Pesticides dans l'eau potable : votre ville est-elle touchée ?

Pesticides dans l'eau potable : votre ville est-elle touchée ? En France, l'eau potable serait contaminée dans de nombreuses régions, selon des enquêtes du "Monde" et de Franceinfo. Votre commune est-elle touchée par cette contamination ? Découvrez-le dans notre article.

[Mis à jour le 23 septembre 2022 à 13h42] L'eau du robinet est-elle potable en France ? Selon des enquêtes du Monde et de Franceinfo, des résidus de pesticides auraient été retrouvés en 2021 dans l'eau de 12 millions de Français, soit une personne sur cinq. Le travail d'investigation des journalistes montre que des dysfonctionnements auraient eu lieu dans la surveillance de la qualité du réseau. Interrogé par Le Monde, Michel Laforcade, ancien directeur général de l'ARS Nouvelle-Aquitaine, indique que les autorités sanitaires ont "failli" concernant les pesticides et leurs métabolites. L'ANSES (Agence nationale de la sécurité sanitaire) définit les métabolites comme des molécules issues de la transformation de pesticides. Leur présence dans l'eau potable est encadrée par une directive européenne qui fixe des limites de qualité.

Franceinfo indique qu'il existe plus de 1000 métabolites de pesticides, mais que lors des prélèvements effectués par les autorités sanitaires entre janvier 2021 et juillet 2022, 170 métabolites ont été cherchés en moyenne. Selon les régions, les substances recherchées et leur nombre ne sont pas les mêmes. Ainsi, en Corse, 30 molécules ont été testées en moyenne par prélèvement, contre 386 en Île-de-France. En effet, la liste des molécules testées dépend de la densité de population.  Selon le magazine Complément d'enquête, diffusé jeudi 22 septembre 2022, des dépassements des molécules de pesticides et de leurs métabolites ont été relevés dans 20% des communes françaises depuis janvier 2021. Quelles sont celles concernées par ces dépassements ?

Où l'eau est-elle la plus contaminée par les pesticides ?

Le ministère de la Santé possède une carte pour connaître la qualité de l'eau du robinet en France. Celle-ci a été réalisée avec les résultats du contrôle sanitaire de l'eau du robinet mis en œuvre par les ARS. Commune par commune, les informations sont régulièrement mises à jour. Après avoir cliqué sur sa région, il suffit d'entrer le nom de sa ville dans le moteur de recherche. Une fois la ville validée, un résultat s'affiche et indique si l'eau est "conforme aux exigences de qualité en vigueur". Il vous suffit de cliquer sur l'image ci-dessous pour rechercher votre commune.

© Capture d'écran Ministère de la Santé

Le Monde s'est également servi des chiffres des agences régionales de santé (ARS), d'agences de l'eau ou de préfectures, pour établir sa propre carte. Ses données publiques, qui n'ont pas été communiquées au public dans des termes agréés, montrent que cette problématique de santé publique est très diverse d'une région à une autre, et même souvent d'un département à un autre, voire sur l'ensemble d'un petit territoire. Ainsi, les régions les plus concernées par des eaux contaminées par des pesticides sont les suivantes : 

  • Les Hauts de France : 65% de la population concernée
  • La Bretagne : 43% de la population concernée
  • le Grand-Est : 25,5% de la population concernée
  • les Pays de la Loire : 25% de la population concernée
  • la Bourgogne-Franche-Comté : 17% de la population concernée
  • l'Île-de-France : 16,3% de la population concernée
  • la Normandie : 16% de la population concernée

Entre 2020 et 2021, une dégradation de la situation sans précédent ?

Autre constat et pas des moindres, un an plus tôt, en 2020, seuls 6% des Français, contre 20% en 2021, étaient concernés. Sur ce point, l'enquête du Monde a un début d'explication. Ce n'est, semble-t-il, pas tant la situation qui s'est dégradée d'une année sur l'autre, mais davantage nos connaissances qui ont évolué. Mickaël Derangeon, le vice-président d'Atlantic'eau, le syndicat des eaux de Loire-Atlantique, n'hésite d'ailleurs pas à parler au Monde d'un "choc de connaissance".

