Michel Platini : complice ou victime de Blatter ?
[Mis à jour le 25 septembre 2015 à 19h58] Cette fois, "Platoche" est éclaboussé par l'affaire. Alors que la Suisse a ouvert une procédure pénale contre le président démissionnaire de la Fifa Sepp Blatter, Michel Platini, candidat déclaré à sa succession, est à son tour visé. Le dirigeant suisse est soupçonné notamment d'un "paiement déloyal" de 2 millions de francs suisses (1,8 million d'euros) en faveur de Michel Platini, qui fut son ancien bras droit avant de prendre ses distances. L'ancienne gloire du foot français est-elle sur la sellette ? Le paiement concerne de prétendus travaux effectués entre janvier 1999 et juin 2002. Il "a été exécuté en février 2011", souligne la justice suisse, comme pour indiquer que la transaction a bien eu lieu. Le tout sans donner les détails des travaux. Ce soir, Michel Platini a déclaré à l'AFP que ce paiement correspondait à un "travail" qu'il avait "accompli de manière contractuelle pour la Fifa". Il se dit par ailleurs "satisfait d'avoir pu éclaircir ce point envers les autorités ".
Pour l'instant, c'est clairement Sepp Blatter qui est visé, et c'est un autre événement qui est au centre de l'affaire. Blatter est d'abord poursuivi pour "gestion déloyale et, subsidiairement, abus de confiance" au sujet d'un contrat défavorable à la Fifa, signé en 2005 avec l'Union caribéenne de football. Ce vendredi 25 septembre, l'Helvète devait s'exprimer en clôture du comité exécutif de la Fifa, à Zurich. Mais la prise de parole du Suisse a été annulée : ce dernier a été "auditionné en qualité de prévenu" par les enquêteurs transalpins et une perquisition menée dans son bureau de la Fifa. Les enquêteurs ont aussi entendu Michel Platini, mais seulement en qualité de "personne appelée à donner des renseignements".
Platini : impliqué ? Piégé ? A la manoeuvre ?
Difficile donc, pour l'instant, de savoir précisément s'il est reproché quoi que ce soit à l'ancien numéro 10 de l'équipe de France. Selon les premiers éléments rapportés, il aurait reçu un paiement déloyal de Sepp Blatter. Il serait donc, dans ce cas, bel et bien impliqué dans le vaste scandale de corruption qui est en train d'exploser sous nos yeux. Mais deux hypothèses sont aussi avancées. D'abord, d'aucuns estiment que Sepp Blatter, vexé du peu de soutien de Platini depuis quelques années, a tout fait pour faire plonger son ancien bras droit. Michel Platini a, par deux fois, refusé de soutenir Blatter pour sa réélection et fait partie depuis longtemps de ceux qui visent à lui succéder. Il fut aussi l'un des plus critiques envers le président de la Fifa quand le scandale de corruption a éclaté au printemps dernier. Sur LCI ce vendredi, Bruno Godard, journaliste spécialiste du football, indiquait déjà que la mise en cause de Platini n'était pas une surprise "car Sepp Blatter a mis en place un système mafieux et jusqu'aux élections de février, d'autres affaires vont sortir car il va essayer de mouiller Michel Platini au maximum". Selon lui, "Sepp Blatter est prêt à tout pour empêcher Michel Platini de devenir président de la Fifa".
La seconde hypothèse est totalement inverse. Selon Europe 1 et l'agence Reuters, c'est Michel Platini lui même qui aurait dénoncé Sepp Blatter pour ce paiement frauduleux de 2 millions d'ancien francs. Le président de l'UEFA aurait lui-même donné à la justice suisse l'information de la transaction...
Deuxième coup dur pour Michel Platini
La semaine est en tout cas très délicate pour le candidat à la présidence de la Fédération internationale de football association (Fifa), jusqu'à présent considéré comme le grand favori. Hier, alors que la réunion du comité exécutif de l'institution était déjà lancée, Michel Platini a été contraint de reconnaitre, face aux journalistes de l'agence AP, qu'il avait "peut-être" promis aux Américains son vote pour l'organisation de la Coupe du monde 2022. Un aveu retentissant pour celui qui avait pourtant indiqué publiquement avoir voté, en son âme et conscience et en toute indépendance, pour le contesté Qatar.
Depuis des mois en effet, on soupçonne Platini d'avoir été influencé et d'avoir finalement voté sous la pression des Qataris voire de Nicolas Sarkozy lui-même, grand ami de Nasser Al-Khelaïfi. Un déjeuner qui aurait eu lieu à l'Elysée fin novembre 2010 est notamment rapporté par la presse. Platini a toujours démenti avoir été "retourné" par les puissances financières ou politiques. Mais il semble en tout cas qu'il ait changé d'avis au dernier moment lors du vote pour le pays hôte de cette Coupe du monde, qui a eu lieu en décembre 2010.
Le "paiement déloyal", un concept propre à la Suisse
Le concept de "paiement déloyal" est spécifique à la justice suisse et relié à un autre concept jurique bien précis : celui de "gestion déloyale". En droit français, celle-ci peut s'approcher de l’abus de biens sociaux. Il s'agit donc de l'utilisation des biens, des pouvoirs ou de l'argent d'une société par un ou plusieurs de ses dirigeants à des fins personnelles. Le tout avec la volonté manifeste de les détourner de leur vocation première. Selon Grégoire Mangeat, vice-bâtonnier de l'Ordre des avocats de Genève, qui s'exprime sur le site de 20 Minutes, le "paiement déloyal" est donc le versement d'une somme d'argent pouvant faire partie de cette gestion déloyale.