d'une fracture dans la majorité. Imposé à l'ordre du jour par le groupe communiste lors de sa niche parlementaire, le Ceta a finalement été rejeté comme on pouvait s'y attendre.

Les sénateurs communistes avaient déjà exprimé leur opposition à l'accord et ils ont été rejoints par les écologistes et les socialistes. Mais ils ont surtout pu compter sur une partie de la droite, majoritaire au Sénat. Au sein du parti Les Républicains, aucune consigne de vote n'avait été donnée, mais "une majorité assez nette" des élus devait t s'opposer à la ratification du Ceta avait prédit le sénateur Max Brisson à franceinfo.

Mais voilà, ce rejet de l'accord risque d'enterrer le Ceta. Après l'opposition du Sénat, le texte doit repasser devant l'Assemblée nationale qui pourrait, au regard de sa composition actuelle, également le rejeter. Un deuxième vote négatif empêcherait définitivement la ratification du texte au niveau français, sauf si un nouveau vote était organisé. La décision notifiée au Conseil européen, l'UE serait normalement amenée à suspendre l'application provisoire de l'accord dans toute l'Europe, un seul vote opposé à l'accord le rendant théoriquement caduc. Cette issue reste théorique puisqu'en 2020 Chypre avait rejeté le texte sans que cela n'entraine l'abandon de l'accord par l'Europe. A l'inverse, si le Sénat ratifie l'accord, la France aura définitivement soutenu le Ceta et ne manqueront plus que les votes de neuf pays européens. Reste que parmi ces Etats, certains sont particulièrement opposés à l'accord de libre-échange.