Uvestérol D : doit-on continuer à donner ce médicament aux enfants ?
[Mis à jour le 3 janvier 2017 à 23h52] L'Uvestérol D est prescrit depuis plus de 25 ans par les pédiatres aux jeunes enfants, mais est dans le viseur de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) depuis 2011. La mort d'un nourrisson de 10 jours, le 21 décembre dans un hôpital de Paris, pose de nouvelles questions sur l'Uvestérol D, utilisé pour combler les carences en vitamine D chez les jeunes enfants. Le bébé, dont le décès a été rendu public le lundi 2 janvier, aurait présenté des "signes de suffocation" et fait "un arrêt cardio-respiratoire", d'après Le Figaro. Ces signes seraient apparus immédiatement après une prise d'Uvestérol D.
"Des investigations sont en cours pour déterminer les causes exactes du décès et savoir s'il est susceptible d'être imputé à l'Uvestérol D. Depuis 1990, date de la mise sur le marché de l'Uvestérol D, aucun décès n'a été imputé à l'administration de ce produit", a expliqué ce mardi l'ANSM, qui a rappelé que le médicament était en surveillance depuis plusieurs années. "Une dizaine de millions d'enfants ont été traités grâce à Uvestérol D sans aucun décès à déplorer", a ajouté le laboratoire français Crinex qu'il produit le médicament.
En vidéo - Comment est mort le nourrisson ?
Des effets secondaires connus depuis 1996
Selon les recommandations de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps, ancien nom de l'ANSM), depuis le 18 mars 2011, il est demandé "aux parents dont les enfants doivent prendre de l'Uvestérol vitaminé ADEC ou de l'Uvestérol D de respecter scrupuleusement les doses prescrites". L'ANSM a déjà pointé des "cas de fausse route ou de malaise avec apnée du nourrisson pouvant entraîner une cyanose, sans pathologie connue, lors de l'administration de l'Uvestérol D, et ce, notamment au cours du premier mois de vie". En outre, l'Uvestérol fait l'objet depuis 2006 d'une "surveillance renforcée" de l'ANSM puis depuis 2011 d'un "plan de gestion des risques". Le Figaro rappelle que de 2006 à 2013, 93 cas d'enfants touchés par des effets secondaires ont été signalés.
Le médicament est régulièrement pointé du doigt pour sa dangerosité depuis vingt ans, comme le rappelle Sud Ouest. Des malaises suite à la prise de ce produit auraient été signalés depuis 1996. En 2006 et en 2010, l'ANSM avait publié des mises en garde et avait notamment demandé une modification des précautions d'emploi afin de changer le mode d'administration du médicament. "Le volume de la solution d'Uvestérol administré, sa viscosité, son goût, la présence d'huile de ricin polyéthylénée sont des facteurs de survenue des malaises à envisager", expliquait tout de même la revue Prescrire en 2011, qui jugeait les mesures de l'ANSM inefficaces. "L'Afssaps attend-elle des décès pour agir enfin de façon responsable vis-à-vis des enfants et de leurs parents ?", demandait alors les rédacteurs de la revue à l'origine de la révélation du scandale du Mediator.
La question de la suspension de l'Uvestérol D
D'après les informations du Figaro, les responsables des centres de pharmacovigilance (CRPV), organismes chargés de surveiller les effets secondaires des médicaments, n'ont été informés du décès du nourrisson que le 30 décembre. Dans un échange de mail - où le patron de l'ANSM est en copie -, au moins trois d'entre eux demanderaient la suspension en urgence de l'Uvestérol D. C'est également le cas de Gérard Bapt, député socialiste, qui s'est dit "sidéré par le manque de réactivité et de transparence" de l'ANSM.
Les alternatives à l'Uvestérol D
L'Uvestérol D est aujourd'hui décrié pour son mode d'administration. C'est en effet la pipette utilisée pour donner le médicament aux bébés qui serait à l'origine de la dangerosité. Il arriverait ainsi que le produit soit mal injecté ou de façon trop rapide ce qui provoquerait les malaises chez les très jeunes enfants. Le laboratoire Crinex a plusieurs fois modifié la notice et la pipette afin de prévenir les accidents. Pourtant, il existe d'autres médicaments permettant de combler des carences en vitamine D. Comme le souligne Europe 1, ZYMAD, Adrigyl et Fluostérol sont également en partie remboursés et sont administrés via des gouttes, ce qui réduiraient le risque de malaise.