A Télématin, c'est (encore) la crise : comment la matinale de France 2 est devenue un enfer à la télé

A Télématin, c'est (encore) la crise : comment la matinale de France 2 est devenue un enfer à la télé Enième tempête à "Télématin" : l'émission phare de France 2 perd encore ses présentateurs vedettes.

Télématin n'en finit plus de tanguer. La matinale de France 2, qui semblait avoir enfin trouvé un nouveau souffle avec l'arrivée à sa tête de Flavie Flament et Julien Arnaud en septembre dernier, doit à nouveau faire face à une crise. Les deux animateurs emblématiques ont en effet appris de manière inattendue cette semaine qu'ils seraient remplacés dès la rentrée par leurs homologues du week-end, Maya Lauqué et Damien Thévenot.

Flavie Flament et Julien Arnaud, recrutés en grande pompe l'été dernier pour succéder au duo Thomas Sotto-Marie Portolano, auront donc tenu à peine une saison à la barre du navire. Un coup dur de plus pour l'émission, qui espérait enfin se stabiliser après des années de turbulences. Car depuis le départ de son emblématique présentateur William Leymergie en 2017, après 30 ans de bons et loyaux services (de 1985 à 1986, puis de 1989 à 2017), Télématin navigue en eaux troubles, enchaînant les départs fracassants et les polémiques.

William Leymergie, la figure de Télématin abimée

Tout a commencé avec le départ d'un William Leymergie en fin de règne en 2017. L'animateur a alors une "image de tyran", avec  management musclé et accusations de licenciements abusifs à la clé, rapportés dans plusieurs médias. Une main courante a même été déposée en 2007 par un chroniqueur, Jean-Philippe Viaud, accusant William Leymergie d'avoir tenté de l'étrangler lors d'une altercation en coulisses. Ce dernier attaquera France TV en 2019, après 31 ans de contrats précaires.

Car Télématin, en plus d'avoir l'exigence d'une matinale avec ses horaires infernaux et la nécessité de travailler dans l'urgence, est connue dans le milieu comme une émission qui use et abuse des pigistes et autres CDD de journalistes tout juste sortis de l'école. De L'Express à TV Mag, des litiges judiciaires dus aux renouvellements de contrats ont plusieurs fois été rapportés.

Mais en 2017, les ennuis se multiplient. Le management est régulièrement pointé du doigt, l'ambiance se dégrade. Les langues se délient. On parle d'une "pression permanente". Ce tournant de 2016-2017 est aussi marqué par un drôle de scandale, pourtant bien éloigné de l'émission elle-même : des poursuites contre Carinne Teyssandier, un des visages de l'émission. La chroniqueuse de Télématin et son mari seront condamnés à six mois de prison avec sursis et 5000 euros d'amende, pour avoir employé illégalement à leur domicile, à Villejuif, une Mauricienne sans aucun papier et sous payée.

Laurent Bignolas le mal-aimé

William Leymergie quitte donc Télématin (et France 2) en juin 2017. Officiellement, il se retire de son propre chef et sans malaise avec la direction de France TV, d'après ses dires. Mais le contexte est déjà pesant. Et le passage de relais à Laurent Bignolas, nouveau visage de la matinale, ne se passe pas dans la plus grande sérénité. Dès le démarrage, des remous sont rapportés dans les équipes, des proches de William Leymergie ont décidé de quitter le navire, d'autres sont restés pour finalement mieux critiquer le nouveau venu.

Les critiques contre Laurent Bignolas rappellent celles formulées contre son prédécesseur : on lui reproche de vouloir être l'unique vedette du programme et d'imposer un management difficile (bis). "On a pu critiquer William Leymergie, mais à côté de Laurent Bignolas, c'est un enfant de chœur", va même raconter un membre de l'équipe au Parisien. 

En avril 2021, déjà sur la sellette et annoncé comme partant, Bignolas se saborde tout seul avec une blague raciste pendant un sujet sur Sadeck Waff, un chorégraphe niçois. Nouvelle polémique. Obligé de s'excuser, l'animateur est licencié dans la foulée, sans lien direct avec l'affaire. Il faut dire que l'audience de Télématin a chuté, passant de plus d'1 million de téléspectateurs en moyenne à à peine plus de 850 000 fidèles...

Thomas Sotto, l'"empereur" déchu

Le tandem suivant, celui de Thomas Sotto et Julia Vignali, doit apporter un vente de fraîcheur à Télématin, mais le malaise perdure. Dès le mois de juillet 2024, une enquête choc de Télérama dévoile de nombreux témoignages de collaborateurs dénonçant les méthodes "toxiques" de Thomas Sotto. Humiliations, colères froides, irrespect... L'animateur est dépeint à son tour comme un "empereur" qui "humilie" et "dénigre" son équipe.

Trois tyrans à la suite ? Cette succession semble à peine croyable. Pourtant, la journaliste Stéphanie Khayat, en charge des invités, raconte que l'émission l'a "bousillée" tant la pression était forte. Sotto dénoncera quant à lui une "violence inouïe" dans ces attaques, reconnaissant "être exigeant, de bonne ou de mauvaise humeur", mais toujours "très franc". "Je dis les choses les yeux dans les yeux", lâchera-t-il, admettant tout juste des "débriefs trop durs" qu'il aurait "corrigés" par la suite.

L'histoire se répète, d'autant qu'en septembre 2022, l'humoriste Alexandra Pizzagali, récemment recrutée pour assurer une chronique hebdomadaire, provoque un énième tollé avec un sketch maladroit sur l'attentat de Nice, le jour de l'ouverture du procès. Coupée brutalement par la pub, elle est aussitôt écartée par la direction. Mais le mal est fait. Pizzagali plonge dans une profonde dépression, songe au suicide. "Je vais arrêter cette vie-là et passer à la suivante", confie-t-elle 2 ans plus tard.

Flavie Flament et Julien Arnaud, l'éphémère espoir

Ce déferlement de polémiques fait mal. Julia Vignali claque la porte, "épuisée", fin 2023. Sotto lui-même finira par quitter le navire pour RTL. France 2 décide de renouveler intégralement le casting de Télématin pour la rentrée 2024. Exit le duo Portolano-Sotto, place à deux visages "neufs" censés incarner l'apaisement : Flavie Flament, débauchée de RTL, et Julien Arnaud, énorme transfuge de TF1.

Mais l'espoir semble donc avoir été de courte durée. Dès ses premiers pas, Flavie Flament confie sa difficulté à trouver le bon rythme. Le duo peine aussi à convaincre, malgré le soutien sans faille de l'équipe, vanté cette fois presque exagérément d'interviews en entretiens.

Flavie Flament et Julien Arnaud n'auront donc pas réussi à endiguer la spirale infernale dans laquelle Télématin semble pris depuis des années. Leur débarquement soudain, annoncé froidement lors d'un déjeuner avec leur direction, sonne comme un terrible aveu d'échec.

Le duo de stars se contentera-t-il des week-ends où France 2 semble vouloir les caser, ou d'autres soubresauts sont-ils à prévoir ? Maya Lauqué et Damien Thévenot, qui assurent avec brio les éditions du week-end, sauront-ils ramener la sérénité qui manque tant à cette institution fragilisée ? Rien n'est moins sûr tant les cicatrices restent profondes. Et les audiences toujours aussi fragiles.