Interview de Pen Of Chaos, auteur du Donjon de Naheulbeuk

Date de sortie de la saison 6 ? Jeu de Rôle gratuit ? Réduction mammaire des elfes ? Toutes les réponses aux questions que vous vous êtes toujours posées sur l’univers du Donjon de Naheulbeuk sont regroupées dans cette interview exclusive de Pen of Chaos !



Connu depuis le début des années 2000 pour ses sketchs audios inspirés de François Pérusse et de l'univers du jeu de rôle, Pen of Chaos (POC), auteur du Donjon de Naheulbeuk s'est prêté à une interview lors de sa présence aux ELFIC 2012.


ELFIC : Tu as prévu d’écrire des romans pour les saisons 1 et 2, initialement sorties en version audio sur le site, pour permettre une traduction de « La couette de l’oubli » (saison 3), « L’Orbe de Xaraz » (saison 4) et « Le conseil de Suak » (saison 5). Peux-tu nous dire si tu as prévu des  scènes bonus dans ces livres ? Le style narratif des épisodes audio étant très différent du style narratif des romans, comment comptes-tu les adapter ?

POC : C’est toute la question. Je ne recule pas devant le danger !  (Rires) Effectivement, réécrire une aventure qui existe déjà sous plusieurs formats, ça a un côté challenge puisqu’il faut que ça soit à la fois la même chose mais sans trop se répéter.  Je pense que le style narratif que j’ai mis en place pour les bouquins est tout à fait adapté, et finalement l’idée ça sera de mettre le maximum de scènes que je n’ai pas pu mettre dans l’audio et le moins possible de scènes qu’on connaît déjà, parce que ça fait dix ans qu’on les entend. En plus des saisons 1 et 2, je compte ajouter des prequels, parce qu’à la base, l’aventure n’avait pas été pensée de manière suivie. Dans l’aventure audio, je démarre avec des protagonistes qu’on ne connaît pas, en bas d’une tour qu’on ne connaît pas, avec un but qu’on connait à peine. Le but du roman, ça serait de raconter ce qui se passe avant dans la vie de chaque aventurier. On en a parlé dans l’encyclopédie en ligne sous forme de petites fiches, et l’idée serait de rendre ça intéressant dans un livre, pour qu’on sache ce que faisait chaque aventurier avant de rejoindre le groupe, et ensuite de dérouler jusqu’à Boulgourville en ajoutant du bonus au passage.



ELFIC : Mais du coup, ça serait résumé en un ou deux livres ?

POC : Il faut que j’arrive à le faire en un, déjà parce que je n’ai pas envie d’en faire plus, et puis surtout parce que les gens attendent la saison 6, que j’ai prévu être la dernière, parce que j’aime quand les histoires ont une fin, et je ne vais pas les faire attendre dix ans.



ELFIC : Une question qui va t’énerver : à quand la saison 6 ? 

POC : (grognements et bruits étranges, suivis de rires) Euh… Dans la mesure où je ne passe pas tout mon temps à écrire, j’espère finir le prochain bouquin en mars 2013 pour qu’il sorte en juin, et si j’ai la forme, j’attaquerai l’autre en septembre pour une sortie en juin 2014 si tout va bien. Si j’ai trop de travail, ça sera plus tard en 2014. Mais j’espère bien le sortir en 2014.



ELFIC : C’est quand même bien planifié !

POC : Ouais, enfin dans la mesure où je suis Pen of Chaos, je planifie moyennement quand même (rires)



ELFIC : Petite question, moins sérieuse: est-ce que la compagnie finira par gagner suffisamment d’expérience pour ne pas être une troupe de baltringues ?

POC : Je ne sais pas si le fait de prendre des niveaux ça peut régler certains problèmes : l’elfe par exemple a eu du super matériel dans la saison 5, et maintenant elle arrive à tirer à l’arc à peu près correctement, mais ça ne règle pas ses autres problèmes : elle ne comprend toujours pas les cultures des autres,  elle sait toujours pas ce qu’est une histoire de cul, etc… Il y a forcément des choses qui vont rester les mêmes. Le ranger, au combat, il restera le mec qui essaye d’être le chef de groupe. Les gens ne changent pas du jour au lendemain, surtout qu’en terme d’aventure, entre le début de la saison 1 et la fin de la saison 5, il s’est passé un mois et demi.



ELFIC : Ça doit être un peu déprimant de penser qu’il a fallu onze ans de vie réelle pour arriver à ça…

POC : Oui, c’est vrai. J’écris à l’inverse de beaucoup de gens dont l’histoire se déroule sur plusieurs années en un seul roman. Dans mes œuvres, il se passe quelques jours sur plusieurs romans.



