Si la France n'était pas "accro aux exportations", elle pourrait nourrir tous ses habitants
"Et si notre agriculture, notre pêche côtière, et notre modèle alimentaire étaient parmi les principales ressources et richesses de la France en l'absence de ressources minières et fossiles ?", s'interroge Philippe Pointereau, président de Terre de Liens, un mouvement fondé il y a 20 ans pour faciliter l'installation de paysans bio. Lundi 17 février, la fondation a publié un rapport hallucinant sur l'état de la souveraineté alimentaire dans l'Hexagone.
Avec 28 millions d'hectares de terres agricoles - soit l'équivalent de la surface de l'Islande - la France pourrait en effet largement subvenir aux besoins de l'ensemble de sa population. Mais un choix économique a été fait... celui de l'exportation. Au total, "43% de nos terres sont dévolues au commerce international", indique Coline Sovran, coordinatrice de l'étude. "On consomme de plus en plus d'aliments transformés, or beaucoup de composants sont importés" déplore-t-elle.
Le gouvernement français s'est pourtant fixé pour objectif de gagner "5 points de souveraineté en fruits et légumes d'ici à 2030 et d'enclencher une hausse tendancielle de 10 points d'ici à 2035". Une mesure difficile à mettre en place dans la réalité. Car si la France dispose en théorie de 4300 m² de terres nourricières par habitant, elle ne consacre que 2 100 m² à l'alimentation française.
La France a perdu "sa souveraineté"
L'association pointe du doigt une priorité donnée aux exportations – céréales et vin en tête – qui aurait précipité la chute de la France, reléguée du 2ᵉ au 6ᵉ rang mondial en 2022. Et avec un poulet sur deux importé, 5 milliards de litres de lait par an, 40% des fruits et un tiers des légumes venus d'ailleurs, l'agriculture française est plus que jamais sous pression.
"Quand on dépend autant des marchés internationaux, c'est qu'on a déjà perdu notre souveraineté, dénonce Philippe Pointereau. Et ce qu'on constate, c'est qu'on perd chaque jour cette capacité à produire localement pour nourrir localement". Une position partagée par la ministre de l'Agriculture Annie Genevard, invitée des "4 Vérités". "On importe trop en volailles, en fruits, en légumes, c'est certain". C'est pourquoi, elle espère pouvoir "lutter contre les concurrences déloyales" et si besoin "rétablir des relations équilibrées".
Mais le dernier projet de loi d'orientation agricole - porté par la ministre - laisse un goût amer aux activistes du secteur. "Plutôt que de relever les défis du renouvellement des générations agricoles et de la transition écologique, il oppose agriculture et environnement, met en péril notre souveraineté alimentaire et bafoue "l'intérêt général majeur de l'agriculture", condamne dans un communiqué Terre de liens.