De leur côté, les équipes de France Info et du magazine Complément d'enquête de France 2 estiment que près de 25% des communes de l'Hexagone ont été alimentées au cours de l'année 2021 par une eau dépassant les normes de qualité. Franceinfo a mis en ligne une plateforme compilant les données publiques, du ministère de la Santé, de la qualité des eaux distribuées en France. Un travail important qui leur a permis de mettre à disposition un moteur de recherche permettant d'obtenir des informations commune par commune. De quoi déterminer très rapidement si l'eau potable qui coule dans votre commune - et de fait dans vos canalisations - est de bonne qualité ou contaminée par des pesticides.

L'eau contaminée par des métabolites de pesticides

Si la situation apparaît aussi alarmante, c'est que Le Monde et Franceinfo se sont intéressés aux métabolites de pesticides, plus solubles que les pesticides eux-mêmes. Ces produits n'étaient pas recherchés par les autorités sanitaires avant 2021. Les tout derniers chiffres révèlent donc un problème d'une nature et d'une ampleur bien plus considérable qu'attendu. Très peu d'études ont été faites par les scientifiques et les toxicologues sur ces métabolites, on ignore en réalité le niveau de leur dangerosité. Certains n'ont probablement aucun effet délétère sur la santé, mais certains sont déjà considérés comme potentiellement dangereux par la direction générale de la santé.

Autre écueil : comme le précise Benoît Vallet, directeur général de l'ARS Hauts-de-France, au Monde, "le seuil de 0,1 µg/l (seuil fixé pour déterminer un dépassement - NDLR) n'est pas une norme sanitaire. La seule norme sanitaire est la "Vmax", qui indique une concentration dans l'eau susceptible de déclencher des problèmes sur la santé". Mais comme le précise Le Monde, le manque d'études scientifiques sur le sujet crée une situation délicate : il n'y a parfois pas d'élément sérieux pour fixer une "Vmax" avec pertinence : on ignore donc à partir de quand l'accumulation de certains pesticides dans l'eau est nocive.

Quels risques pour la santé ?

Telle est la question qui fâche. Et Le Monde ne mâche d'ailleurs pas ses mots à ce sujet, évoquant des études "fragiles et parcellaires". Dans ces circonstances, et alors qu'on ne cesse d'en apprendre davantage jour après jour sur les différents pesticides et métabolites, les autorités comme les scientifiques peinent à définir exactement les risques pour la santé. Faute d'études, certaines molécules et leurs effets à long terme sont totalement inconnus. "Les effets à long terme sur la santé d'une exposition à de faibles doses de pesticides sont difficiles à évaluer", admet lui-même le ministère de la Santé.

Quelle solution pour remédier au problème ?

La meilleure des solutions reste, semble-t-il à ce jour, de multiplier les études scientifiques pour élargir nos connaissances et prendre ensuite les décisions qui s'imposeront. Mais en attendant, afin de limiter la casse, en décembre 2020, la direction générale de la santé (DGS) recommandait, en cas de résidus dépourvus de valeur sanitaire maximale, de "restreindre [tout simplement] les usages de l'eau" dès le dépassement du seuil de qualité, de 0,1 microgramme par litre.

Problème, relève Franceinfo, en respectant ce principe de précaution, les autorités se retrouveraient à restreindre l'usage de l'eau du robinet à des millions de Français. Pour ne pas se retrouver dans cette fâcheuse situation, les autorités sanitaires ont donc trouvé une alternative : la mise en place d'un nouveau seuil appelé "valeur sanitaire transitoire". Fixé à 3 microgrammes par litre, il est de ce fait... 30 fois supérieur au seuil de qualité. À noter, qui plus est, que lorsque cette nouvelle limite est franchie, il n'est à ce jour toujours pas question d'interdire la consommation de l'eau du robinet. Seule la surveillance est renforcée.