Renaud Corlouër (Photographe) "C'est un livre sur Johnny 'l'artiste' et ce que peut être une vie en tournée"
Le photographe Renaud Corlouër a suivi Johnny Hallyday en tournée mondiale pendant 18 mois. A l'issue de cette expérience inédite, il sort le beau-livre "On the road". Rencontre.

Vous nous livrez un témoignage visuel du quotidien de Johnny en tournée. Comment en êtes-vous arrivé à travailler avec lui ?
Avec Johnny, on se connaît déjà depuis de nombreuses années, presque 20 ans maintenant. Ma première collaboration professionnelle avec lui date de 2007 à Los Angeles, où j'étais parti faire une campagne pour sa marque de vêtements Smet. On avait fait un super shooting. La séance photo avait été tellement forte qu'on a été amenés à se recroiser plusieurs fois. Et c'est en se croisant à Paris grâce à un ami commun qu'il m'a proposé de l'accompagner en tournée. Faire un livre photo de cette tournée fut pour moi une évidence.
Comment se comportait Johnny face à votre objectif ? Etait-il totalement à l'aise ou vous donnait-il des directives précises ?
Il ne me donne aucune directive, il me laisse faire toutes les photos dont j'ai envie. J'avais toutes les libertés possibles, c'est pour ça que c'était magique, que le livre est un beau succès aussi et qu'il a cette empreinte. Avec Johnny, on se connaît, on a vraiment une relation de confiance, j'ai vraiment carte blanche à chaque fois.

Y avait-il des moments où il vous fixait des limites ?
Je n'ai aucun interdit. Déjà, Johnny se connaît parfaitement, en plus il a une vraie gueule d'acteur. C'est un plaisir de le photographier. C'est un vrai luxe d'ailleurs de pouvoir travailler comme ça. De toute façon quand on travaille avec un artiste, c'est avant tout une relation de confiance. Johnny aime le regard que je pose sur lui.
Pourquoi avoir pris le parti de photographier uniquement en noir et blanc ?
D'abord, je trouve que le noir et blanc a ce côté intemporel et je suis un vrai fan aussi des films de Hitchcock et de Fellini. Et le format panoramique du livre aussi, c'est comme un film raconté en images. En fait, on ne réfléchit pas toujours à comment on va faire les choses, mais on les ressent. Dès le départ, j'ai senti de le faire dans ce format-là, des images plutôt horizontales, sous format de type 16/9ème, et je trouvais que le noir & blanc s'y prêtait à 100%. Dans On the road, il y a à la fois des photos posées en studio, des photos de scène, des photos de coulisses. Ce livre se raconte comme un film.
Quels pays avez-vous parcouru avec Johnny durant la tournée mondiale ?
Nous avons beaucoup voyagé. Nous avons vécu beaucoup de moments forts et il y a aussi eu beaucoup de premières fois pour lui dans ce livre. C'est ça aussi qui était touchant, de voir un homme avec une aussi longue carrière, être ému pour la première fois. On a été au Mur des Lamentations à Jérusalem ensemble, il a chanté au Royal Albert Hall de Londres, qui est une salle mythique... Il a chanté aussi au Beacon Theatre de New York. Nous sommes allés aussi à Moscou car il a chanté au Kremlin, puis sur la Place Rouge... Il y a aussi beaucoup de moments forts, des photos historiques.

Quelle prise de vue vous a le plus ému ?
La photo au Mur des Lamentations. Pour moi, une des dates les plus fortes fut celle de Londres, au Royal Albert Hall. D'ailleurs, la couverture représente une de ces dates. Ce fut selon moi un concert magique.
Vous dites vouloir aller à la recherche de l'âme de l'artiste, y êtes-vous parvenu ?
Ce livre est très instinctif. Je suis plutôt portraitiste et photographe de studio. Du coup, ce fut une vraie parenthèse dans mon travail. Sur les compositions, le traitement de la lumière, on retrouve dans ce livre tout mon savoir-faire de studio que j'ai mis au service du reportage.
Côté technique, avec quel matériel avez-vous travaillé ?
J'ai travaillé avec un appareil photo reflex Canon. Durant les concerts, je me promenais avec une base de 2-3 objectifs et un boîtier.
Est-ce que vous avez retouché les photos prises avec Johnny ?
Elles sont très peu retouchées. J'ai travaillé comme je l'aurais fait avec un film négatif. D'ailleurs les gens me posent souvent la question si mes photos ont été faites avec un numérique ou un argentique ! Comme elles sont peu retouchées, on garde ce côté brut, authentique et essentiel. C'est un livre très humain. On voit Johnny tel qu'il est, pas besoin d'en rajouter.

