Accident thérapeutique à Rennes : 90 personnes ont pris le médicament "à dose variable"

Accident thérapeutique à Rennes : 90 personnes ont pris le médicament "à dose variable" Une personne est en état de mort cérébrale et quatre autres dans un état grave après un essai thérapeutique à Rennes. Le test aurait été mené par l'entreprise française Biotrial pour le compte d'un laboratoire portugais.

[Mis à jour le 15 janvier 2016 à 17h23] La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a décidé de se rendre sur place ce vendredi, ce qui donne la mesure de la gravité de cet incident. A Rennes, une personne est dans un état de "mort cérébrale" et quatre autres dans un état très grave après un essai thérapeutique, rapporte TF1 ce matin. Selon le site de la chaîne, les patients ont été hospitalisés après avoir absorbé une molécule d'un laboratoire privé. "Contrairement à ce que j'ai pu entendre, ce médicament ne contient pas de cannabis, ni de dérivé", a indiqué Marisol Touraine, lors de son point presse au CHU de Rennes, vendredi après-midi. "Il agit sur le système endo-cannabinoïde". Le médicament testé viserait à lutter contre les troubles de l'humeur et la douleur, selon Ouest-France. 

Six individus sont actuellement hospitalisés. "5 personnes sont dans un état très grave et une personne est en état de mort cérébrale", a indiqué la ministre qui précise qu'il s'agit d'"hommes âgés entre 28 et 49 ans". Huit "cobayes" auraient participé au test, dont deux auraient pris un placebo, d'après Ouest-France. Au total, ce sont 90 personnes qui ont pris le médicament incriminé "à dose variable". Un numéro a été mis en place pour les volontaires qui ont participé à ce test : 02 99 28 24 47. "Aucun médicament commercialisé n'est en cause dans cette affaire", a par ailleurs tenté de rassurer Marisol Touraine tout en admettant que cet situation était "inédite".

"Six personnes dans un état grave à Rennes après un essai thérapeutique"

Selon le site Breizh-info.com et iTélé, l'essai pharmaceutique aurait été mené par la société Biotrial. Le test portait sur un médicament par voie d'administration orale. Ce dernier serait "en cours de développement par un laboratoire européen", selon un communiqué du ministère de la Santé. Il s'agirait, selon Le Point et Europe 1, du groupe Bial, leader pharmaceutique portugais, présent dans les traitements des pathologies du système nerveux, cardiovasculaire, les troubles respiratoires, ou encore les antibiotiques et les antiallergiques. Ce laboratoire a notamment mis au point le Zebinix, un médicament contre l'épilepsie. 

Le laboratoire Biotrial a publié un communiqué vendredi après-midi dans lequel il affirme que "l'essai a été mené en totale application des réglementations internationales". "Les protocoles de Biotrial ont été suivis à chaque étape pendant l'essai, en particulier la procédure d'urgence pour le transfert des sujets à l'hôpital", a-t-il ajouté. Contacté par le site portugais Dinheiro Vivo, le président du groupe Bial, Luís Portela, n'a pas souhaité faire de commentaire et a indiqué qu'un communiqué devrait être diffusé en début d'après-midi. 

Lors de son point presse, Marisol Touraine a affirmé que le test avait commencé le 7 janvier dernier. "Les premiers symptômes sont apparus le 10 janvier sur une seule personne. Les 5 autres ont été progressivement hospitalisées", a-t-elle ajoutée. L'essai a été interrompu le 11 janvier, et les participants rappelés pour établir une surveillance accrue. La ministre a indiqué avoir saisi l'Igas pour connaître la façon dont l'essai a été mené. Une enquête a été ouverte au pôle santé du parquet de Paris.

Test de médicament, essais thérapeutiques, essais cliniques : quel danger ?

En France, les testeurs de médicaments sont très recherchés par les laboratoires pour évaluer l'efficacité et les effets de nouvelles molécules sur l'organisme. Environ 1000 tests du genre seraient en cours selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), menés soit par des industriels, soit par des organismes publics. Très encadrés, notamment par l'article L1122-1 du code de Santé publique, ces essais cliniques sont rémunérés. Une rémunération qui peut être très importante. Selon un dossier du site Medisite, spécialiste des questions de santé, un testeur de médicament peut gagner jusqu'à 4500 euros par an, non imposables, le tout versé dès le début du test. Un plafond fixé par la loi pour empêcher de faire de cette activité de "cobaye" un métier, avec les risques sanitaires qu'il implique. On parle donc "d'indemnité pour compensation des contraintes subies" (batterie de tests médicaux, hospitalisations parfois nécessaires pour traiter des effets secondaires ou plus simplement pour une surveillance accrue du patient).

Dans un article de 20 Minutes de 2010, un "cobaye" racontait avoir perçu 1500 euros pour "avaler des comprimés pendant 3 jours, avec 9 journées d'hospitalisations à la clé". Un autre témoin évoquait en revanche 150 euros pour "6 mois de consultations, prélèvements et prises de sang". Certains enfin se plaignaient d'avoir subi des effets secondaires graves ou des crises de tachycardie... Pour autant, ces tests pharmaceutiques sont souvent considérés comme utiles dans l'émergence de nouvelle thérapies. Certains traitements contre le sida ou le cancer comme les trithérapies sont souvent cités comme le fruit de ce type de test.

Ces essais thérapeutiques sont soumis au contrôle de l'Afssaps, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, devenue en 2012 l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). En 2007, on apprenait qu'une quarantaine de contrôles avaient été menés pour 1800 essais thérapeutiques.

Biotrial : une entreprise spécialisée dans les études pharmaceutiques à Rennes

Pour devenir testeur de médicament, il faut avoir 18 ans, être en bonne santé et suivre une bonne hygiène de vie, le tout évalué par des médecins et une batterie de tests. Plusieurs sociétés recrutent leurs testeurs directement sur Internet. C'est le cas notamment de Biotrial, entreprise qui propose de participer à ses tests pharmaceutiques à Rennes précisément. Biotrial est spécialisée dans l'évaluation des médicaments et la recherche en pharmacologie "de haute qualité". Société de service, elle indique sur son site Internet réaliser "depuis plus de 20 ans des études pharmaceutiques pour le développement de nouveaux médicaments (traitement de la douleur, de la maladie d'Alzheimer, antibiotiques, etc.) grâce à la participation de volontaires à [ses] essais cliniques". Elle a reçu un agrément du ministère de la Santé.