Nicolas Sarkozy : une proximité gênante avec Macron
SARKOZY. Nicolas Sarkozy est convié à la cérémonie d'investiture d'Emmanuel Macron ce samedi 7 mai 2022. La proximité entre l'ancien et l'actuel président de la République s'est considérablement renforcée sans manquer d'être critiquée depuis plusieurs mois...
Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron se retrouvent ce samedi 7 mai 2022 à l'Elysée, à l'occasion de la cérémonie d'investiture du vainqueur de l'élection présidentielle. L'occasion, sans doute, d'afficher la bonne entente voire la franche complicité qui se serait nouée entre les deux hommes ces derniers mois. Sans trop en faire... Car la proximité de Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron fait jaser depuis plusieurs semaines déjà, l'ancien chef de l'Etat étant accusé de jouer contre son propre camp. Sifflé lors du meeting de Valérie Pécresse à Versailles, auquel il a refusé de se rendre pendant la campagne présidentielle, l'ancienne figure de l'UMP et des Républicains est pointée par sa famille politique pour avoir joué la carte Macron lors de cette élection et pour l'aide qu'il continuerait à fournir au président élu avant les législatives.
La relation de Nicolas Sarkozy a fait l'objet de nombreux articles ces derniers jours, dont un du Parisien où des cadres LR regrettaient "sa danse du ventre avec Emmanuel Macron". Il faut dire que Nicolas Sarkozy ne s'est pas contenté d'appeler à voter Macron entre les deux tours de la présidentielle pour faire barrage au Rassemblement national. En plus de laisser fuiter ses échanges réguliers très cordiaux avec le président sortant, il a presqu'ouvertement refusé de soutenir Valérie Pécresse pendant sa campagne délétère. Alors que l'ancienne candidate à la présidentielle, qui a récolté moins de 5% des voix le 10 avril, a appelé aux dons pour faire face à un endettement de plusieurs millions d'euros, elle aurait retourné une somme de 2000 euros offerte par Nicolas Sarkozy. Son entourage a fait savoir qu'elle refusait "la charité" venant de celui qui se serait employé à "saboter" sa campagne. Ambiance.
Nicolas Sarkozy recruteur de Macron pour les législatives ?
Dans la nouvelle séquence qui s'ouvre avec les législatives à venir, plusieurs médias ont rapporté que Nicolas Sarkozy serait en train d'essayer de recruter des candidats à droite pour la coalition de la majorité présidentielle. Nicolas Sarkozy aurait poussé de nombreux noms "prêts à basculer" à Emmanuel Macron selon le JDD. Il aurait également essayé d'en amener d'autres à faire le choix de l'alliance avec Macron plutôt que celui du "ni Le Pen-ni Macron" prôné par Christian Jacob, président des Républicains.
Un lobbying qui n'aurait pas porté ses fruits à ce stade. "On était partis de 60, après 40, puis de quoi faire deux équipes de football et on n'aura même pas de quoi jouer à la belotte", ironisait Julien Aubert, député LR du Vaucluse, sur France Inter cette semaine. Mais de quoi mettre encore plus en colère militants et dirigeants des Républicains. "A un moment, il faut qu'il soit clair : soit il est encore avec nous, soit il part chez Macron. Mais il ne peut pas naviguer entre deux eaux", cinglait un membre du bureau LR, toujours dans Le Parisien.
Une alliance Sarkozy-Macron avant tout politique ?
Nicolas Sarkozy aurait déjà répondu aux critiques en privé, des mots qui sont bien évidemment été dévoilés dans la presse : "C'est pas ceux qui nous ont amenés à moins de 5 % qui vont nous donner des leçons." Au-delà de la punchline, l'ancien président de la République tenterait avant tout selon son entourage de sauver son mouvement, voué selon lui, comme le PS, à la disparition s'il maintenait sa ligne actuelle. Nicolas Sarkozy défendrait un ainsi un "pacte majoritaire" plus souhaitable que les "débauchages" pour Les Républicains, plongés dans une grave crise.
"Mon choix sera Emmanuel Macron, sans ambiguïté ni réserve. Je suis conforme à ce que j'ai toujours fait. Le "ni-ni" n'a jamais porté chance au mouvement gaulliste. Le ni-ni, c'est choisir Le Pen. Le ni-ni, c'est la disparition [...]. Je rappelle que, dans la charte des valeurs du parti que j'ai créé, il est écrit que l'on s'engage à combattre de manière absolue l'extrême droite", lâchait-il lors d'une "rencontre exclusive" avec Paris Match au lendemain du premier tour de la présidentielle. "J'ai vu l'évolution d'Emmanuel Macron vers le centre droit. Qui peut s'en plaindre ? Pas moi. À partir du moment où une grande partie de ses idées sont maintenant les mêmes que les nôtres, il faut l'accompagner."
