EFFETS DE LA CIRCULATION DE BRISE SUR LA QUALITÉ DE L’AIR

Une des applications des brises les plus spectaculaires est l’effet de la propagation du front de brise sur la dispersion et la redistribution de polluants atmosphériques. Il semble que l’effet de brise soit l’augmentation de la dispersion de polluants. Cependant plusieurs études montrent l’accumulation des aérosols. Ces recherches ont fait voir la formation d’un champ de recirculation qui provoque l’accumulation de polluants, leurs transformations chimiques et la contamination des sites.

La pollution atmosphérique résulte d’un grand nombre de processus et phénomènes interactifs complexes et de natures différentes. Ils doivent être pris en compte simultanément les phénomènes atmosphériques (vent, humidité, température, nuages, pression…) qui définissent les situations météorologiques, les phénomènes photochimiques, les transformations dans l’atmosphère, les émissions en surface et le dépôt sec et humide des polluants.

La pollution atmosphérique constitue aujourd’hui une des préoccupations prioritaires de la population et des autorités en matière d’environnement. L’aggravation de la situation a provoqué une prise de conscience des pouvoirs publics et des chercheurs. Les résultats scientifiques publiés à ce jour sont inquiétants.

Les changements climatiques et environnementaux sont des signes d’évolution pouvant gravement affecter la vie sur notre planète.

A cet effet et afin de limiter les émissions des polluants dans l’atmosphère, des mesures réglementaires de plus en plus sévères ont été adoptées à l’échelle mondiale. En effet, les recherches scientifiques se succèdent et se développent pour adopter de nouvelles méthodes permettant la réduction des émissions.

Parmi les conditions responsables des épisodes de pollution, le développement d’un vent synoptique (écoulement générale) favorable au déclenchement et au maintien de la circulation de brise. Les écoulements à la surface sont alors perceptibles avec un cycle diurne, et des emprises d’une dizaine de kilomètres de part et d’autre de la ligne de côte. La pollution observée est le résultat d’une somme de processus alliant les émissions à la surface, le transport de polluants de l’air, les circulations atmosphériques et éventuellement la convection.

La compréhension des mécanismes d'une brise de mer et d'une brise de terre, tels la formation, la maintenance et la dissipation de la brise, est capitale du fait de sa contribution au transport d’énergie, à la ventilation et à la stagnation de l’air pollué (Lyons et Olsson, 1973 ; Kitada et Kitagawa, 1990 ; Lu et Turco, 1994 ; Romero et Ramis, 1996 ; Kambezidis et al. 1998 ; Cheng, 2002 ; Liu et Chan, 2002).

La formation d'une brise de mer et d'une brise de terre ou brises thermiques est contrôlée principalement par :

les contrastes thermiques terre-mer

la force et la direction du vent synoptique ou écoulement général

La brise, dont la manifestation la plus spectaculaire consiste en une renverse du vent deux fois par jour, est essentiellement liée à des contrastes thermiques entre la terre et la mer. Au cours de la journée, la terre s’échauffe plus rapidement que la mer. Au-dessus de la surface terrestre, la chaleur se propage dans la couche limite de surface en donnant des courants ascendants. L’air qui s’élève est remplacé par de l’air plus froid, provenant de la mer : c’est la brise de mer. Au cours de la nuit, la terre se refroidit plus vite que la mer et la circulation s’organise en sens inverse (brise de terre près de la surface).

Par ailleurs, les surfaces de la mer et de la terre ont une réponse thermique différente pour la même quantité d’insolation. La surface continentale présente un maximum plus élevé et un minimum plus bas que la mer qui maintient une température sensiblement constante durant toute la journée. Ceci s’explique par les faits suivants :

- l’insolation qui sert à l’échauffement de la surface continentale est absorbée par le même volume d’eau ; cette onde pénètre en profondeur.

- Le volume d’eau chauffé par insolation peut augmenter par les mouvements naturels de la mer et la convection.

- La majorité de l’énergie est utilisée comme chaleur latente à travers l’évaporation de l’eau, plutôt que chaleur sensible. L’évaporation a un effet refroidissant de la surface de la mer.

- La capacité thermique de l’eau est largement supérieure. Elle nécessite quatre fois plus d’échauffement d’une unité de volume pour la même température que le même volume continental.