ELFIC : Avec la multiplication récente des supports tournant autour du Donjon de Naheulbeuk (BD, romans,  etc…), quelle place reste-t-il pour l’internet, qui est le média qui t’as permis d’émerger il y a plus de dix ans maintenant ? Certains fans de la première heure te reprochent d’avoir pris un virage commercial. Qu’as-tu à leur répondre ?

POC : J’ai à leur répondre que je fournis plus de fichiers gratuits en ligne depuis que je fais de la BD parce que c’est simple : avant  je travaillais dans un bureau en journée et je m’occupais de Naheulbeuk sur mon temps de repos, ce qui me faisait deux fois du boulot, parce que du coup ce n’était pas du repos. Du coup je mettais en ligne un épisode tous les cinq mois. Depuis que j’ai commencé à faire de la BD, je ne vais plus au bureau, et finalement je mets un fichier en ligne par mois, alors que je pourrais très bien ne pas le faire et ça ne changerai rien.



ELFIC : Enregistrement audio, roman, BD, jeu de rôle, Naheulband… Comment fais-tu pour t’en sortir avec tous ces projets en parallèle ?

POC : Je ne sais pas moi-même comment j’y arrive mais le truc c’est que je bosse avec des gens qui ont des rôles bien définis : mes éditeurs s’occupent d’éditer, ce n’est pas moi qui le fait, Marion s’occupe des illustrations sur la BD et le jeu donc je n’ai pas à m’en occuper… Enfin, j’ai encore énormément de tâches puisque c’est toujours moi qui gère le site et tout ce qui est correspondance, une partie du management du groupe, la plupart du jeu de rôle gratuit, mais du fait que je ne vais plus au bureau, c’est possible. Surtout pour le jeu de rôle, qui est le projet qui m’a pris le plus de temps sur ces dix dernières années : la documentation est énorme, et je dois gérer les contributions, le courrier des joueurs et les masterisations en convention comme aux Elfic. Ça représente un jour plein par semaine depuis deux ans. Du coup, j’ai eu moins de temps pour le Naheulband, et on a mis cinq ans pour sortir le dernier CD. En fait, ce qui me permet de tout faire à la fois, c’est que les gens sont patients, parce que les vrais fans de Naheulbeuk, ceux qui vont pas sur le site télécharger un fichier en râlant parce qu’il n’y en a pas assez, savent qu’on ne peut pas faire des trucs corrects en cinq minutes ; ils me permettent de travailler à mon rythme.



ELFIC : J’ai entendu parler d’un projet audiovisuel assez secret dans lequel tu serais impliqué, est-ce que tu peux nous en dire plus ?

POC : Je pense qu’on ne va pas tarder à l’annoncer, j’attends le feu vert du diffuseur parce que je travaille sur ce projet depuis trois ans, et on en a encore pour deux ans, donc c’est vraiment un gros truc qu’on est en train de faire. Ça sera de la vraie télévision rôliste, et normalement à visée internationale. On travaille déjà avec les Etats-Unis, le Canada, l’Angleterre et certains pays européens pour faire un truc de qualité sur le jeu de rôle papier. Mais ça reste le donjon de Naheulbeuk, qui est un jeu de rôle papier entre nous. On a prévu de finir ça fin 2013, mais je ne sais pas quand je pourrais donner un peu de contenu, pour  que les gens sachent à quoi s’attendre. J’espère que ça sera dans les mois qui viennent.



ELFIC : Une autre question moins sérieuse : est-ce que la réduction mammaire est la seule solution pour les elfes de niveau élevé, qui ont beaucoup de points de charisme ?

POC : Le truc de Naheulbeuk, c’est qu’il y a énormément d’endroits où tu peux récupérer des informations, et si tu t’es renseigné sur le jeu de rôle papier, tu sais que l’augmentation de charisme pour les elfes s’arrête au niveau 3. C’est d’ailleurs les seules pour lesquelles le charisme peut augmenter, mais que jusqu’au niveau 3, après elles arrêtent de prendre des bonnets de soutifs (rires) Sinon elles pourraient plus tirer à l’arc.



ELFIC : Tu as également consacré beaucoup de ton temps ces dernières années à la création d’un jeu de rôle papier disponible gratuitement sur ton site. Avec l’engouement suscité par les jeux vidéo de type RPG ou MMO, les jeux de rôle papier tombent de plus en plus en désuétude. Est-ce que ton but est d’encourager la communauté du Donjon de Naheulbeuk à se remettre au jeu de rôle papier ?

