Réforme de l'AME : Barnier désavoue Retailleau et rejette sa demande
Trois semaines après la nomination de son gouvernement, le Premier ministre, Michel Barnier, présentait ce jeudi 10 octobre le projet de loi de finances 2025. Un texte particulièrement scruté par l'opposition qui attendait l'exécutif au tournant. Si de nombreux points devraient prêter à débat dans les heures et les jours qui viennent, l'une des dépenses abordées dans le PLF 2025 a comme qui dirait un air de désaveu pour le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau.
Contrairement à ce que plaidait depuis trois semaines le nouveau locataire de Beauvau, pas de réforme ni de réduction des dépenses en vue pour l'aide médicale d'État, ce dispositif permettant aux personnes étrangères qui sont en situation irrégulière de bénéficier d'accès aux soins, plus connue sous son acronyme AME. À y regarder de plus près, il serait même question d'une très légère hausse des dépenses. "Les crédits ouverts en projet de loi de finances s'élèvent à 1,3 milliard d'euros (dont 1,2 milliard d'euros au titre de l'AME et 0,1 milliard d'euros au titre des soins urgents et vitaux pour les personnes qui ne peuvent justifier d'un droit à l'AME)", indique le dossier de presse sur le projet de loi finance. En 2024, le montant prévisionnel de l'AME s'élevait à 1,13 milliard d'euros, tandis qu'il était question d'accorder 0,07 milliard d'euros aux soins urgents.
Bruno Retailleau opposé à la ministre de la Santé sur la réforme de l'AME
Deux jours après sa nomination, le nouveau locataire de Beauvau avait rouvert, le 23 septembre dernier, l'explosif dossier de la réforme de l'AME, indiquant clairement au 20 Heures de TF1 vouloir la réformer. "On a un souci, c'est que nous sommes un des pays européens qui donnons le plus d'avantages. […] Moi, je ne veux pas que la France soit le pays le plus attractif d'Europe pour un certain nombre de prestations sociales d'accès aux soins", justifiait Bruno Retailleau, précisant vouloir la réformer en "aide médicale d'urgence".
AME : "On la réforme (...) Je ne veux pas que la France soit le pays le plus attractif d'Europe pour un certain nombre de prestations sociales d'accès aux soins."
— TF1Info (@TF1Info) September 23, 2024
Bruno Retailleau (@BrunoRetailleau), ministre de lIntérieur, invité de @GillesBouleau sur TF1 pic.twitter.com/72XY6n7Or5
Un point de vue que sa collègue la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, ne partageait guère. Sur franceinfo, elle n'avait d'ailleurs pas manqué d'éclaircir la position du gouvernement sur l'AME : "Il n'est pas question de toucher à l'aide médicale d'État." Les conclusions du rapport de Claude Evin et Patrick Stefanini de décembre dernier sur l'AME disent "très simplement que c'est un dispositif utile et bien géré, et contrôlé par l'assurance-maladie de façon très stricte. Donc sur ce point-là, je veux que tout le monde soit rassuré", insistait-elle. Et de tacler Bruno Retailleau lorsque la journaliste la titillait sur la position défendue par le ministre de l'Intérieur : "Moi, je suis médecin, je parle de médecine et de santé publique. […] L'aide médicale d'État c'est aussi une assurance sur la santé des Français pour éviter certaines contagions." Et la ministre de lancer : "Il ne faut pas avoir de tabou sur ce sujet, mais il ne faut pas créer des fantasmes."
???? Aide médicale d’Etat ➡️ "Il n’est pas question de toucher à l’Aide médicale d’Etat. Ma position est celle-là depuis longtemps.", assure Geneviève Darrieussecq #franceinfosoir pic.twitter.com/7poQpxTS7d
— franceinfo (@franceinfo) October 4, 2024
Des dispositifs de contrôle et de lutte contre la fraude renforcés
À la lumière du projet de loi de finances 2025 dévoilé ce jeudi soir, il semble que Michel Barnier a finalement donné raison à sa ministre de la Santé, et ce, alors même que Bruno Retailleau demandait encore mercredi soir au Premier ministre d'"arbitrer". "C'est lui qui fixe la ligne du gouvernement. Nous demandons aux Français des efforts : il n'est pas injuste d'en demander également aux étrangers. Je suis prêt à avoir ce débat, y compris au sein du gouvernement", défendait le locataire de Beauvau dans une interview accordée au Parisien.
Comme on peut le lire ce jeudi soir dans le communiqué de presse portant sur le projet de loi finance, l'AME est défendue comme étant un dispositif qui "contribue à préserver l'ensemble de la population de risques épidémiologiques et sanitaires". Pour autant, si une légère hausse du budget qui lui sera alloué l'an prochain est envisagée, le PLF 2025 précise bien que "les dispositifs de contrôle et de lutte contre la fraude [seront] renforcés afin d'assurer une gestion rigoureuse de ce dispositif".