Merah : la liste des "défaillances" de l'enquête
"Plusieurs défaillances objectives", voilà les termes employés dans le rapport sur l'affaire Merah rendu au ministre de l'Intérieur Manuel Valls, et diffusé mardi 23 octobre. Les deux rapporteurs de l'IGPN, l'Inspection générale de la police nationale, plus connue sous l'appellation "police des polices", ont notamment mis en évidence le loupé du Renseignement dans l'évaluation de la dangerosité de Mohamed Merah, qui aura finalement réussi à tuer 7 personnes à Montauban et Toulouse avant d'être neutralisé par les services français. Suivi par le renseignement français depuis 2006, Mohamed Merah faisait l'objet d'une fiche de mise en attention. Mais cette dernière a été désactivée de manière "inopportune", selon le rapport de Guy Desprats et Jérôme Léonnet. Avant d'être finalement réactivée en janvier 2011, après l'arrestation de Mohamed Merah en Afghanistan.
Et même après cette réactivation, le départ de France du jeune homme pour Lahore au Pakistan, via Oman, en août de la même année, n'a pas été signalé. Oman ne faisant pas partie des pays considérés comme sensibles par les services de renseignement français, à l'inverse du Pakistan, Mohamed Merah a pu tromper la vigilance de la France avec une escale dans un pays considéré comme non sensible. L'IGPN pointe également que le "criblage des données" passager n'est pas encore "totalement effectif" pour les 31 destinations listées comme sensibles.
Quant à la radicalisation du futur terroriste, elle s'est effectuée lors de son emprisonnement, ce que n'avait pas relevé le renseignement intérieur avant le début de l'année 2011. L'IGPN dénonce le "cloisonnement" entre les administrations. Et relève qu'"il n'existe aucun outil de détection préventive dans le domaine financier", pour que le renseignement français puisse avoir accès aux informations bancaires, en dehors d'une enquête judiciaire.
Autre défaillance mise en avant par ce rapport : l'entretien mené par l'agent de la DCRI avec le futur assassin n'aurait pas été assez complet. Les deux rapporteurs suggèrent ainsi de "professionnaliser" cette étape décisive. Dès cet été, des journalistes avaient publié une enquête sur l'affaire Merah, pointant les liens complexes entre Mohamed Merah et les services français. Et certains commentateurs n'ont pas hésité à laisser planer le doute sur un possible rôle d'indicateur qu'aurait pu jouer Mohamed Merah, avant de retourner sa veste et de passer à l'acte.
Mais tout n'est pas forcément source de critiques dans ce rapport de l'IGPN. Les "choix tactiques" du Raid, notamment la décision d'interpeller le tueur chez lui plutôt qu'à l'extérieur, sont décrits comme "cohérents". Même si les deux rapporteurs estiment tout de même que des "exercices communs" pourraient être menés conjointement par le Raid, service la police, et le GIGN des gendarmes.
EN VIDEO – En mars dernier apparaissait le visage de Mohamed Merah sur France2, qui s'était procuré des enregistrements amateurs. Le tueur était alors toujours retranché chez lui, avant l'assaut final des forces françaises.