Procès Sarkozy-Kadhafi : un carnet secret qui peut tout changer à l'affaire

Procès Sarkozy-Kadhafi : un carnet secret qui peut tout changer à l'affaire Nicolas Sarkozy continue de nier avoir reçu de l'argent du gouvernement libyen de Mouammar Kadhafi pour financer sa campagne présidentielle de 2007, mais une preuve à conviction pourrait ébranler sa défense.

Depuis que le procès des financements libyens a commencé, Nicolas Sarkozy soutient bec et ongles que "pas un centime" d'argent libyen n'a été utilisé pour sa campagne présidentielle de 2007 qui l'a propulsé à l'Elysée. Mais après plus d'un mois d'audiences, l'ancien président de la République a été confronté à une pièce à conviction capable d'ébranler sa défense : le carnet de Choukri Ghanem, Premier ministre de la Libye entre 2003 et 2006 et ministre libyen du pétrole de 2006 à 2011.

Ce carnet dans lequel l'homme politique retranscrivait des scènes et des détails de ses années passées au pouvoir a été découvert en 2012 après le décès, jugé suspect, de leur propriétaire. Choukri Ghanem a été retrouvé mort flottant dans le Danube, à Vienne, le 29 avril 2012. Les écrits s'étaient alors ajoutés à d'autres documents publiés lors des révélations de Médiapart sur l'affaire des financements libyens. Et si ce carnet met Nicolas Sarkozy dans l'embarras, c'est parce qu'il consigne plusieurs versements d'argent qui ont effectivement eu lieu aux dates données à destination de l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine, accusé d'avoir joué l'intermédiaire entre le gouvernement libyen de Mouammar Kadhafi et Nicolas Sarkozy.

Un versement de 3 millions d'euros d'un des fils de Mouammar Kadhafi, Saïf al-Islam, au candidat Nicolas Sarkozy daté de janvier 2006 figure ainsi dans le carnet. De même qu'un autre versement de 2 millions d'euros venant du numéro 2 du régime libyen de l'époque, le terroriste Abdallah Senoussi, toujours à destination de la campagne présidentielle du Français en novembre 2006. Or, l'un des représentants du parquet national financier a insisté lors de l'audience du lundi 10 février sur "les correspondances assez troublantes entre les montants évoqués dans le carnet de Choukri Ghanem et les virements libyens sur le compte Rossfield". Ce compte ayant été ouvert en novembre 2005 au Luxembourg par Ziad Takieddine.

Les lignes de défense de Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy a d'abord interrogé l'authenticité et mis en doute la véracité du carnet de Choukri Ghanem : "On ne sait pas si cela a été écrit à cette date ou si c'est sur un vieux carnet sur lequel il a écrit ça. Moi-même, il m'est arrivé d'écrire sur de vieux carnets", a-t-il lancé à la barre le 10 février rapporte Médiapart. Une pirouette permettant à Nicolas Sarkozy de retomber sur sa ligne de défense qui consiste à dire que l'affaire des financements libyens n'est qu'une invention de la famille Kadhafi pour se venger de l'offensive militaire menée contre elle et soutenue par la France en 2011.

Mais s'il a remis en question les écrits du carnet libyen, Nicolas Sarkozy s'est accroché à une phrase écrite à l'intérieur et selon laquelle l'argent versé par les dirigeants libyens aurait été "détourné" en chemin. "Ils se sont fait avoir", a même ajouté le prévenu en parlant du gouvernement libyen. Ici, c'est un autre point de sa défense qu'il a essayé de renforcer : celui selon lequel Ziad Takieddine a bien reçu de l'argent du gouvernement libyen sur le compte Rossfield, en se faisant passer pour un proche de Nicolas Sarkozy, sans que ce dernier ne reçoive d'argent. Dans cette hypothèse, Nicolas Sarkozy se présente comme un dommage collatéral accusé à tort d'avoir illégalement financé sa campagne présidentielle.

L'ancien Président a d'ailleurs plusieurs fois marqué la distance avec les versements de fonds sur le compte Rossfield, soutenant ne pas avoir de lien direct avec ce compte bancaire : "Je n'ai rien à faire avec le compte Rossfield. Je ne suis bénéficiaire de rien". Pas plus qu'avec les retraits faits sur ce compte : "M. Takieddine n'a jamais déposé le moindre dépôt d'argent liquide pour moi. Je n'ai rien à voir de près ou de loin avec lui. Ma campagne est aux antipodes de ces financements".

Interrogé pendant plusieurs heures et mis face aux carnets libyens, Nicolas Sarkozy a toujours tenu sa défense en ayant parfois du mal à justifier tous les éléments. Au point de concéder durant l'audience : "Je sais parfaitement qu'il y a des indices graves, mais ils ne sont pas concordants." Plusieurs semaines d'audience sont encore à venir pour tenter de faire la lumière sur cette vaste affaire financière.