Une réduction de peine "pour tous les détenus", cette mesure choc est inscrite dans un rapport officiel
Un rapport confidentiel, révélé le 10 mai par l'AFP, préconise une "réduction de peine exceptionnelle" pour "tous" les détenus, à quelques exceptions près. Commandée à l'automne dernier par l'ancien garde des Sceaux Didier Migaud, cette mission d'experts (magistrats, avocate, directeur de prison) a rendu ses conclusions en mars à son successeur, Gérald Darmanin.
Selon ce rapport, "dans un souci d'acceptabilité", il faudra définir une peine minimale au-delà de laquelle le dispositif ne s'appliquerait pas (violences conjugales, crimes ou terrorismes ne seraient pas concernés), ainsi que le nombre exact de mois de réduction. Objectif de cette mesure choc : désengorger les prisons arrivées à saturation. "La surpopulation doit désormais être appréhendée pour ce qu'elle représente effectivement : un état d'urgence", écrivent les auteurs. Le 1ᵉʳ avril dernier, la France comptait 82 921 détenus pour 62 358 places disponibles. Le rapport préconise donc une "réduction de peine exceptionnelle", à appliquer "en urgence" et "sous réserve des exclusions à déterminer par le Parlement".
Une mesure déjà appliqué pendant la crise du Covid 19
Une mesure similaire avait été adoptée en 2020, en raison des "circonstances exceptionnelles" liées à la pandémie de Covid-19. Certaines peines ont été réduites de deux mois, à l'exception des condamnés pour violences conjugales, crimes ou terrorisme. Résultat : le taux d'occupation avait brièvement chuté sous les 100% pour la première fois en vingt ans. Cependant, ces effets se sont rapidement dissipés. Pour éviter cela, les experts recommandent que ce mécanisme puisse être "reproduit" dès que le seuil de 100% du taux d'occupation national est à nouveau dépassé.
Mais cette idée ne fait pas l'unanimité. Le garde des Sceaux Gérald Darmanin considère cette mesure comme trop "laxiste" et est "opposé à des libérations collectives anticipées", a précisé la Chancellerie à la presse. Dans un courrier adressé ce dimanche aux magistrats et personnels judiciaires, le ministre de la Justice a aussi détaillé ses propositions pour réformer la justice d'ici 2027— sans mentionner la moindre réduction de peine généralisée. Reconnaissant des "conditions de vie indignes", il défend le recours aux peines alternatives, l'expulsion des détenus étrangers, ainsi que la construction de nouvelles places en prison, notamment via l'ouverture prochaine de centres de haute sécurité pour les narcotrafiquants, rapporte Ouest-France.
Les représentants politiques "réservés" sur la question
La réduction de peine serait pourtant réclamée depuis des années par une majorité des acteurs concernés, d'après 20 minutes. La France a également été plusieurs fois condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme en raison de la surpopulation dans ses prisons. Les auteurs du rapport expliquent que "la très grande réserve des représentants politiques" à mettre en œuvre une telle mesure tient au fait que "la justice française continue d'être très largement considérée comme laxiste par l'opinion publique". Une perception tenace, malgré des chiffres qui démontrent que "la réponse pénale n'a jamais été aussi forte, que la durée des peines d'emprisonnement s'allonge", soulignent-ils.
En 2023, 543 851 peines ou mesures principales ont été prononcées par les juridictions pénales selon les chiffres du ministère de la Justice. Parmi elles, 249 681 étaient des peines d'emprisonnement, soit près d'une décision sur deux.