Espionnage : ce que les Etats-Unis surveillaient en France et en Europe
Comment les Etats-Unis s'y sont-ils pris pour espionner la France, l'Union Européenne et ses alliés ? Les révélations d'Edward Snowden, ancien analyste de la NSA, sur le programme d'espionnage des services secrets nord-américains ont provoqué l'indignation de la classe politique en Europe et dans l'Hexagone, mais ont aussi soulevé un certain nombre de questions. Les méthodes utilisées par les Etats-Unis relèvent en effet de pratiques que l'on pensait disparues depuis la fin de la guerre froide.
Le journal britannique The Guardian, qui a mis la main sur les les documents divulgués, explique que 38 ambassades et missions à travers le monde étaient ou sont concernés par le dispositif d'espionnage des services secrets américains. Dans la pratique, les méthodes d'espionnage sont sensiblement les mêmes à chaque fois : des mouchards sont installés dans les outils de communications électroniques, des téléphones mis sous écoute, dans le but de pouvoir retranscrire les conversations et les négaciations privées des personnes ou instances espionnées.
Les documents révèlent qu'outre les pays dits "sensibles" du Moyen-Orient, les alliés des Nord-Américains sont aussi concernés : la France, l'Italie, la Grèce, la Mexique, le Japon, le Corée du Sud, la Turquie ou encore l'Inde.
L'Union Européenne fait aussi l'objet d'un espionnage particulier. Le programme qui a pour nom de code "Dropmire" est - ou était - implanté "sur le Crypfax à l'ambassade de l'UE". Comprendre : un mouchard était placé dans le fax utilisé pour envoyer des messages aux ministères des affaires étrangères des capitales européennes.
"Profiter des désaccords internes et des divisions des membres de l'UE"
Alors que les Etats-Unis et l'Union Européenne négocient de plus en plus de traités commerciaux, dont un - le traité de libre échange transatlantique - est en pleine discussion, un tel espionnage apparaît, avant tout, consacré aux services des intérêts économiques nord-américains. L'espionnage est ainsi surtout effectué dans le but de donner aux entreprises américaines et aux réseaux de la diplomatie nord-américaine des informations susceptibles de gagner des parts de marchés et d'influer dans le cours des négociations avec leurs partenaires. Sur des marchés aussi considérables que l'aéronautique - sur lequel Boeing et Airbus sont en compétition frontale - ou encore dans le domaine du nucléaire, connaître les positions des concurrents procure un avantage certain. Ainsi, le document commenté par The Guardian indique que le but des systèmes d'écoute installés dans l'ambassade de l'UE est "de rassembler des informations sur les désaccords politiques existants sur les enjeux mondiaux au sein de l'institution et entre les Etats membres". En clair, les Etats-Unis espéraient jouer des divisions internes de l'UE pour se montrer plus exigeants dans certains dossiers commerciaux.
L'UE est ainsi une cible particulièrement privilégiée : elle est sur écoute à l'ONU, à Bruxelles depuis le siège de l'OTAN, où encore dans les locaux de sa délégation à Washington. La France est aussi spécifiquement concernée, en tant qu'Etat membre majeur de l'Union Européenne. Une mission appelée "Blackfoot" a pour but de collecter les informations transitant par la délégation française à l'ONU. L'ambassade de France à Washington est aussi espionnée, par une mission qui a pour nom de code "Wabash".
EN VIDEO : François Hollande est apparu consterné par les révélations sur l'espionnage nord-américain. Le chef de l'Etat français a exigé que "cela cesse immédiatement" et a demandé des garanties à Washington :