POC : C’est exactement ça ! Effectivement, il y a beaucoup de gens dans le passé qui se sont mis au jeu de rôle parce qu’ils aimaient un univers. Bon après ce n’est pas forcément le cas pour Donjons et Dragons parce que c’était un jeu de rôle avant de devenir un univers, mais par exemple, il y a énormément de gens qui aiment l’univers de Star Wars et qui se sont mis au jeu de rôle parce qu’il en existait un sur cet univers. De même pour Star Trek, Indiana Jones ou James Bond. En fait, les gens qui proposent un jeu de rôle avec un univers inconnu posent un problème aux joueurs qui sont obligés de se plonger dans l’univers, de s’approprier l’univers avant de pouvoir jouer un personnage. C’est très bien parce que ça fait découvrir des nouvelles choses, mais comme en ce moment, les gens ont en moyenne tendance à aimer ce qui est immédiat, plus facile et plus abordable et bien que Naheulbeuk soit basé sur pleins d’univers de jeu de rôle différents, et que donc ça semblait pas forcément utile de créer un jeu de rôle, en fait il fallait absolument le faire parce qu’on s’est rendu compte qu’il y avait énormément de gens qui connaissaient Naheulbeuk, qui connaissaient les jeux vidéo, les œuvres med-fan, mais qui n’avaient jamais fait de jeu de rôle. La façon la plus simple pour eux de jouer, c’était d’avoir un jeu de rôle Naheulbeuk parce qu’ils avaient juste à apprendre les règles du jeu, et pas de se plonger dans l’univers.



ELFIC : Pourquoi dans le Donjon de Naheulbeuk seuls les méchants ont des noms et pas les personnages principaux ?

POC : Ça s’est fait naturellement, et puis je l’ai gardé comme ça après. Pendant quelques épisodes, je n’ai pas pensé à leur donner de nom, et quand il a fallu leur en donner, je pensais que c’était trop tard, donc je ne l’ai pas fait, donc ils n’ont toujours pas de nom. (Rires) Ça contribue à l’originalité de la série. En général, quand on écrit quelque chose, on définit en premier le nom des personnages et leur profil, et là, j’ai rien défini du tout. J’ai écrit les dialogues au fur et à mesure que les personnages rentraient dans l’aventure ; les personnages se sont construits plus tard. C’est pour ça que les gens qui lisent les bouquins se rendent compte, plus ils avancent dans l’aventure, que les différents personnages ont des couches, parce que encore une fois, c’est venu au fur et à mesure. Ça participe au folklore en quelque sorte. (Rires)



ELFIC : C’est peut-être pour ça que le roman était un support plus intéressant que l’enregistrement audio, non ? Ça te permet de construire vraiment des personnages

POC : Oui, surtout que l’écriture d’un épisode audio, c’est extrêmement restrictif parce que tu es très limité d’un point de vue technique. Tu peux pas avoir vingt-cinq personnages dans une même scène, tu ne peux pas avoir des gags suggérés, ils doivent être explicites, il ne peut pas se passer un truc marrant en arrière-plan, sauf si c’est vraiment gros. Finalement, tout ce qui est plus fin et étudié ne peut pas être fait en audio, sauf par jeux de mots, comme avec Reflets d’Acide [ndlr : une autre saga mp3], mais moi ce n’est pas ce que j’ai envie de faire. Je préfère les comiques de situation, qui s’installent, et ça je ne peux pas le faire en audio.



ELFIC : A partir de quand as-tu pu vivre de tes projets tournant autour de l’univers de la Terre de Fangh ? Comment est-ce que ça se passait avant ?

POC : Je ne pensais pas que ça allait donner grand-chose pendant un long moment, jusqu’à ce que Marion  commence à me parler de la BD à laquelle personnellement je ne croyais pas du tout au début. C’était un univers que je ne connaissais pas et je n’y avais jamais pensé, mais elle est connaissait bien tout l’univers de la BD, et l’éditeur nous a suivi. On a eu un démarrage un peu difficile, mais en fait ça a très vite décollé, et un jour je me suis rendu compte que ça servait à rien d’avoir deux jobs puisque j’ai réalisé que mon travail au bureau ne me servait à rien, à part perdre du temps. (Rires) Voilà. C’était en 2006/2007. Je suis quand même resté presque sept ans à faire deux boulots. J’ai beaucoup manqué de sommeil (Rires).



ELFIC : Une dernière question, pour conclure : Finalement, est-ce que c’est le bon plan d’être Pen of Chaos ou pas ? 

POC : Je pense que c’est bien parce que je ne fais pas de télévision. Contrairement à beaucoup de gens qui apparaissent en vidéo, moi je suis pénard tout le temps, sauf quand je vais en convention, quand il y a écrit mon nom sur une table. Donc finalement, j’ai les avantages, comme être invité dans les conventions, mais je n’ai pas les inconvénients, je peux aller faire les courses pénard, il n’y a jamais personne qui me reconnait nulle part, donc c’est très bien (Rires) J’aime pas du tout le Star System, donc ça me va très bien comme ça.



Encore merci à Pen Of Chaos pour le temps qu'il m'a accordé durant cette interview.

Horn, pour les ELFIC