Des idées et des personnalités
Travailler plus, alléger les droits de succession, prolonger l'âge légal de la retraite, développer le nucléaire, défendre l'Union européenne... Nicolas Sarkozy estime aussi, sur le fond cette fois, que le programme politique d'Emmanuel Macron ne peut qu'être soutenu par la droite de gouvernement. Loin de "donner des noms" où d'entrer dans les "détails", Nicolas Sarkozy aurait en somme "une intuition" selon son entourage, interrogé encore par Le Parisien : "celle que la droite doit agir comme soutien aux réformes de droite que veut engager Emmanuel Macron". Il l'a dit à des élus des Hauts-de-Seine, son ancien fief, juste après la présidentielle : "Je suis retiré de la vie politique. Qui pourrait imaginer que je cherche un poste quelconque ? Je suis heureux dans ma vie. Je veux juste le meilleur pour la France".
Le partage des idées, donc, mais aussi, tout de même, des recrues. D'Edouard Philippe à Bruno Le Maire et surtout son protégé Gérald Darmanin, qu'il aurait contribué à installer au ministère de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy soutient aussi la présence auprès d'Emmanuel Macron de personnalités de droite pour mener ses réformes. C'est notamment lui qui aurait soufflé le nom de Jean Castex pour Matignon après les municipales 2020.
Une proximité personnelle cultivée par Sarkozy comme par Macron
L'ambition est noble, mais elle n'empêche pas les flatteries et une certaine forme de connivence. Dès qu'il a été élu en 2017, Emmanuel Macron a veillé à ménager son prédécesseur, comme son électorat, précieux. Quelques semaines après l'élection, les Macron auraient "mis les petits plats dans les grands pour recevoir les Sarkozy". Des égards auxquels Nicolas Sarkozy aurait été sensible. Pendant le quinquennat, Emmanuel Macron qui ne ratera jamais une occasion de "consulter" celui qui l'a précédé 10 ans plus tôt. "C'est toujours Emmanuel Macron qui prend l'initiative du coup de téléphone, de l'invitation ou du SMS nocturne", écrit Paris Match.
Parti de rien ou presque, avec une formation politique récente et sans expérience, Emmanuel Macron gagnera avec Nicolas Sarkozy un allié politique de poids. Et le fera savoir en louant un interlocuteur "créatif", "conciliant" et source de "bons conseils" (Paris Match). De son côté, Nicolas Sarkozy, sensible aux marques d'attention, peut valoriser son expérience et son image et - pourquoi pas - avoir lui aussi un contact solide dans sa nouvelle vie, marquée entre autres par quelques ennuis avec la justice... Alors il fait aussi savoir qu'il adore échanger avec son cadet, vante une relation de "confiance" et un chef de l'Etat audacieux mais qui a aussi montré son "expérience" face aux crises.
Les échanges entre les deux hommes se seraient d'ailleurs accélérés ces derniers mois en marge de la guerre en Ukraine et de la présidentielle. Emmanuel Macron aurait notamment reçu Nicolas Sarkozy à déjeuner en tête à tête à l'Élysée le 28 janvier 2022, pour son anniversaire. Le 1er avril suivant, nouvel entretien à l'Élysée, juste avant le meeting d'Emmanuel Macron à la Défense. Rebelote le mardi 3 mai, pour "évoquer les chantiers du quinquennat" après la réélection d'Emmanuel Macron... et parler des élections législatives.
Biographie courte de Nicolas Sarkozy
Avocat de formation, Nicolas Sarkozy a été élu le 6 mai 2007 le sixième Président de la Ve République française avec 53% des suffrages exprimés. Cette élection à la mandature suprême vient couronner, à 53 ans, une carrière politique de plus de trente ans.
Un jeune homme passionné par la politique
Nicolas Sarkozy, de son nom complet Sarközy de Nagy-Bócsa, naît le 28 janvier 1955 à Paris. Issu de la petite noblesse hongroise, son père a fui l’occupation russe en 1944 pour s’installer en France. Il se marie à une Parisienne étudiante en droit. Entouré de deux frères, le jeune Nicolas commence sa scolarité avec quelques difficultés et redouble sa sixième. Pourtant, marchant dans les pas de sa mère, il suit avec succès ses études de droits à Paris X. S’il échoue à l’IEP de Paris en raison de difficultés en anglais, il obtient son DEA en 1981 puis devient avocat au barreau de Paris.
Parallèlement, il dispose déjà d’un impressionnant CV en politique. Entré à l’UDR en 1974, à seulement 19 ans, puis adhérant au RPR dès sa création en 1976, il obtient un poste de conseiller municipal à Neuilly dès 1977. En 1980, sa carrière prend même une envergure nationale puisqu’il est le président du comité de soutien des jeunes à Jacques Chirac.
