Fluide Glacial : la une qui choque la Chine, vers une polémique mondiale ?
Après la consternation et l'émotion suscitées par les attentats à Paris, c'est bien - de nouveau - en se situant dans la polémique et le débat sur les limites de l'irrévérence que l'on parle de Charlie Hebdo. La une dessinée par Luz pour le numéro "des survivants", représentant le prophète Mahomet, a provoqué la gêne de nombreux médias occidentaux, l'indignation et la colère dans le monde musulman. C'est désormais au tour de Fluide Glacial de susciter l'ire au-delà de nos frontières. Le mensuel satirique a osé un spécial " Péril jaune, et si c'était déjà trop tard ?", avec un dessin représentant un Chinois aux côtés d'une jolie blonde dans un pousse-pousse, tiré par un Français stéréotypé. Un joli coup de provoc' dans l'esprit de Fluide Glacial, habitué de l'humour noir sur le thème du racisme jouant des clichés pour mieux les dénoncer. Le mensuel a même prévu un communiqué pour expliquer aux médias que "Compte tenu de l'actualité de ces derniers jours, et pour éviter les amalgames, Fluide Glacial renonce à publier son N° spécial Couscous Jambon", ajoutant : "Dans son prochain numéro, en kiosque le 15 janvier, Fluide Glacial s'en prendra exclusivement à la communauté asiatique".
Un second degré manifestement très peu apprécié en Chine. Comme l'a relevé Le Monde, le journal Global Times, qui publie en anglais, juge cette une "indécente", et reproche à Fluide Glacial de chercher à "attirer l'attention du monde entier en suivant l'exemple de Charlie Hebdo". Et de mettre le doigt sur le coeur du problème : les limites de la liberté d'expression à fixer pour ne pas heurter les sensibilités. Ethique de responsabilité invoquée contre celle de la liberté de se moquer de toutes les opinions. Pour le journal chinois, ce principe est devenu en France une idéologie qui desservirait les intérêts de la communauté nationale : "Il est plus difficile pour les musulmans de changer leur foi que pour l'Europe d'ajuster sa conception de la liberté d'expression. Si les Français considèrent qu'un tel ajustement serait pour eux déchoir, alors leur quête de liberté d'expression s'apparente à une religion". Le Global Times n'est pas le premier journal a argumenter de cette manière contre la satire des journaux français, la plupart des médias occidentaux n'ont pas publié la une du dernier numéro de Charlie Hebdo, pour des raisons sensiblement identiques. Le débat pourrait bien prendre une ampleur internationale. Pas sûr, dès lors, que la position de la République française sur la liberté de rire de (presque) tout soit majoritaire.