Et pour le choix des photos, Johnny a-t-il mis son veto sur certaines ?
Pas du tout ! Autant à la prise de vue que dans le choix, il m'a laissé faire comme j'en avais envie, comme je le sentais et il m'a tout validé. J'ai eu une totale liberté. Et puis il n'y a pas une image qui se ressemble, c'est pour ça que le choix des photos fut difficile...
Comment qualifieriez-vous Johnny humainement ?
Johnny est un homme vrai. C'est le meilleur qualificatif que je puisse donner. Il est bien dans ses baskets, bien dans son âge, bien dans son époque. Et puis c'est une bête de scène. Pour moi, Johnny, avant qu'il rentre sur scène, c'est comme un cheval de courses dans les starting-blocks. Il donne tout pour son public, c'est un homme généreux. Dans ce livre, on le voit à la fois très fort et solide et à la fois très sensible et humain. C'est quelqu'un de très paradoxal. Il a autant de succès pour ces raisons-là.
Avez-vous immortalisé des moments de retrouvailles avec sa famille ?
Laeticia Hallyday était souvent là pendant les dates de concert. Parfois, il y avait aussi les enfants qui venaient. On retrouve également des moments partagés, mais j'ai avant tout voulu axé ce livre sur sa carrière. C'est un livre sur Johnny "l'artiste" et ce que peut être une vie en tournée. C'est l'envers du décor. Ce n'est pas pour rien que le livre s'appelle "Sur la route" : les moments où il fume dans le jet privé, en hélicoptère, les rentrées de scène où on voit toute la foule sont des moments forts. Je travaille aussi très près de lui au grand angle, du coup ça donne des photos aussi très "rentre-dedans" et puissantes.
Y voit-on des moments partagés avec le public ?
Sur scène, il va souvent serrer la main du public. Johnny est un artiste qui va au front, qui aime aller à la rencontre de son public. Ce livre est un hommage à la carrière de Johnny, mais aussi un hommage à son public. S'il existe aussi, c'est parce qu'il a un public qui lui est fidèle. Le public est omniprésent dans le livre.

A-t-il le trac avant de monter sur scène ? Est-il un grand fêtard en coulisses ?
J'ai tout vécu, avant qu'il monte sur scène dans la loge, quand il monte sur scène je monte aussi. J'étais un peu comme un membre du groupe ! Quand on était backstage, l'ambiance était détendue, on se racontait des blagues. J'ai ressenti une grande complicité, des moments forts, des éclats de rire. Johnny, c'est quelqu'un qui aime rire, qui aime la vie de tournée, être avec ses musiciens. Il a le luxe de pouvoir choisir les gens avec qui il a envie de travailler, donc il s'entoure aussi des meilleurs musiciens, des gens avec qui il a envie de passer du temps.
D'autres artistes vous ont accompagné durant cette tournée, le livre est préfacé par Louis Bertignac. Est-ce qu'il était là lui aussi ?
Avec Louis, nous sommes amis. J'ai fait son avant-dernière pochette d'album, Grizzly. Il nous a accompagné sur toutes les premières parties des stades. Il était un bon intermédiaire entre Johnny et moi parce qu'il nous connaît bien tous les deux. C'est un honneur qu'il ait préfacé mon livre.
Est-ce votre premier beau-livre ?
Oui, mais le premier d'une longue série maintenant !
Vous travaillez avec des artistes du monde de la musique principalement ?
Je fais beaucoup de pochettes de disques avec des chanteurs internationaux, des couvertures de magazines. Je fais beaucoup de mode également et de la publicité. Je collabore essentiellement avec des célébrités et toujours avec un travail profond sur leur image. Pendant cette tournée, j'ai réalisé deux de ses pochettes d'album : Born Rocker Tour et On Stage, qui sont les deux live. Sinon, plus globalement, j'ai travaillé avec David Bowie, Beyoncé, Eminem, Lenny Kravitz, les Rita Mitsouko, Iggy Pop. C'est un petit milieu au final. Je travaille également avec des acteurs américains et français aussi. Nous sommes souvent amenés à nous croiser et à travailler à nouveau ensemble. Ce qui est intéressant dans ce métier, c'est avant tout les rencontres. Chaque histoire est différente.
Quelle est votre recette pour prendre en photo les stars ?
La photographie d'artiste, c'est aussi rentrer dans leur intimité. Dans la culture indienne, photographier une personne, c'est lui voler son âme. Et ce n'est pas faux. Les gens ont toujours une certaine pudeur. Quand on décide de se faire photographier, c'est un vrai choix et donc ça amène à un rapport simple et authentique. Il faut avoir un rapport d'égalité aussi avec les gens. C'est ma façon de travailler en tous cas. J'ai un rapport simple, très cool et c'est comme ça que ça fonctionne.
Quel est votre prochain projet photographique ?
J'ai un livre en cours sur Les Rita Mitsouko & Catherine Ringer, prévu pour 2015.
Voir le diaporama photo du beau-livre "On the road"
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