Pour ces raisons, un gradient de température se produit entre la surface continentale et la surface de la mer avec une renverse diurne (la terre est plus chaude le jour que la mer et la mer plus chaude que la terre la nuit). Ce contraste de température génère un gradient de densité et un gradient de pression de l’air, qui produit une force de brise à travers la côte avec un cycle diurne. La brise de mer souffle de la mer vers la terre pendant le jour, avec un vent de retour au-dessus. Une faible brise de terre souffle la nuit de la terre vers la mer avec un faible vent de retour au-dessus. La nuit, le sol se refroidit et le frottement de l’air sur la terre augmente, ce qui a pour effet de ralentir le vent. Dans la matinée, l’ensoleillement réchauffe la masse d’air et diminue le frottement (Maalej 1997 ; Bouchlaghem et al. (2007)).

Une des applications des brises les plus spectaculaires est l’effet de la propagation du front de brise sur la dispersion et la redistribution de polluants atmosphériques. Il semble que l’effet de brise soit l’augmentation de la dispersion de polluants. Cependant plusieurs études montrent l’accumulation des aérosols. Ces recherches ont fait voir la formation d’un champ de recirculation qui provoque l’accumulation de polluants, leurs transformations chimiques et la contamination des sites. Il est évident que l’étude du transport et de la redistribution des polluants en régime de brises peut devenir rapidement complexe, car il dépend de plusieurs paramètres reliés essentiellement aux conditions de l’écoulement et aux transformations photochimiques. Dans ce contexte, un modèle tridimensionnel a été appliqué par Lu et Turco (1996) pour simuler le transport et la redistribution de l’ozone (O3), en tenant compte des conditions météorologiques, des sources d’émission de polluants, de la dispersion, de la composante aérosol et des processus radiatifs. Ils ont établi des champs de concentrations qui dépendent de l’évolution de O3 en fonction de la stratification de la température. Ils notent aussi que les circulations résultant de l’interaction de la brise de mer avec les brises de montagne (un mouvement d’ascendance durant le jour et de descendance durant la nuit dûe au contraste de température entre la surface de montagne et l’atmosphère de proximité) crée des champs de concentration importants par recirculation de la pollution. Le gradient de concentration de O3 entre la couche de surface et les couches supérieures peut augmenter s’il y a une émission plus importante des NOx à la surface. Ils montrent aussi que les couches supérieures se comportent comme un réservoir pour les polluants âgés qui seront mélangés plus tard avec le développement de la couche de mélange convective pour augmenter la concentration à la surface.

Luhar et Hurley (2004) ont appliqué un modèle tridimensionnel pour déterminer les conditions météorologiques responsables d’épisodes de pollution. Leurs résultats ont été comparés aux données d’une campagne de mesures météorologiques et de champs de concentration réalisées pendant la période estivale sur des sites côtiers Méditerranéens. Les résultats montrent que le modèle reproduit convenablement le développement de la brise de mer ainsi que sa dissipation. La fumigation de la pollution à la surface provoque l’augmentation de la concentration de polluants. Ils ont conclu que les épisodes de pollution atmosphérique observées sur les côtes sont liés aux différents stades de la brise. Les épisodes de smog (brume de pollution qui réduit la visibilité) photochimique sont fréquemment observés en présence de circulation de brises et un faible vent synoptique.

Un cas de circulation de brise a été étudié par Bastin et al. (2005) durant l’été. Ils ont mis en évidence des phénomènes de transport et de ventilation des polluants atmosphériques sur les sites côtiers de Marseille. Leurs résultats montrent que la présence d’une topographie complexe réduit le contraste de température entre la terre et la mer et donc réduit la pénétration du front de brise sur la terre et favorise l’accumulation de polluants. Cependant, ils notent que, dans le cas de l’interaction de la circulation de brise avec un vent synoptique onshore, la ventilation des polluants devient significative par accélération de la brise. Dans ce cas, la pénétration est plus profonde.