Premiers succès, et premiers revers…
Nicolas Sarkozy fait ses armes auprès de Charles Pasqua, qui est d’ailleurs témoin lors de son premier mariage en 1982. En 1983, à l’âge de 28 ans, Nicolas Sarkozy se présente à l’élection municipale de Neuilly-sur-Seine. Il est élu et conservera cette charge jusqu’en 2002. Dès lors, il cherche à se faire un nom sur la scène nationale.
Député des Hauts-de-Seine à partir de 1988, chargé de la jeunesse au RPR, il accède véritablement aux fonctions nationales lorsqu’il est nommé ministre du Budget en 1993 dans le gouvernement d’Edouard Balladur. Cette même année, il se fait remarquer pour son intervention lors de la prise d’otage dans la maternelle de Neuilly en négociant lui-même avec le forcené. Ministre à 38 ans, déjà médiatique, Nicolas Sarkozy semble alors promis à une belle carrière politique. Un poste majeur pourrait d’ailleurs l’attendre après les Présidentielles de 1995…
Pour cette élection, Nicolas Sarkozy fait le choix de s’éloigner de Jacques Chirac pour soutenir Edouard Balladur, alors favori dans les sondages. Le succès annoncé se transforme en élimination dès le premier tour. Considéré comme un traître par une partie du RPR, il n’obtient aucun poste au gouvernement. Redevenu porte-parole puis secrétaire général du RPR, il mène la campagne pour les législatives européennes de 1999 à la tête de la liste RPR-DL. Mais il subit alors une dure défaite, en arrivant troisième derrière le PS et le RPF de Pasqua. Il quitte alors la scène nationale.
Du ministère de l’Intérieur à la présidentielle de 2007
Nicolas Sarkozy rebondit après la réélection de Jacques Chirac en 2002. Nommé ministre de l’Intérieur, il occupe très rapidement le devant de la scène, l’insécurité ayant été le thème principal – et polémique – de la campagne. Il prône alors une politique de tolérance zéro et gagne en popularité.
Toutefois, cette présence sur les terrains politiques et médiatiques ne se fait pas sans heurts. Après être passé du ministère de l’Intérieur au ministère des Finances, il engage un bras de fer avec Jacques Chirac concernant le cumul des fonctions de ministre et de président de l’UMP. Nicolas Sarkozy s’incline. Mais après l’échec du référendum sur la constitution européenne, il est à nouveau appelé à l’Intérieur dans le gouvernement de Dominique de Villepin.
De retour dans ce qui semble être son poste fétiche, Nicolas Sarkozy multiplie les sorties médiatiques parfois contestées, comme lorsqu’il prononce le terme « Kärcher » à la Cité des 4000 ou encore celui de « racaille » lors des émeutes de novembre 2005. Malgré les critiques de l’opposition et parfois au sein de son camp, son franc-parler et son engagement entretiennent sa popularité.
Président de la République française
Subissant des attaques dans l’affaire Clearstream au cours de l’année 2006, il ne se déstabilise pas et reste le favori de la droite pour les élections présidentielles. Le 14 janvier 2007, seul en lice pour représenter l’UMP, il est désigné par les militants avec un score de 98.1%. Il quitte ses fonctions gouvernementales le 26 mars pour se consacrer entièrement à la campagne. Il parvient alors à contenir les votes de Jean-Marie Le Pen et de François Bayrou et, au soir du premier tour, il sort en tête devant Ségolène Royale avec 31,18% des suffrages exprimés.
Durant l'entre-deux-tours, tout en prônant une certaine ouverture vers le centre, il confirme son positionnement à droite. Cette stratégie lui réussit puisqu'il conserve puis accroît son écart avec son adversaire Ségolène Royal. Le 6 mai, il est élu Président de la République avec 53% des suffrages.
Durant tout son quinquennat, Nicolas Sarkozy placera sa confiance en François Fillon, Premier ministre de 2007 à 2012. Les années "Sarko" sont marquées par la crise mondiale et le style "bling bling" du président le dessert dans les sondages. Les réformes se succèdent et la grogne augmente.
L'après présidence
En 2012, après la crise et plusieurs réformes contestées, Nicolas Sarkozy est candidat à sa réélection lors de l’élection présidentielle de 2012. Il perd face à François Hollande (PS) avec un score de 48,37% des voix. Après cette défaite, il décide de s’éloigner de la vie publique et politique. Il revient sur le devant de la scène fin 2014 en retrouvant son poste de Président de l'UMP, puis de Président des Républicains. Il prépare ainsi sa candidature pour les élections présidentielles de 2017.
Fin 2016, il est éliminé dès le premier tour des primaires de la droite et du centre par son ancien Premier ministre, François Fillon et par Alain Juppé. Sa réaction est immédiate. Il décide une fois de plus de s'éloigner de la vie politique.