Les travaux expérimentaux de Millan et al. (2002) sur le bassin de la Méditerranée visualisent le piégeage et la stagnation des masses d’air polluées au-dessus de la Méditerranée notamment pendant l’été. Ils notent que la combinaison des circulations de brise de mer et des brises de montagnes créent une recirculation le long des côtes du bassin. Ils assimilent cette recirculation à un réacteur photochimique naturel de production de la pollution. La combinaison de la brise de mer et de la brise de montagne provoque l’apparition d’un effet de ‘cheminée’ qui peut injecter les polluants dans les couches supérieures qui seront par la suite advectés sur la mer par le courant de retour. Ils établissent aussi la formation d’une couche convective qui sert à la fumigation des polluants à la surface. Le développement de la brise favorise dans ce cas, l’advection des polluants sur terre qui seront par la suite de retour par le contre courant.

A ce stade, l’influence de la déposition sèche de polluants sur la dynamique des réactions chimiques dans des situations de brise de mer et de brise de terre a été aussi étudiée. Numériquement, Kitada et al. (1986) signalent que la variation diurne de l’écoulement et la diffusivité turbulente caractéristiques de la brise transmet les effets de la déposition rapidement au-dessus de la terre et de la mer. Ils montrent que l’effet de cette déposition sur une espèce peut être transmis à une autre par des réactions en chaîne.

Schlunzen et Pahl (1992) ont utilisé un modèle numérique mésoéchelle pour étudier la variation spatiotemporelle de la déposition sèche des polluants dans une situation de circulation de brise de mer. Les résultats ont montré qu’une quantité de pollution déposée dépend de la vitesse de déposition contrôlée par la stabilité atmosphérique, le champ de vent et le type de traceur. Ils ont montré que la vitesse de déposition sur la mer est constante. Cependant sur terre, la vitesse de déposition est liée à la turbulence verticale. Cette vitesse de déposition montre une variation diurne : elle est trois fois plus importante de jour que de nuit.

            La variabilité de la concentration de polluants atmosphériques à Hong Kong a été étudiée par Liu et Chan (2002) durant des épisodes de pollution. L’augmentation de la concentration de O3 à la surface a été expliquée par l’augmentation des rejets de ses précurseurs. Ils montrent que, dans des conditions synoptiques calmes, la concentration de polluants est principalement gouvernée par la circulation locale, la topographie et la stabilité. Ils notent que le développement de plusieurs brises de mer dans la matinée forme des zones de convergence sur terre. Ces brises ont un effet significatif sur la dispersion de polluants. Les zones de convergence piègent les polluants et favorisent leur stagnation. La nuit, une atmosphère stratifiée stable et un vent faible favorisent l’accumulation de polluants.

Liu et al. (2002) ont simulé les circulations de brises et leurs impacts sur la distribution de l’ozone et ses précurseurs. Ils ont montré que les circulations de brise de mer et de brises de terre jouent un rôle significatif dans le transport et la redistribution des polluants. En effet, l’ozone et ses précurseurs peuvent être transportés pendant la nuit sur les côtes par la brise de terre. Les polluants seront de retour par la circulation de brise de mer du jour. Ce type de transport provoque l’accumulation des polluants sur les côtes surtout en présence d’un faible vent de brise de mer.

Les résultats de Lasri et al. (2004) concernant les épisodes d’ozone des régions ESCOMPTE montrent que ces évènements peuvent se produire hors de la saison estivale. Wang et al., 2000 ont étudié l’évolution diurne et saisonnière des champs de concentrations de polluants atmosphériques primaires dioxyde de souffre (SO2) et secondaires O3. Les résultats montrent que le maximum d’ozone de Hong Kong est enregistré pendant l’automne. Ils ont établi que ce maximum de concentration est produit en présence de radiation solaire intense, un vent faible et une direction unique de la circulation. La formation de zone de convergence explique l’accumulation de l’ozone dans ces régions. L’augmentation de champs de concentration de SO2 a été expliquée par une advection à l’échelle régionale.

Les travaux de Yu et al. (2000) focalisent sur la variabilité saisonnière de la pollution. Ils montrent qu’une faible brise de mer estivale est la principale cause des épisodes d’ozone. Le courant de retour favorise aussi bien le transport, l’accumulation et la transformation des précurseurs d’ozone émis.

Dans cette étude, nous présentons des évènements de brise de mer responsables de l’apparition d’épisodes de pollution. Nous montrons que durant ce type de brise de mer les émissions et la recirculation de brise sont responsables de la dégradation de la qualité de l’air.

 

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

 

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